AGENCE FRANCE-PRESSE
La première lutte de Yetnebersh Nigussie pour les droits des handicapés a eu lieu à la faculté de droit, lorsqu’elle réussit à faire pression sur les administrateurs de l’université pour qu’ils fournissent des manuels scolaires en braille pour les étudiants aveugles comme elle.
Peu de temps après, Mme Yetnebersh, âgée de 35 ans, a quitté sa carrière juridique pour poursuivre un genre différent de plaidoyer, en tant que combattante à temps plein pour les droits et les opportunités des millions de personnes handicapées en Éthiopie.
En 2017, on a rendu hommage au travail de sa vie en lui décernant un prix Right Livelihood, souvent appelé le « prix Nobel alternatif ».
Mais son travail n’est pas encore achevé.
« Il y a toujours… des millions de personnes souffrant d’un handicap qui vivent dans des conditions très misérables, qui manquent singulièrement de dignité, déclare Mme Yetnebersh. Nous devons réellement montrer aux gens que les handicapés souffrent d’un seul handicap, mais ils ont 99 capacités. »
Un rapport de 2011 préparé conjointement par la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé estimait qu’il y a 15 millions de personnes handicapées en Éthiopie, soit presque une personne sur cinq. La plupart font face à des perspectives d’avenir décourageantes dans un pays qui est parmi les plus pauvres d’Afrique et où beaucoup de monde considèrent que le handicap est une malédiction.
« Personne ne reconnaît qu’un corps sain peut devenir handicapé demain à cause d’un accident ou autre. Les gens ne comprennent pas cela », déclare Nemera Woyessa, représentante dans le pays de Light for the World, groupe actif dans les droits des handicapés avec lequel travaille Mme Yetnebersh.
Dans les villes comme la capitale d’Addis-Abeba, les personnes handicapées se placent aux intersections et sur les trottoirs pour demander l’aumône, pratique tellement courante que peu de gens y font attention.
« La mendicité enlève votre dignité, déclare Mme Yetnebersh. Elle laisse votre vie entre les mains des autres. »
En 2005, elle a créé le Centre éthiopien pour le handicap et le développement, pour aborder les problèmes affectant les handicapés à sa propre manière. Depuis lors, elle s’est efforcée de faire adopter par le gouvernement un code de construction qui exige que les nouveaux immeubles accommodent les handicapés, avec des éléments comme des portes plus larges et des panneaux d’instruction en braille. Elle a aussi publié un guide qui donne la liste des caractéristiques d’accessibilité des hôtels, restaurants et bureaux de l’état dans la capitale.