PERSONNEL D’ADF
La pêche illégale décime les stocks sud-africains jadis abondants d’ormeaux, de langoustes et autres espèces marines.
Comme dans d’autres pays côtiers, les navires pratiquant la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) en Afrique du Sud naviguent couramment dans des eaux interdites, attrapent d’énormes quantités de poisson, souvent avec un matériel illicite, puis transfèrent leur prise à bord de gros navires de taille industrielle plus loin en mer.
La pêche INN fait perdre au pays des milliards de rands, nuit aux écosystèmes cruciaux pour la survie des animaux marins et laisse les pêcheurs artisanaux avec des filets vides. Les ressources marines pêchées illégalement en Afrique du Sud sont souvent exportées à Hong Kong.
Carmen Oquendo Pabón, pêcheur artisanal de la région d’Overberg au Cap-Occidental, a déclaré au journal sud-africain Mail & Guardian en 2021 que sa prise quotidienne avait fortement diminué au cours des trois années précédentes. Il a dit qu’auparavant il attrapait suffisamment de poissons, de crabes et de crevettes pour soutenir sa famille et qu’il « ne revenait jamais les mains vides ».
La présence croissante des chalutiers industriels beaucoup plus gros a changé sa vie.
« Dans mes 26 années passées dans ce métier, les plus récentes années ont été les pires, a-t-il dit au journal. Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour survivre. »
La pêche illégale en Afrique du Sud se produit rarement pendant la journée.
« Toutefois, les pêcheurs locaux me disent que la nuit, on dirait de petites villes flottant sur l’eau à l’horizon, lorsque les navires INN entrent dans la ZEE [zone économique exclusive] et pêchent illégalement », déclare Hennie van As, directeur du Centre pour la loi appliquée à l’université Nelson Mandela du Cap-Oriental, à ADF dans un e-mail.
Le professeur van As et ses collègues de l’académie FishFORCE de l’université souhaitent utiliser la technologie pour éliminer la pêche INN et mettre en évidence les syndicats criminels organisés à l’origine de ce fléau. On estime que l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est perdent annuellement 12,2 milliards de rands (plus de 717 millions de dollars) à cause de la pêche INN, selon des recherches conduites par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA).
En Afrique du Sud, la pêche INN est aussi liée à la traite humaine, au blanchiment d’argent et à la contrebande des stupéfiants et des cigarettes.
La canalisation de la technologie
Le professeur van As, fondateur et directeur de l’académie, et Michael de Lange, son chef de l’exploitation, ont récemment visité l’Organisation fédérale pour la recherche scientifique et industrielle (CSIRO) d’Australie en Tasmanie, où les hydrophones (appareils de détection sonore) sont employés pour alerter les autorités en cas d’activité suspecte en mer.
Les hydrophones peuvent enregistrer les sons, depuis les bulles des adeptes de la plongée bouteille jusqu’aux moteurs de navire et aux bombes utilisées dans la pêche à l’explosif. Ils envoient un signal d’avertissement à des systèmes informatiques exploités par les agences de police si les sons indiquent la possibilité d’un crime dans ou près d’une zone marine protégée (MPA).
À la fin 2022, les hydrophones seront stratégiquement submergés dans les MPA sud-africaines grâce à un projet pilote que CSIRO aidera à financer.
FishFORCE collabore aussi avec Sea Monster, société du Cap engagée dans les technologies immersives, pour développer un jeu virtuel conçu pour la police des pêches. Ce jeu offrira aux policiers une série de scénarios pour leur enseigner comment effectuer des inspections de navire afin qu’ils ne perdent pas les procès liés à la pêche illégale à cause de vides de procédure.
Il sera mis à la disposition des partenaires de l’académie : les Comores, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mozambique, la Namibie, la Réunion, les Seychelles et la Tanzanie. Un prototype devrait être disponible cette année, écrit le professeur van As dans le Daily Maverick.
Renforcement des mesures du port
FishFORCE recommande aussi à tous les pays de la région de mettre en œuvre et de renforcer l’accord relatif aux mesures du ressort de l’état du port (PSMA) de l’ONUAA. L’objet de l’accord est de stopper la pêche illégale en empêchant les navires engagés dans la pêche INN à utiliser les ports pour décharger leur prise.
Cette année, l’académie s’est associée avec Stop Illegal Fishing pour accueillir des ateliers de formation PSMA au Kenya, au Mozambique et en Tanzanie.
« L’utilisation des ports sud-africains par les flottes distantes qui pratiquent la pêche INN est un exemple de la nécessité de renforcer la mise en œuvre des mesures du ressort de l’état du port, écrit le professeur van As dans le Daily Maverick. Les inspections dans les ports entreprises en tant qu’efforts multi-agences sont cruciales pour riposter de façon économique aux activités illicites liées à la pêche. »
Pour mettre en œuvre correctement le PSMA et contrôler efficacement la pêche INN en Afrique du Sud et dans la région, le professeur et les autres experts déclarent qu’il est nécessaire d’avoir davantage de navires patrouilleurs et d’officiers de contrôle de la pêche, et d’améliorer la coopération entre les agences de police. Ils ont aussi fait appel à des sanctions beaucoup plus sévères concernant la pêche illégale.