PERSONNEL D’ADF
L’Index du crime organisé ENACT de 2023 pour l’Afrique connecte explicitement les conflits armés et l’absence d’institutions démocratiques à une hausse du crime organisé.
Le rapport, publié par la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC) et financé par l’Union européenne, a été diffusé à la fin novembre. Il montre que les activités criminelles telles que la traite humaine et le trafic d’armes ont augmenté sur le continent au cours des cinq dernières années.
Bien que l’on ait enregistré un accroissement modeste de la résilience contre le crime entre 2021 et 2023, le continent possède toujours les niveaux les plus bas de résilience dans le monde, selon le rapport.
Mark Shaw, directeur de la GI-TOC, a déclaré lors de la publication du rapport au Kenya : « Les résultats donnent un peu à réfléchir. D’une année à l’autre, il y a eu une augmentation de la criminalité sur le continent africain. Nous aimerions bien montrer le contraire mais, malheureusement, les données ne le justifient pas. »
Dans l’ensemble, 88 % du continent possède une faible résilience au crime.
« Lorsque les experts ont évalué les pays, l’une de leurs conclusions clés était que le conflit et l’instabilité jouent un rôle important pour le développement de la criminalité en Afrique », a déclaré Rumbi Matamba, analyste de GI-TOC, lors de la présentation du rapport.
Par exemple, le conflit en cours dans la province mozambicaine du Cabo Delgado « a créé un terrain fertile pour l’expansion de nombreux marchés illicites tels que le trafic de drogue », selon le rapport.
La traite humaine est l’activité criminelle la plus répandue sur le continent et sa prédominance et croissance sont étroitement liées à l’intensification du conflit.
La montée constante de la traite humaine « a conduit à des situations qui comprennent les déplacements forcés, les nouvelles formes d’esclavage, les recrutements forcés des enfants soldats et les perturbations des structures sociales et familiales », déclare Mme Matamba.
Elle ajoute que le conflit et l’instabilité aident à financer les activités illicites « mais ils rendent aussi les sociétés plus vulnérables et incitent d’autres pratiques illicites ».
Certains pays enregistrant les taux les plus élevés de criminalité, tels que le Kenya, la Libye, le Nigeria et la République démocratique du Congo (RDC), ont tous été sujets à des conflits en 2022, selon les informations du projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data) utilisées dans le rapport.
Le Kenya et le Nigeria ont enregistré une hausse de violence à l’occasion de leurs élections respectives en 2022 et 2023. Ces pays ont aussi relevés le plus grand nombre d’événements violents ciblant les civils, notamment les insurrections armées, les guerres entre gangs, le banditisme et la violence collective, selon l’ACLED.
Les démocraties telles que le Botswana, le Cap-Vert et Maurice se sont avérées avoir un plus haut degré de résilience à la criminalité que les états autoritaires, selon les conclusions de l’Economist Intelligence Unit 2022 et du nouvel index ENACT.
« La relation entre la démocratie et la résilience est relativement évidente à établir, déclare Mme Matamba, parce que les pays qualifiés de démocrates sont munis d’un état de droit efficace avec des mécanismes de responsabilisation robustes, ainsi que d’une société civile vibrante. »
Les crimes financiers, notamment la fraude, l’évasion fiscale, l’escroquerie et l’abus des fonds publics, représentent le deuxième grand marché criminel, selon le rapport de l’ENACT.
Les niveaux de résilience en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest se sont améliorés entre 2021 et 2023, largement à cause d’une meilleure coopération internationale pour contrecarrer la montée des activités illicites.
La résilience de l’Afrique australe a baissé cette année à cause de la baisse économique et la réduction des capacités de réglementation contre le blanchiment d’argent.
La résilience de l’Afrique de l’Est a aussi baissé légèrement entre 2021 et 2023, surtout à cause de l’instabilité permanente. Les pays tels que l’Érythrée, la Somalie et le Soudan du Sud sont parmi les régions du continent les moins résilientes face à la criminalité.
La résilience a décliné le plus fortement en Afrique du Nord, où les pays tels que la Libye continuent aussi à être en proie aux conflits, selon le rapport.
La plupart des réponses au crime organisé se concentrent sur l’adoption des lois, la ratification des instruments internationaux, les campagnes politiques et les stratégies nationales. Le rapport affirme que les mesures « plus douces » telles que la prévention, le soutien aux victimes et aux témoins, et les initiatives des acteurs non étatiques, sont plus efficaces.
« L’engagement avec une société civile robuste et active est aussi nécessaire pour renforcer la résilience au niveau communautaire », déclare le rapport.