PERSONNEL D’ADF
Environ 20 % des poissons illégalement pêchés dans le monde proviennent des eaux de Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie, Sénégal et Sierre Leone, selon un nouveau rapport de l’organisme de presse Investigative Journalism Reportika (Ij–Reportika).
La majorité de ces poissons sont pêchés par des navires chinois, le pays qui régit la flotte de pêche en eaux distantes la plus grande du monde et détient le record mondial de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), selon l’Indice de pêche INN.
La surexploitation des eaux d’Afrique de l’Ouest par la Chine provoque une insécurité alimentaire et nuit à l’industrie de pêche artisanale. Au Ghana par exemple, le revenu annuel moyen a chuté jusqu’à 40 % par pirogue artisanale au cours des quinze dernières années.
Comme le note Ij–Reportika, il est bien connu que les chalutiers chinois pratiquent le « saiko », ou transbordement illégal des poissons en mer. En 2017, l’Environmental Justice Foundation (EJF) a découvert que le saiko était responsable pour la prise de 100.000 tonnes de poisson, rien que dans les eaux ghanéennes.
« La pêche illégale et la surcapacité du secteur ghanéen de la pêche au chalut ont des impacts catastrophiques sur les communautés côtières dans le pays », déclare Max Schmid, chef de l’exploitation d’EJF, à Voice of America.
Il en est de même dans la région d’Afrique de l’Ouest, où les pêcheurs artisanaux pêchaient jadis assez de poissons pour nourrir leur communauté mais aujourd’hui passent toute la journée en mer et retournent avec une prise limitée ou inexistante.
On estime que les chalutiers de fond chinois attrapent 2,35 millions de tonnes de poissons par an dans la région, ce qui représente 50 % de la prise totale de la flotte en eaux distantes de la Chine, avec une valeur d’environ 5 milliards de dollars, selon le rapport de l’EJF.
La présence des chalutiers chinois dans les zones économiques exclusives de la région force les pêcheurs locaux à s’aventurer plus loin en mer, ce qui rend encore plus périlleux leur travail déjà dangereux.
Les pêcheurs d’Afrique de l’Ouest ont fréquemment des confrontations avec les équipages chinois. En 2020 par exemple, trois pêcheurs mauritaniens sont décédés lorsque leur pirogue fut percutée par un navire chinois.
En Sierra Leone, Ibrahim Bangura, pêcheur de 47 ans, déclare qu’il reste habituellement en mer pendant trois jours d’affilée pour pêcher dans l’océan Atlantique et rencontre fréquemment des chalutiers chinois.
« Il y en a tant, déclare-t-il au Guardian. Ils perturbent mon équipement, détruisent mes filets. Et si vous essayez de les arrêter, ils se battent avec vous. »
Un autre pêcheur de Sierra Leone déclare qu’un équipage chinois l’avait aspergé d’eau bouillante un jour où il les avait confrontés sur leurs activités.
L’Afrique de l’Ouest est considérée aujourd’hui comme l’épicentre mondial de la pêche INN, qui fait perdre une somme annuelle estimée entre 2,3 et 9,4 milliards de dollars aux gouvernements locaux. Le continent perd 11,5 milliards de dollars par an à cause de la pêche illégale, selon la Financial Transparency Coalition.
La Chine prend de plus en plus pour cible les eaux d’Afrique de l’Est depuis 2016.
Comme en Afrique de l’Ouest, les navires chinois battent couramment des « pavillons de complaisance » dans la région. Cela leur permet d’utiliser les registres ouverts des navires pour pêcher en haute mer, là où les pays côtiers n’ont pas d’autorité. On sait aussi qu’ils « empruntent » un pavillon, c’est-à-dire qu’ils emploient les règles locales et les abusent pour inclure le pavillon d’un vaisseau de pêche appartenant à et exploité par une société étrangère dans un registre africain et pour pêcher dans les eaux locales.
Les registres ouverts sont en ligne et sont sujets à peu de supervision. Cela veut dire qu’une société de pêche chinoise peut s’enregistrer pour pêcher au Kenya et payer électroniquement les droits d’enregistrement.
Comme le note Ij–Reportika, la Somalie a conclu des accords qui permettent les navires de pêche chinois de naviguer dans ses eaux. Le rapport déclare que le gouvernement somalien « ignore souvent les besoins et les demandes des résidents locaux et des pêcheurs artisanaux ».
« De hauts niveaux de pêche chinoise combinés à une gouvernance incohérente signifient que les Somaliens ne bénéficient pas de l’exploitation de leurs ressources marines au niveau local ou national, ce qui conduit à l’insécurité à ces deux niveaux. »