PERSONNEL D’ADF
Lorsque le groupe islamiste extrémiste Ansar al-Sunna a commencé à terroriser la province du Cabo Delgado au Nord du Mozambique en 2017, ses combattants brandissaient des machettes. Aujourd’hui, les insurgés ont des fusils d’assaut et des lance-roquettes (RPG).
Les pertes sur le champ de bataille en sont une raison principale.
En 2019, lorsque l’insurrection du Mozambique est devenue plus robuste et plus sophistiquée, ses chefs ont prêté serment à la Province d’Afrique centrale de l’État islamique. Peu après, des articles affichés sur les plateformes de réseaux sociaux de l’EI ont montré des fusils d’assaut, des chargeurs de munition et plusieurs RPG capturés des mains de l’armée mozambicaine.
Les groupes militants du continent se sont armés de cette façon.
L’expert en armement Eric G. Berman a écrit récemment pour le Centre africain pour les études stratégiques : « Les pertes de matériel appartenant aux contingents (COE) sont devenues une vulnérabilité critique pour les armées nationales et les opérations de maintien de la paix en Afrique. Les groupes armés non étatiques ont ciblé régulièrement et pris d’assaut les gardiens de la paix et les forces des armées nationales pour s’emparer du matériel létal et non létal. »
Dans une étude de septembre 2021, il a évoqué une attaque de 2018 contre une base militaire au Nigeria où les militants avaient tué plus de 60 soldats et saisi trois technicals avec des armes, des munitions et des uniformes.
Les attaques comme celles-ci ont permis aux groupes extrémistes d’être armés et enhardis. Au moins 714 soldats nigérians ont trouvé la mort dans des combats contre les terroristes au cours des dix-huit derniers mois, selon un reportage du 10 avril 2022 par le journal nigérian The Punch.
Le général de brigade John Sura a déclaré au quotidien : « Ils [les terroristes] combattent déjà les forces armées. Personne n’apprécie le fait que ceux qui se sont engagés à protéger les Nigérians perdent leur vie. »
Au cours des dix dernières années en Afrique, les groupes armés ont ciblé et saisi des millions de munitions, des milliers de petites armes et armes légères, des véhicules et des motos, des uniformes, des équipements de communication et du carburant.
« Les groupes armés emploient ce matériel contre les gardiens de la paix et les forces armées à l’occasion d’embuscades complexes qui perpétuent le cycle des pertes de munition, écrit M. Berman. Les pelotons sont ciblés aux avant-postes. Les compagnies sont ciblées aux bases d’opérations avancées. Les bataillons sont ciblés aux quartiers généraux de secteur. Et des douzaines de sites soi-disant sécurisés, grands et petits, ont été pris d’assaut et leurs entrepôts ont été pillés. »
- Berman est le directeur de l’Initiative de sauvegarde des stocks du secteur de la sécurité ; auparavant, il était directeur de l’Enquête sur les armes légères qui a conduit une étude conjointement avec la Commission de l’Union africaine dans le cadre de son initiative Réduction au silence des armes.
En plus des pertes du champ de bataille, l’étude a révélé que des armes illicites provenaient des stocks nationaux et des forces de maintien de la paix à cause de la corruption, de l’incompétence et du vol.
Parmi les meilleures pratiques pour sécuriser les armes et les empêcher de tomber entre les mains de l’ennemi, plusieurs études ont souligné les domaines d’amélioration suivants :
- La sécurité des dépôts d’armes et du transport des stocks.
- Des relevés permanents maintenus dans des registres d’armes, de munitions et de matériel associé pour toutes les forces militaires et de maintien de la paix.·Ceci inclut les programmes de fabrication des armes, les évaluations avant déploiement, les relevés des stocks après déploiement et les investigations des pertes signalées.
- Les programmes de récupération des armes : amnisties, échanges, réintégration des militants.
- La participation aux plateformes internationales de partage de l’information pour accéder aux renseignements de trafic d’armes.
- Le partage des normes régionales et sous-régionales de contrôle des armes.
Les experts ont aussi souligné le besoin pour le leadership de prioriser le moral, la transparence, les paiements et les avantages pour les soldats qui combattent la corruption et le vol, lesquels peuvent être endémiques dans les opérations militaires et de maintien de la paix.
L’initiative Réduction au silence des armes, initialement adoptée en 2013 par les chefs d’état de l’UA, prévoyait une date de complétion de 2020. Mais à la fin de cette année, l’UA a voté pour la prolonger jusqu’en 2030.
Quel était le problème ?
Depuis 2013, les conflits internes des pays sont devenus plus fréquents que les conflits entre pays, selon Henry Otafiire, associé de recherche à l’Institut des Grands Lacs pour les études stratégiques.
« Alors que la date d’expiration de 2020 se rapprochait, il est devenu de plus en plus évident que les cibles qui avaient été définies étaient loin d’être réalisées. L’une des raisons pour cet échec est le fait que l’objectif de 2020 était trop ambitieux, étant donné le nombre de conflits sur le continent », a-t-il écrit sur le site web de son organisation en mars 2020.
« Maintenant que l’UA a établi une nouvelle date limite de 2030, elle doit mettre en œuvre des interventions systémiques qui adressent les bouchons stratégiques incitant les gens à se tourner vers les conflits violents, notamment la pauvreté, les injustices historiques, l’inégalité, le chômage, le changement climatique et les mouvements d’argent illégaux. Pour réduire les armes au silence, il faut aussi affronter la corruption. »