PERSONNEL D’ADF
La piraterie a chuté dramatiquement dans le golfe de Guinée mais les experts déclarent que l’on pourrait faire plus pour éliminer cette menace.
Le nombre d’incidents de piraterie dans la région a baissé de 81 en 2020 à 34 en 2021, à une époque où la totalité des enlèvements en mer dans le monde avaient lieu dans le golfe de Guinée. En 2022, il y a eu seulement trois attaques enregistrées dans le golfe.
Il y a eu cinq incidents de piraterie et d’attaque armée signalés dans la région au premier trimestre 2023, selon le Conseil de sécurité des Nations unies.
Malgré la baisse de la menace, « les incidents de piraterie ont continué à menacer la sécurité du trafic maritime dans la région » cette année, a déclaré Martha Pobee, sous-secrétaire générale des Nations unies pour l’Afrique, devant le Conseil de sécurité à la fin juin.
Ceci a été souligné en mars dernier lorsque des pirates ont attaqué le pétrolier et chimiquier danois Monjasa Reformer à environ 140 milles marins de la côte de la République démocratique du Congo. Les autorités ont retrouvé plus tard le navire au large des côtes de Sao Tomé-et-Principe mais six des seize membres d’équipage avaient été enlevés.
Mme Pobee a dit que la baisse des incidents de piraterie et de vol à main armée en mer pourrait être due à la décision des réseaux criminels visant à adopter d’autres formes de crime maritime telles que le détournement et le vol du pétrole.
Pour éliminer la piraterie, les autorités doivent affronter ses causes fondamentales, fournir à la police maritime un meilleur équipement et assurer un financement durable pour mettre en œuvre de façon adéquate le Code de conduite de Yaoundé, a déclaré Mme Pobee devant le Conseil de sécurité. L’objectif du Code de Yaoundé consiste à assurer la coopération des pays membres pour combattre toutes les formes de crime maritime.
Les avantages liés aux investissements pour faire face à la piraterie ont été constatés au Nigeria où les attaques ont chuté de 48 en 2018 à six en 2021, lorsque le président Muhammadu Buhari a débloqué une somme de 195 millions de dollars destinée à l’achat de navires, de véhicules et d’aéronefs pour affronter la menace. Aucun incident de piraterie n’a été enregistré au Nigeria en 2022.
Les causes fondamentales
La pauvreté généralisée, les services publics insuffisants et les effets de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) ont été à l’origine d’une hausse de la piraterie dans la région, selon un rapport de Mme Pobee publié l’an dernier. L’Afrique de l’Ouest est considérée comme le point sensible du monde pour la pêche INN.
Les experts déclarent que les personnes qui se tournent vers la piraterie sont souvent des pêcheurs de petite échelle dont le territoire est envahi depuis des dizaines d’années par les flottes étrangères qui pêchent souvent illégalement. La Chine, qui régit la flotte de pêche en eaux distantes la plus vaste du monde, est de loin le plus grand contrevenant de la pêche INN en Afrique de l’Ouest.
Selon Mme Pobee, les groupes de pirates prennent pour cible sans discrimination tous les types de navires, y compris les vaisseaux de pêche, et commettent de plus en plus de crimes loin en mer.
Une coordination améliorée entre le Centre de coordination interrégional, la Commission du golfe de Guinée, la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) reste essentielle, selon Mme Pobee. Des données récentes suggèrent que les incidents de piraterie baissent régulièrement dans les eaux de la CEDEAO pour augmenter dans celles de la CEEAC.
« De tels efforts, y compris la création de groupes opérationnels navals conjoints, ont amélioré la coopération et la mise en commun des informations tout en forgeant un processus centralisé pour la sécurité maritime qui comble les lacunes dans les capacité nationales et régionales », a déclaré Mme Pobee selon un reportage du journal nigérian Peoples Gazette.
Des efforts régionaux
La création du Centre régional de surveillance, contrôle et vigilance (RMCSC) à Tema (Ghana) en 2021 et l’ouverture du Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique de l’Ouest (CRESMAO) à Abidjan (Côte d’Ivoire) en 2022 ont aidé à réduire dramatiquement les incidents de piraterie.
Le RMCSC est équipé de systèmes de pistage de navire et peut recueillir des données sur les navires de pêche autorisés dans la région. Le CRESMAO fournit la gestion et la mise en commun des informations, la surveillance opérationnelle, la coordination en cas de crise, la formation et le développement des capacités.
Carolyn Abena Anima Oppong-Ntiri, représentante permanente adjointe du Conseil de sécurité au Ghana, a déclaré qu’une approche collaborative est le seul moyen de mettre fin à la piraterie.
« Il est essentiel de prioriser la mise en œuvre des instruments régionaux conçus pour affronter l’insécurité maritime, pour affronter les causes fondamentales de la piraterie et du vol à main armée en mer, et d’adopter une approche pan-sociétale qui inclut le secteur privé et les communautés locales », a-t-elle déclaré dans le reportage de la Peoples Gazette.