PERSONNEL D’ADF
La demande du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour obtenir un accès portuaire direct à la mer Rouge fait craindre aux observateurs de la Corne de l’Afrique un nouveau conflit dans cette région tourmentée par les combats.
L’Éthiopie a perdu son accès direct à la mer en 1993 lorsque l’Érythrée gagna son indépendance après trente ans de guerre. Un accès direct à la côte permettrait à l’Éthiopie de développer son économie, renforcer sa Marine et exercer une influence régionale.
« Aujourd’hui, je voulais vous parler de l’eau, de l’eau de la mer Rouge », a déclaré le Premier ministre dans un discours devant des officiels du parti à la mi-octobre. « Nous pouvons constater que seulement une bande étroite de terre nous sépare de la mer. Il est crucial pour les dirigeants actuels de la Somalie, de Djibouti, de l’Érythrée et de l’Éthiopie de conduire des discussions, non seulement pour le présent, mais aussi pour assurer une paix durable. »
La question doit être adressée « pour empêcher les générations futures d’avoir recours au conflit », a-t-il déclaré, selon l’Ethiopian News Agency. Il a dit que l’Éthiopie ne se concentrait pas sur un port particulier mais sur « un passage accessible » qui puisse être acheté, loué ou obtenu d’un commun accord.
Le ministère de l’Information de l’Érythrée a répondu en déclarant qu’il y avait eu des discussions « nombreuses et excessives » concernant l’accès à la mer.
« Le gouvernement érythréen a répété maintes fois qu’il ne serait jamais amené dans ces voies et ces plateformes. Le [gouvernement] exhorte aussi toutes les parties concernées à ne pas être provoquées par ces événements. »
Ali Omar, ministre d’état somalien des Affaires étrangères, a déclaré que les questions territoriales ne peuvent « pas faire l’objet d’un débat ».
Avant l’indépendance de l’Érythrée, l’Éthiopie avait accès à la côte principalement par les ports de Massaoua et d’Assab. L’Éthiopie importe aujourd’hui près de 90 % de ses produits par le port de Djibouti, selon le journal The East African. Djibouti s’est joint à l’Érythrée et la Somalie pour rejeter la demande de M. Abiy.
Alexis Mohamed, conseiller principal du président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, a déclaré dans un rapport du Maritime Executive : « Nos deux pays ont toujours maintenu des relations robustes et amicales. Mais vous devez aussi réaliser que Djibouti est un pays souverain, et donc notre intégrité territoriale ne peut pas être remise en question, ni aujourd’hui ni demain. »
M. Abiy souligne depuis longtemps que le manque d’accès direct à la mer Rouge limite les opportunités de commerce international de l’Éthiopie. Son commerce avec le reste du monde s’est chiffré à 19,2 milliards de dollars l’an dernier, soit une hausse de 4,3 % comparé à l’année précédente, selon des données recueillies par Bloomberg.
Le manque d’accès direct aux ports « empêche l’Éthiopie d’assumer la place qu’elle devrait avoir », déclare M. Abiy. « Si cela ne va pas se produire, il n’y aura pas d’équité ou de justice, et s’il n’y a pas d’équité et de justice, ce n’est qu’une question de temps mais nous nous battrons. »
Befekadu Hailu, co-fondateur du Centre éthiopien pour l’avancement des droits et de la démocratie (groupe de réflexion), déclare que la situation suscite des risques de guerre.
« Les Éthiopiens ne peuvent pas se permettre d’avoir d’autres conflits », dit-il à Bloomberg.
Le journaliste Martin Plaut a écrit récemment que les relations entre l’Érythrée et l’Éthiopie se détériorent depuis un an au moins. Bien que les commentaires de M. Abiy sur un accès portuaire direct n’aient pas aider les choses, les responsables éthiopiens sont mécontents de la présence des soldats érythréens dans la région éthiopienne du Tigré.
Il écrit sur son site web martinplaut.com : « Abiy et le président [érythréen] Isaias [Afwerki] ont été des alliés robustes. Ils pourraient toujours renouer leur amitié et trouver une voie négociée qui permette à Addis-Abeba de gagner un passage maritime et mieux gérer la paix au Tigré. Cela nécessiterait un dialogue mutuel honnête au lieu de se critiquer mutuellement. »
Une autre guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie serait « catastrophique et doit être évitée », écrit Martin Plaut.