PERSONNEL D’ADF
Le Ghana a interdit l’abattage du bois de rose en 2019. Malgré cela, l’abattage continue, poussé par l’appétit insatiable de la Chine pour le bois et les grosses sommes d’argent que les entreprises chinoises d’abattage distribuent dans certaines communautés parmi les plus pauvres du Ghana.
Tout récemment en 2021, le Ghana exportait vers la Chine des rondins de bois de rose, espèce en voie de disparition, à hauteur de plus de 2 millions de dollars. Un groupe d’abattage chinois dans la communauté ghanéenne d’Yipala était actif jusqu’à la fin 2021, selon des experts qui ont visité le site.
En avril 2023, des enquêteurs de GH Environment ont découvert un abattage de bois de rose illégal à Damongo, chef-lieu de la région ghanéenne des Savanes. Selon certaines estimations, plus de 6 millions d’arbres de bois de rose ont été abattus au Ghana depuis 2012, malgré plusieurs interdictions imposées depuis lors.
« Non seulement dans la zone des Savanes mais dans toute la “ceinture du Nord” du pays, l’abattage illégal du bois de rose est toujours omniprésent », ont récemment écrit les chercheurs de GH Environment.
Les enquêteurs ont rencontré un opérateur de tronçonneuse dans la région de Damongo qui leur a dit qu’il pouvait les aider à obtenir du bois de rose.
« C’est vrai que le gouvernement a interdit la coupe et le traitement du bois de rose, a déclaré l’opérateur anonyme à GH Environment. Mais c’est un commerce que nous ne pouvons pas stopper car il y a beaucoup d’argent à gagner, aussi nous nous cachons et nous les coupons pour ceux qui ont besoin de bois. »
Les arbres de bois de rose poussent dans certaines des régions les plus pauvres du pays, où plus des deux tiers de la population vivent dans une misère extrême, ce qui signifie qu’ils gagnent moins de 1 dollar par jour.
Les entreprises d’abattage chinoises paient les bûcherons locaux jusqu’à 32 dollars pour chaque mètre cube de bois de rose récolté. Plus haut dans la chaîne logistique, les marchands locaux peuvent gagner jusqu’à 130 dollars le mètre cube.
« Même si vous êtes un saint, vous serez tenté de les rejoindre étant donné votre situation de pauvreté », écrit William K. Dumenu, chercheur de l’Institut de recherche forestière du Ghana, sur le site web Kasa. « Puisque la plupart d’entre nous ne sommes pas des saints, à quoi peut-on s’attendre ? »
Les observateurs déclarent que les sociétés chinoises utilisent aussi une influence financière pour exploiter le système juridique du Ghana qui permet aux bûcherons de récupérer des arbres abattus ou morts.
En 2010, le gouvernement ghanéen a émis des permis de récupération à des sociétés de construction chinoises engagées pour la construction d’une route près de Mole, le plus grand parc national du Ghana. Ce permis était une menace majeure pour le bois de rose de Mole, selon l’Agence d’investigation de l’environnement.
« Les sociétés ont été heureuses de recevoir les permis, en sachant bien que c’était simplement une permission pour récolter “légalement mais terriblement” le plus d’arbres possible, écrit M. Dumenu.
Les sociétés chinoises obtiennent souvent des permis tout en ignorant par la suite les conditions qu’ils imposent, notamment le défrichage du terrain aux fins de développement ou le retrait des arbres abandonnés.
Malgré ces conditions, certaines lettres envoyées aux sociétés pour récupérer le bois de rose ont révélé qu’aucune des conditions de récupération n’avait été satisfaite, selon M. Dumenu.
Les sociétés chinoises d’abattage prises en flagrant délit reçoivent en général de petites amendes sans punition additionnelle.
Toutefois, ce n’est pas toujours le cas. En 2019, le Ghana a arrêté la ressortissante chinoise Helena Huang, connue sous le sobriquet de « Reine du bois de rose », pour transformer illégalement le bois de rose dans une usine d’Yipala. Mme Huang s’est dérobée à la justice, a été arrêtée de nouveau, puis déportée en Chine au lieu d’être traduite en justice.
Son histoire semble être l’exception, plutôt que la règle, en ce qui concerne l’abattage illégal du bois de rose au Ghana.
La pauvreté extrême dans le Nord du Ghana permet aux sociétés chinoises d’exploiter les gens et les arbres en soutenant toute une économie de bûcherons, transporteurs et intermédiaires qui connectent les forêts ghanéennes aux fabricants de meubles chinois, écrit M. Dumenu.
« En fait, tant qu’il existe une misère généralisée, peu d’opportunités économiques [et] des programmes d’intervention sociale insuffisants pour affronter la pauvreté et les besoins de subsistance dans les zones endémiques de bois de rose, il sera difficile de les empêcher d’accéder aux ressources », ajoute-t-il.