PERSONNEL D’ADF
L’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) gagne du terrain alors que la situation sécuritaire se détériore depuis que les juntes militaires ont saisi le pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger.
Le groupe étend ses opérations au Sahel après le retrait des soldats occidentaux de la région et la cession par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, de vastes territoires près de la frontière entre le Mali et le Niger. Les deux groupes s’étaient combattus auparavant.
« Il y a un énorme vide sécuritaire après le retrait des soldats français et américains » de la région, déclare Shaantanu Shankar de l’Economist Intelligence Unit à Voice of America (VOA). Il ajoute qu’il est improbable que les mercenaires russes financés par les gouvernements des juntes comblent adéquatement les lacunes de sécurité.
Le manque d’opportunités de travail dans la région permet au groupe de recruter de nouveaux membres auprès des communautés marginalisées qui se sentent négligées par le gouvernement.
Héni Nsaibia, coordinateur de l’analyse pour l’Afrique de l’Ouest dans le cadre du projet Armed Conflict Location and Event Data (ACLED), déclare à VOA : « Il y a très peu d’opportunités pour les populations rurales du Sahel, en particulier pour les jeunes. Mais l’autre aspect est que les personnes dont les familles et les communautés ont été ciblées par les forces de l’État recherchent la sécurité, le statut et la vengeance. »
Depuis l’an dernier, l’organisation extrémiste violente essaie de développer un soutien parmi les populations locales, selon un rapport de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC).
Le groupe est particulièrement actif dans la région malienne de Ménaka, presque entièrement sous son contrôle à l’exception de la localité de Ménaka. Toutefois, il contrôle désormais toutes les routes d’entrée et de sortie de la ville, ce qui lui permet de régir le mouvement des personnes et des biens et de percevoir des taxes sur les activités légales et illégales.
Au début 2023, l’EIGS a commencé à conduire des activités économiques conventionnelles dans la région, car il avait besoin de rétablir les chaînes d’approvisionnement et relancer l’économie locale qu’il avait auparavant endommagée par ses attaques, selon la GI-TOC. Le groupe a aussi réalisé que, pour obtenir un contrôle territorial à long terme, il serait préférable de nouer des liens positifs avec les habitants.
Le rapport de la GI-TOC affirme : « En se positionnant comme fournisseur des moyens de subsistance et en participant activement aux activités cruciales de l’économie locale (spécifiquement les mines d’or et la contrebande des biens), le groupe a cherché à redorer sa réputation de gouvernance. »
Le groupe a encouragé le retour des communautés en distribuant des brochures, prêchant dans les mosquées, utilisant les réseaux sociaux pour communiquer ses méthodes et ses valeurs, offrant sa protection, rendant le bétail qu’il avait volé et investissant dans la reconstruction de l’infrastructure qu’il avait détruite.
Il a aussi puni les bandits et les criminels qui ne sont pas affiliés. En juillet 2023, les membres de l’EIGS ont amputé les mains et les pieds de deux jeunes qui avaient extorqué des taxes au nom du groupe, selon la GI-TOC.
Il existe des preuves anecdotiques selon lesquelles le groupe utilise son modèle modifié dans l’Alibori, un département du Nord du Bénin. On signale qu’il achète de petites embarcations pour les commerçants qui passent en contrebande des articles au Niger, de l’autre côté du fleuve Niger. Il a aussi commencé à prélever des taxes dans les communautés pour accéder au côté béninois du parc national du W du Niger, et à percevoir la zakât, une taxe religieuse.
L’Alibori étant limitrophe du Nigeria, l’EIGS pourrait aussi établir des liens avec la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI), avec le risque d’une plus grande résurgence régionale des activités djihadistes.
Le rapport de la GI-TOC déclare : « Il sera particulièrement intéressant de constater à quel point l’EIGS cherche à bâtir sa légitimité auprès des communautés de la région où son contrôle territorial n’est pas encore établi. Si l’expansion continue du groupe s’accompagne d’une réduction plus grande de son recours à la violence en faveur du développement des relations, cela signalerait un changement de stratégie à moyen ou long terme, qui faciliterait probablement sa longévité régionale. »