PERSONNEL D’ADF
Kibsa Ouédraogo est le chef de Noaka, localité de la région Centre-Nord du Burkina Faso près de laquelle se trouvent des mines d’or artisanales qui attirent les terroristes.
Il déclare au Financial Times : « Les terroristes entendent dire que ce site ou cet autre est plein d’or, et ils ciblent ces sites. Ils peuvent tuer tout le monde ou bien ils prennent le contrôle et collectent les impôts. Pour moi, ce n’est pas une question de religion, c’est une sorte de mafia. »
Son récit se retrouve fréquemment parmi les communautés du Burkina Faso, du Mali et du Niger. La région est truffée de mines d’or, officielles ou non, qui sont devenues une source de revenu pour les organisations terroristes actives dans la région du Liptako-Gourma commune aux trois pays et au-delà.
Les régions minières se trouvent souvent hors du contrôle du gouvernement central, ce qui laisse les résidents essentiellement soumis au bon vouloir des groupes armés qui sont des sous-groupes de l’État islamique ou d’al-Qaïda. Même les personnes comme Kibsa Ouédraogo, qui dirige un groupe de Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP) légèrement armés du Burkina Faso, ne peuvent pas faire grand-chose pour repousser les extrémistes.
Mahamadou Sawadogo, analyste de la sécurité burkinabé, déclare au Financial Times : « Peu importe la région, leur première cible consiste à contrôler la zone des mines. C’est leur source principale de revenu, et aussi un lieu excellent pour recruter les jeunes hommes. »
Les mines servent de refuge et de source de revenu pour les groupes terroristes. Une analyse de Reuters a déterminé qu’un grand nombre d’attaques terroristes au Faso se produisent à une distance de moins de 25 km des zones de mines artisanales. En plus des nouvelles recrues, les mines d’or fournissent aussi aux groupes des explosifs qui peuvent être utilisés dans d’autres attaques.
Les extrémistes qui saisissent les mines d’or, directement ou en extorquant l’argent, passent en contrebande une grande partie de l’or hors du pays, le plus souvent vers les acheteurs des marchés de Dubaï (Émirats arabes unis, EAU).
Une étude récente des Nations unies montre l’étendue de la contrebande. L’analyse a découvert que le Mali avait signalé des exportations de près de 22.000 kg d’or artisanal aux EAU en 2021. Les EAU ont signalé des importations en provenance du Mali d’un peu moins de 174.300 kg. La différence suggère que 87 % de l’or malien, d’une valeur estimée à 6,3 milliards de dollars, passe en contrebande hors du pays. Ceci équivaut à environ le tiers du produit national brut du Mali.
La contrebande de l’or des pays du Sahel peut se faire à travers les pays voisins tels que le Togo ou par l’intermédiaire de vols directs entre le Sahel et les EAU. L’or passé en contrebande est souvent transporté dans les bagages à main.
Les groupes terroristes considèrent que le contrôle des régions de mines d’or et des routes de transport est vital pour assurer leur légitimité et exercer un pouvoir sur les populations locales, selon la Global Initiative Against Transnational Organized Crime.
« Ceci peut conduire à une spirale vers le bas, lorsque la violence est une composante clé des efforts pour assurer les profits, le pouvoir et la légitimité », écrit le groupe dans son analyse intitulée : « Au-delà du sang : l’or, les conflits et la criminalité en Afrique de l’Ouest ».
L’Afrique de l’Ouest n’est pas unique. L’extraction de l’or finance une grande partie de la violence au Soudan, où jusqu’à 80 % de la production d’or du pays est passée en contrebande pour aider à financer la lutte des Forces de soutien rapide contre les Forces armées soudanaises.
Alors même que l’or finance le terrorisme, il détourne aussi les revenus fiscaux nécessités par les programmes sociaux et la lutte contre l’extrémisme.
La Mauritanie offre un modèle pour l’extraction de l’or qui pourrait être dupliqué ailleurs afin d’assurer que la population civile bénéficie des profits des revenus miniers. L’état supervise les mineurs artisanaux en garantissant que le gouvernement reçoive les impôts.
La structuration des mines d’or au Burkina Faso, au Mali et au Niger offrirait un moyen de priver les terroristes de revenus tout en protégeant les mineurs, selon Jorden de Haan et Aly Diarra, experts de l’extraction de l’or au Sahel chez l’organisation non gouvernementale Pact.
Ils notent que, dans la région de Kidal au Nord du Mali, les rebelles touaregs ont déposé leurs armes pour se joindre à une ruée vers l’or en 2018, ce qui leur a fourni des revenus viables. Les mines artisanales restent la source principale de revenu pour 80 % de la population de Kidal, écrivent-ils.
« Au niveau national et régional, la structuration peut aider à réprimer la criminalité transnationale, produire des revenus pour le gouvernement et assurer une plus grande stabilité socio-économique. »