La Somalie du début des années 70 était un pays qui avait du style. À Mogadiscio, les hommes portaient des coiffures afro et des pantalons évasés et les femmes arboraient des robes élégantes avec la tête découverte. L’architecture de la ville reflétait plusieurs siècles de commerce transculturel.
Les Somaliens du monde entier peuvent désormais revivre ces riches souvenirs de Mogadiscio grâce à une archive de plus de 10.000 bandes découverte en 2016 par Vik Sohonie à Hargeisa, capitale de la république auto-proclamée du Somaliland. Les enregistrements riches et variés ont des influences de funk, rock, jazz et Bollywood.
Les bandes remontent à une époque de stabilité économique et politique relative en Somalie.
Bien que le pays ait vécu sous un régime militaire, les arts et en particulier la musique prospéraient et la période fut connue comme l’Âge d’or. Mogadiscio accueillait des hôtels populaires tels qu’Al-Uruba et Jazeera, où les jeunes fans affluaient vers la piste de dance pour écouter des groupes tels qu’Iftiin et Dur Dur.
L’industrie musicale de Somalie fut essentiellement nationalisée sous le général autoritaire Siad Barre qui mit la plupart des industries sous le contrôle de l’état dans l’espoir d’éliminer la politique basée sur le système des clans dans le pays. Pendant cette période, les maisons de disques ne purent pas vendre de musique sur le marché.
Le Théâtre national était un forum adoré où les groupes musicaux produisaient une musique remarquable, mais les artistes devinrent des outils de propagande attrayants pour le message de Siad Barre. Les troupes théâtrales, appelées « bandes », exprimèrent le nationalisme dans leurs paroles et leur style.
« Lorsque je regarde en arrière, je fonds en larmes parfois, déclare la chanteuse célèbre Maryam Mursal. Je sens les larmes monter en ce moment même en pensant à ce qu’était Mogadiscio dans les années 70. »
Mme Mursal, comme beaucoup d’autres artistes des groupes tels que Waaberi, Shareero et Dur Dur, s’est enfuie de la Somalie après des décennies de guerre pour rejoindre la diaspora.
Dans les boîtes de nuit principales de Mogadiscio, les femmes artistes attiraient plus de fans et plus de foules que leurs collègues masculins. Khadra Daahir, chanteuse vedette des années 70, déclare que les auditoires s’opposaient initialement aux femmes chanteuses en pensant que c’était une « honte ». Mais, déclare-t-elle, la perception des femmes dans la société s’est transformée en moins de dix ans.
« C’était une époque miraculeuse, déclare-t-elle. Pendant les années 70, les gens ont eu l’esprit ouvert, ils ont pris l’habitude de voir les femmes chanter, danser, donner des performances. Ils ont réalisé que cela faisait partie de la culture somalienne et ils ont commencé à nous admirer. »