LES FORCES ARMÉES ONT LES CAPACITÉS ET LES OUTILS NÉCESSAIRES POUR FAIRE FACE AUX CRISES
Historiquement, lorsqu’un pays devait avoir recours aux forces armées pour faire face à une catastrophe naturelle, on appliquait l’idée qu’elles seraient « les dernières à arriver et les premières à repartir » : utilisez-les uniquement en dernier recours et aussi peu que possible. Pourtant cette idée va à l’encontre de la nécessité de mettre en place une réponse rapide, ce à quoi sont formées les forces armées.
La notion du « dernier recours », notamment en Afrique, a fait place à la réalisation que les armées de terre et de l’air et la marine offrent des capacités et des outils bien spécifiques qui sont en réalité aptes à servir de première ligne d’intervention dans la gestion des catastrophes. Examinons quelques exemples :
En Zambie, les chenilles défoliantes ont commencé à envahir les cultures de maïs vers la fin 2016. Le pays ne possède pas de service aérien national et c’est ainsi que le président Edgar Lungu a fait appel à l’armée de l’air pour le transport aérien des pesticides. Les chenilles, dont le nom vient du fait qu’elles dévorent pratiquement toute la végétation sur leur passage, ont détruit des récoltes dans six des 10 provinces du pays en date du début 2017. Quatre ans auparavant, les chenilles avaient détruit des champs de maïs, de manioc, de sorgho et de riz, selon Reuters.
En Afrique du Sud, 120 marins sud-africains ont rejoint les pompiers pour maîtriser les incendies près du Cap en janvier 2017. Deux hélicoptères de l’Armée de l’air sud-africaine ont également été déployés. Selon le site Web Africanews, les marins ont travaillé « jour et nuit » pour venir à bout des incendies.
En novembre 2016, 2.000 soldats du Burundi, du Kenya, du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda se sont réunis au Kenya pour y suivre une formation sur la mise en œuvre des missions de secourisme. Selon un reportage du Star of Kenya, au-delà de la formation, les soldats ont appris à collaborer ensemble en tant que membres de la Communauté d’Afrique de l’Est. Les soldats ont également travaillé sur des projets conçus par les ingénieurs militaires kényans, comme le nivellement des routes, la réalisation des forages et la remise en état des écoles.
En Ouganda, les soldats ont traversé la frontière avec le Soudan du Sud en juillet 2016 pour porter secours aux ressortissants ougandais et autres personnes coincées dans le pays par le conflit qui y sévit. En quelques jours, grâce à des douzaines de véhicules blindés ils ont pu secourir environ 3.000 Ougandais.
DES RÈGLES DIFFÉRENTES
De bien des façons, les forces armées sont taillées sur mesure pour prêter main forte, voire pour diriger les opérations de secours. Le recours aux forces armées nationales peut être particulièrement indiqué dans les régions isolées, où il n’existe que peu ou pas d’infrastructure civile pour faire face à une catastrophe. Cependant, l’utilisation des forces armées pour les opérations de secours en Afrique, comme ailleurs dans le monde, peut poser certains problèmes.
Pendant la période coloniale, beaucoup de pays africains utilisaient leur force militaire pour contrôler les populations, au lieu de les protéger. Après l’indépendance, les nations africaines ont entamé le long processus de réforme militaire afin de répondre aux besoins des habitants. Néanmoins, il subsiste à ce jour un certain manque de confiance. Cela est particulièrement vrai dans les pays qui ont connu des coups d’états successifs et de longues périodes de contrôle militaire.
Jibrin Ibrahim, qui écrit pour le Premium Times du Nigeria, remarque que « la domination militaire finit par avoir un impact négatif sur la société en généralisant ses valeurs autoritaires, qui sont essentiellement antisociales et qui détruisent la politique ».
Un officier de l’Armée d’Afrique du Sud explique à ADF qu’à cause des souvenirs de l’apartheid toujours ancrés dans les mémoires, beaucoup de civils sud-africains éprouvent encore de la méfiance et de la rancœur à l’égard des soldats du pays, même dans le cadre des missions de secours. Il remarque que ses soldats et lui-même sont traités avec plus de respect et d’égards dans les pays voisins que chez eux, et il ajoute qu’il faudra encore du temps pour que le pays se remette de son histoire douloureuse.
Même dans les pays où les relations entre les habitants et les forces armées sont bien ancrées, le recours aux soldats et aux marins en temps de crise est encore au stade du développement. Dans une étude réalisée en 2015 sur l’aide humanitaire, la chercheuse Vanessa Thevathasan constate « qu’il est essentiel de mieux soutenir le dialogue multilatéral, la collaboration et la coordination entre les secteurs militaires, humanitaires et gouvernementaux afin de définir au mieux les relations civilo-militaires en cas de réponse humanitaire. »
Mme Thevathasan cite plusieurs exemples d’interventions de secours conduites avec succès dans le monde, y compris la mise en place des centres d’isolement et de traitement en Afrique occidentale pendant l’épidémie d’Ebola de 2014.
« La coordination et les communications entre les organismes humanitaires civils et les militaires ont toujours été très difficiles de surmonter », écrit-elle dans une étude. « Les obstacles sont liés aux différences de culture, de priorité et de mode opérationnel entre les militaires et les civils qui ont un impact direct sur la coordination des informations, laquelle contribue à son tour au succès ou à l’échec de l’intervention de secours. »
L’assistance militaire du Japon après le tremblement de terre et le tsunami de 2011 constitue un exemple remarquable d’une intervention menée avec succès, déclare-t-elle. « Le déploiement rapide des troupes et le niveau d’engagement auprès de la population civile ont abouti à un plus grand soutien du public envers les dépenses pour la défense et a encouragé le rôle des militaires dans l’aide humanitaire tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. »
RAPIDITÉ ET AUTONOMIE
Selon une étude effectuée après le tremblement de terre de 2011 au Japon, afin que les interventions humanitaires prises en charge par les militaires soient un succès, il s’agit d’assurer :
L’autonomie, permettant peu ou pas de recours à une aide externe qui pourrait ralentir l’intervention. « Ceci comprend également le recours aux réservistes ; le personnel de réserve permet souvent d’accéder aux connaissances spécifiques des spécialistes civils qui sont d’une grande valeur en situation de crise », conclut David Rubens, consultant en sûreté, qui a mené cette étude.
La rapidité, avec une capacité de déploiement en quelques heures, en emportant tout l’équipement nécessaire dès le début de l’opération.
La polyvalence professionnelle et l’adaptabilité permettant de faire face à une situation imprévisible.
L’autogestion, permettant de formuler des décisions rapides en fonction de la situation constatée sur place, sans devoir recourir à une chaîne de commandement éloignée.
Il existe des consignes déjà établies pour les militaires intervenant avec d’autres organismes en cas de catastrophe humanitaire. En 2008, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a établi une liste des facteurs qui permettent d’assurer le succès des interventions militaires en cas de crise.
La rapidité : Si les forces armées sont chargées d’intervenir en premiers secours, la rapidité est un facteur critique. Si les ressources militaires n’arrivent que lentement, cela peut entraver ou retarder le déploiement alternatif d’équipes du civil.
Les outils nécessaires : Le déploiement des ressources humaines et matérielles doit se faire en réponse à la situation et dans le respect de l’environnement culturel et politique local.
L’efficacité : Les ressources militaires doivent être bien gérées et intégrées au sein des initiatives de secours internationales plus larges.
La « capacité d’absorption » du pays d’accueil : Le pays auquel l’aide humanitaire est destinée doit être en mesure d’accueillir l’arrivée des ressources humaines et matérielles. Ce pays doit aussi pouvoir intégrer et coordonner l’assistance avec ses propres ressources. Un pays qui peut faire bon usage de l’aide humanitaire doit aussi pouvoir s’aider lui-même.
La coordination des ressources : L’assistance humanitaire peut provenir des forces armées, des gouvernements civils, des organisations internationales et non gouvernementales. Les groupes chargés d’intervenir doivent pouvoir partager facilement les informations. L’institut évoque la nécessité d’harmoniser les rapports entre groupes en tenant compte des différences culturelles.
Les autorités insistent sur l’importance de la planification détaillée et du partage des renseignements pour la gestion des crises. Lorsqu’Haïti a été frappée par un tremblement de terre en 2010, le gouvernement haïtien a été largement décrié pour la lenteur et l’inefficacité de son intervention. De nombreux pays partenaires proposaient leur aide, mais il n’existait aucune base de données recensant les capacités, la formation et les ressources matérielles de chacun. Les secouristes n’avaient pas le moyen de coordonner les ressources nécessaires en réponse aux besoins les plus critiques du pays, tels que la nourriture, l’eau, les abris temporaires, en fonction du type d’aide proposé par tous ces pays.
Mark Philips a rédigé une étude pour le groupe de réflexion britannique Royal United Services Institute sur le rôle des militaires dans le cadre de l’aide humanitaire internationale. Il explique que les catastrophes deviennent « de plus en plus fortes » et sont plus difficiles et dangereuses à gérer. Il déclare que « les forces armées sont mieux équipées pour intervenir rapidement dans des circonstances adverses que la plupart des autres organismes ».