PERSONNEL D’ADF
Alors que les scientifiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se rendent en Chine pour conduire une investigation sur les origines de la pandémie mondiale de Covid-19, les experts déclarent que le commerce de faune sauvage du pays, d’une valeur de 76 milliards de dollars, devrait être minutieusement examiné.
On pense généralement que cette épidémie mortelle est apparue en décembre 2019 dans un « marché humide » de poisson et de viande de plein air situé à Wuhan (Chine). Un grand nombre de chercheurs pensent que le virus a été transmis entre les chauves-souris, considérées comme une gourmandise en Chine, et les pangolins, fourmiliers à écailles vendus pour leur chair et dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC), avant de se propager chez les humains.
Des pandémies précédentes, notamment le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la grippe aviaire, étaient aussi apparues dans des marchés humides chinois. Le Covid-19 a infecté près de 13,7 millions de personnes dans le monde, provoquant près de 600.000 décès et ruinant l’économie mondiale.
Les scientifiques de l’OMS travailleront aux côtés de leurs homologues locaux et des responsables chinois. Ils devraient se concentrer sur les activités légales et illégales liées au commerce chinois de faune sauvage, notamment les zones de chasse, les installations d’entrepôt, les élevages et les marchés, selon les chercheurs.
« Tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement de faune sauvage doivent être examinés », déclare Alice Latinne, biologiste de l’évolution chez la Wildlife Conservation Society (Viêt Nam), au journal scientifique Nature. « Nous devons soumettre à des tests toutes les espèces d’animaux sauvages, ou d’animaux sauvages d’élevage, qui pourraient avoir des contacts potentiellement rapprochés et fréquents avec les humains en Chine. »
Bien que les responsables chinois aient autorisé des scientifiques étrangers à se rendre dans le pays pour étudier les origines de la pandémie, le gouvernement exige que ces scientifiques obtiennent une approbation avant de publier les résultats de leur recherche sur le Covid-19. Cela permet à la Chine de contrôler le récit de la façon dont l’épidémie a commencé, disent les critiques.
Ce filtrage de l’information préoccupe les chercheurs hors de Chine, qui pensent qu’il pourrait remettre à plus tard la publication des études importantes pour aider à contenir le virus. Le contrôle de l’information par le gouvernement suscite une crainte d’interférence dans le processus d’évaluation scientifique.
« Les chercheurs et les instituts de recherche devraient être libres de partager leurs connaissances sans supervision générale, sous réserve que la recherche ait été conduite conformément à nos conventions et normes d’éthique actuelles », déclare à Nature Ashley St. John, virologue à la faculté de médecine Duke-NUS de Singapour. « Lorsqu’il existe un processus d’évaluation ou de contrôle en vigueur, ce dernier devrait avoir une nature uniquement scientifique. »
Le gouvernement chinois a suspendu la vente et la consommation des animaux sauvages après le début de la propagation du virus, mais la permanence de cette interdiction est incertaine. Certains doutent même qu’une telle interdiction, qui affecterait la subsistance de près de 15 millions de personnes, puisse être mise en application.
Wang Haozhu, engagé dans le commerce des porcs-épics et vivant près de Guangzhou, a déclaré à l’agence de presse Deutsche Welle que les autorités auraient du mal à contrôler le commerce de la faune sauvage au niveau local.
« Je n’ai pas peur que le gouvernement m’interdise de vendre » les porcs-épics aux consommateurs, a déclaré M. Haozhu.
En juin dernier, la Chine a accordé son plus haut niveau de protection aux pangolins, dont les écailles sont un ingrédient de la MTC. Parmi les autres animaux abattus, et souvent braconnés et vendus illégalement, pour fournir des ingrédients de la MTC, on dénombre les lions, les tigres, les rhinocéros, les cerfs porte-musc, les ours noirs, les éléphants, les serpents, les écureuils volants, les crapauds, les geckos, les centipèdes et les scorpions.
Bien que les adeptes de la MTC s’appuient principalement sur les anciennes méthodes, dont beaucoup ont été largement réfutées par les scientifiques, la MTC est une industrie à gros revenus. Avant la pandémie, on anticipait qu’elle enregistrerait une croissance de 44 milliards de dollars en 2010 à plus de 109 milliards en 2025, selon une étude publiée dans le journal médical Medicine in Drug Discovery, sanctionnée par un comité de lecture.
La MTC est non seulement inefficace contre les maladies, déclarent les conservationnistes, mais la capture et l’élevage des animaux sauvages, quel qu’en soit l’objectif, nuisent aux espèces autochtones et aux écosystèmes et amènent les humains en contact avec les animaux qui ont des virus susceptibles d’être transmis aux personnes.
« Il n’existe pas de preuve acceptable concernant la MTC ; par conséquent, son utilisation n’est pas seulement injustifiée, elle est dangereuse », a déclaré à Nature Edzard Ernst, chercheur en médecines non conventionnelles (à la retraite).