PERSONNEL D’ADF
La signature de l’accord de paix de Pretoria par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed en 2022 a mis fin à la guerre entre la coalition des forces du gouvernement fédéral et les rebelles du Tigré, mais elle n’a pas fait grand-chose pour résoudre le conflit entre les Tigréens et les Amharas concernant la terre et les ressources.
L’accord de Pretoria n’a pas résolu la question des territoires disputés, ni établi de processus pour le retour et la réinsertion des déplacés internes (IDP) et des réfugiés. En 2024, des affrontements intermittents sur ces questions ont rouvert les anciennes blessures et menacent une reprise des conflits armés à grande échelle dans le pays.
Tingirtu Gebretsadik, ex-maître de conférences en sociologie à l’université de Djidjiga, située dans la capitale de la région Somali (Éthiopie), a déclaré à ADF : « Une paix durable exige une approche holistique qui priorise la normalisation des relations entre les Amharas et les Tigréens, le rétablissement de la confiance entre les communautés locales et le traitement des doléances historiques. »
« L’accord de Pretoria ne répond pas à ces éléments essentiels et perpétue plutôt le cycle de violence et de méfiance. »
Lorsque l’administration intérimaire de la région du Tigré a lancé son processus de réinsertion des IDP en juillet dernier, elle a enflammé à nouveau les tensions relatives aux terres revendiquées par les Amharas, ce qui n’a surpris personne.
Le retour à la ville d’Alamata, au Sud du Tigré, de 10.000 personnes provenant des camps IDP de Mehoni, à environ 45 km au Nord, a déclenché des protestations de deux jours par les résidents de la ville appartenant à l’ethnie Amhara. Ceux-ci ont affirmé que des membres armés des Forces de défense du Tigré faisaient partie des gens qui étaient revenus.
Des affrontements violents entre Tigréens et Amharas à Alamata et dans sa périphérie ont éclaté en février et se sont aggravés en avril. Ceci a déclenché un déploiement important des forces fédérales de sécurité dans la ville. Le 4 juillet, le gouvernement de M. Abiy a ordonné le retrait des forces tigréennes.
Bien que ces épisodes de violence signalent un effondrement potentiel de l’accord de Pretoria, la plupart des Éthiopiens considéraient l’accord de paix seulement comme une entente précaire pour mettre fin aux hostilités, et rien de plus.
Les Amharas sont animés de colère pour avoir été ignorés par les négociations de 2022. Les zones historiquement disputées du Sud et de l’Ouest de la région du Tigré en étaient une question primordiale.
Depuis mars, le gouvernement fédéral et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) se sont réunis à deux reprises pour l’examen stratégique, facilité par l’Union africaine, de la mise en œuvre de l’accord de cessation des hostilités (CoHA) de Pretoria. La plus récente réunion organisée le 9 juillet à Addis-Abeba s’est concentrée sur le dialogue politique, le retour des IDP, et le désarmement, démobilisation et réinsertion.
Pour que le CoHA reste en vigueur, les experts insistent que la paix, la sécurité et le dialogue national sont nécessaires. Le professeur Tingirtu pense que le potentiel du dialogue national pour empêcher des effusions de sang additionnelles dépend d’un processus qui engage les communautés locales et les parties prenantes.
« Un tel processus pourrait empêcher la reprise du conflit armé à grande échelle en traitant des causes fondamentales du conflit, en encourageant la confiance et la coopération, et en créant une paix plus durable et inclusive. ».
Toutefois, les questions telles que la réinsertion et le désarmement des combattants doivent être traitées au Tigré avant qu’un processus de dialogue national ne puisse commencer en toute sécurité. Yonas Adaye, membre de la Commission du dialogue national d’Éthiopie, déclare que le dialogue et la réconciliation ont échoué dans d’autres pays lorsque certaines voix n’ont pas été entendues. Il craint que la même chose ne se produise en Éthiopie.
Dans une déclaration aux médias éthiopiens le 16 juillet, il a dit : « Certains groupes montrent peu de désir, ou n’en montrent pas du tout, pour participer au processus du dialogue national. »
Tegbaru Yared, chercheur sur la corne de l’Afrique à l’Institut d’études de sécurité, suggère que l’Éthiopie pourrait bénéficier d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, imposé au niveau fédéral, pour aider à légitimer le dialogue national.
Dans une analyse du 22 juillet, il écrit : « Pour améliorer ses chances de succès, le gouvernement devrait rendre exhaustive son approche visant à “construire la paix par la médiation” et tendre un rameau d’olivier aux groupes armés de l’Amhara. »
« Les élites politiques qui se font concurrence en Éthiopie doivent mettre de côté leur factionnalisme et leur rivalité ethnique en faveur d’une résolution politique négociée par le dialogue. »