PERSONNEL D’ADF
La pêche illégale pratiquée par les gros chalutiers industriels au Ghana a décimé les stocks de poissons au bord de l’extinction et a vidé les filets des petits pêcheurs.
À Elmina, municipalité de pêche côtière à environ 155 km au Sud-Ouest d’Accra, les pêcheurs artisanaux en ont assez. Bien que le gouvernement du Ghana permette à un maximum de 48 chalutiers industriels de pénétrer dans ses eaux, plus de 70 étaient licenciés en date de juillet 2021.
« Les propriétaires de pirogue, qui sont des parties prenantes principales, devraient participer à l’engagement, à la prise de décision, à la gouvernance et à la gestion de nos ressources », a déclaré le pêcheur Nana Kweigya à Deutsche Welle (DW).
M. Kweigya a ajouté qu’il y a tant de navires de pêche dans les eaux ghanéennes que souvent les pêcheurs artisanaux retournent avec seulement un ou deux paniers de poissons après de longues heures passées en mer.
« La valeur de la prise n’atteint même pas 10 ou 20 dollars », dit-il.
Les stocks de petits poissons pélagiques tels que la sardinelle ont baissé de 80 % au Ghana au cours des vingt dernières années. L’une de ces espèces appelée sardinella aurita a entièrement disparu. Au cours des quinze dernières années environ, les revenus annuels moyens par pirogue artisanale ont chuté jusqu’à 40 %, selon l’Environmental Justice Foundation (EJF).
La majeure partie de l’argent que le Ghana reçoit de la pêche industrielle provient des droits de licence. L’EJF a découvert que 90 % des navires de pêche actifs au Ghana appartiennent à des sociétés chinoises et on estime que le Ghana perd annuellement 50 millions de dollars à cause de ses accords de pêche opaques avec les sociétés étrangères.
La Chine est le pire contrevenant mondial de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), selon l’indice de pêche INN. Elle cible les pays d’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs décennies.
« Les pêcheurs ne peuvent pas faire concurrence, a dit M. Kweigya à DW. C’est une question de survie. Les gens doivent manger. Nous sommes en concurrence avec des navires à l’intérieur de la [zone économique exclusive]. »
Au Ghana, le poisson fournit 60 % des protéines d’origine animale consommées annuellement et la pêche fournit des emplois à 3 millions de personnes, selon The Maritime Executive. Plus de 200 villages côtiers du Ghana dépendent de la pêche comme source principale de revenus.
Les observateurs sont menacés
Une investigation de l’EJF montre que les observateurs de la pêche qui travaillent pour le ministère du Développement des Pêches et de l’Aquaculture interviennent dans des environnements dangereux lorsqu’ils essaient de surveiller la pêche.
Le journaliste Richard Kwadwo Nyarko a déclaré à DW qu’il avait passé quelque temps à bord d’un chalutier de pêche chinois et observé l’équipage qui utilisait des méthodes de pêche illégales.
« Ils montrent [aux autorités] les filets de taille correcte mais, dès qu‘ils sont en mer, ils utilisent des filets de pêche non autorisés », a dit M. Nyarko.
M. Nyarko mentionne aussi l’observateur de pêche Emmanuel Essien qui a été porté disparu à bord d’un vaisseau chinois en juillet 2019 et qui n’a pas été revu depuis lors.
« Si vous êtes un observateur et vous décidez de faire les choses correctement, vous êtes mal vu par les autorités qui sont leurs complices », déclare-t-il à DW.
En plus d’utiliser des filets interdits, les chalutiers industriels sont bien connus pour employer des explosifs et des produits chimiques. Ils pratiquent aussi le saiko, qui consiste à transférer les prises de poisson entre un chalutier industriel et une grosse pirogue pour masquer l’origine du poisson. Selon M. Nyarko, les pêcheurs artisanaux du Ghana pensent que le saiko « est la chose qui leur cause beaucoup de ravages ».
En 2017, les pratiques de saiko ont causé la perte de 100.000 tonnes de poisson dans les eaux du Ghana, ce qui a fait perdre au pays des millions de dollars de revenus et a menacé la sécurité alimentaire et les emplois, selon l’EJF.
Le Ghana a reçu un « carton jaune » en 2021 émis par l’Union européenne, laquelle a conclu que le niveau de développement et d’engagement contre la pêche INN était insuffisant dans le pays. Ce carton jaune est un avertissement selon lequel des sanctions pourront être imposées si le pays n’améliore pas ses efforts pour mettre fin à la pêche INN.
En réponse, le Ghana a conclu un accord avec le Bénin et le Togo pour mettre en œuvre un programme conjoint d’observation des pêches pour réduire la pêche INN dans la région. Le Ghana a aussi exhorté les pays voisins à mettre en œuvre des saisons de clôture de pêche coordonnées pour préserver les stocks de poissons.
Kwame Damoah, conseiller de la Commission des pêches du Ghana, a déclaré à DW que le pays « a adopté beaucoup de règlements qui sont mis en œuvre » pour assurer que la pêche INN soit prise en compte.