PERSONNEL D’ADF
Trois ans après le recrutement par le Burkina Faso de volontaires civils pour se joindre aux combats contre les terroristes dans le Nord du pays, ces groupes sont accusés de crimes.
La mort de trente personnes à la fin décembre dans la commune de Nouna, province de Kossi (dans l’Ouest du pays), représente le tout dernier exemple de la façon dont ces groupes, appelés Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP), deviennent plus agressifs. Les critiques déclarent qu’ils ont changé leurs opérations : au lieu de simplement observer et signaler les activités terroristes présumées aux autorités, ils commencent à prendre les choses en main.
Antonin Tisseron écrit pour le Centre Paix et Sécurité de la Friedrich-Ebert-Stiftung : « Les VDP ont été accusés d’abus contre les civils. À plus long terme, les milices ont le potentiel de déstabiliser, d’inciter à la criminalité et d’affaiblir l’autorité de l’état. »
Les attaques des VDP sont souvent effectuées contre les membres du groupe ethnique minoritaire peul au Burkina Faso, qui sont accusés d’avoir des liens avec les extrémistes violents.
L’attaque en fin décembre a été exécutée par un groupe VDP dirigé par les Dozos, confrérie de chasseurs traditionnels, en réponse à l’attaque de leur quartier général. Elle a ciblé les Peuls. Après l’attaque initiale, les VDP sont revenus pour piller les maisons et voler le bétail, selon le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), un groupe de défense des droits de l’homme au Faso.
Le CISC a dénoncé les groupes VDP pour leur pratique du profilage racial et leur focus violent sur certains groupes ethniques sans respecter les lois. Les groupes nécessitent une meilleure formation et une plus grande supervision de l’État, selon le Dr Daouda Diallo, secrétaire général du CISC.
« Dans le cadre des actions entreprises contre l’insécurité, il est impératif de rectifier la situation pour améliorer leur efficacité », a déclaré le Dr Diallo après le massacre de la fin décembre.
La junte actuellement au pouvoir au Burkina Faso ne montre guère de signes de vouloir maîtriser les groupes VDP. En novembre, le gouvernement a fait appel à 50.000 nouveaux volontaires et il en a obtenu 90.000. Dans ce programme, les membres des VDP reçoivent deux semaines de formation, y compris des leçons sur les droits de l’homme, avant d’obtenir un AK-47.
Au milieu du regain de violence du Burkina Faso, les groupes VDP sont devenus des victimes aussi bien que des acteurs de la violence.
Dans bien des cas, les membres peu entraînés et légèrement armés des VDP offrent des cibles vulnérables aux groupes terroristes. Des centaines ont trouvé la mort dans des embuscades ou ont été tués par des engins explosifs improvisés (EEI) plantés au bord des routes depuis que les VDP ont été créés à la fin 2019.
Comme le montre l’attaque de Nouna, les attaques contre les groupes VDP peuvent provoquer des représailles qui enveniment les conflits inter-ethniques, selon le colonel Auguste Denise Barry, ancien ministre burkinabé de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité.
Dans une analyse de la sécurité de son pays, le colonel Barry déclare que la création des groupes VDP pourrait conduire à la polarisation des identités, la militarisation des communes et la normalisation de la violence comme outil politique.
Il montre en exemple la création de groupes similaires au pays voisin du Mali, pour dire qu’ils ont mis le pays sur « la voie d’un cycle sans fin de violence et d’une augmentation des décès de civils ».
Dans son rapport de 2021, le Dr Tisseron note que les groupes VDP, bien qu’ils aient le potentiel de renforcer la sécurité au Burkina Faso, sont une « arme à double tranchant ». Il recommande une meilleure supervision et prise de responsabilité et, en fin de compte, leur désarmement.
Il écrit : « [Le gouvernement] doit réduire les risques associés à l’emploi des milices armées par un recrutement inclusif, une formation améliorée et des sanctions pour les VDP coupables d’abus, et il doit placer l’amélioration de la confiance entre l’État et les communautés au cœur de ses priorités. »