PERSONNEL D’ADF
Les pays côtiers d’Afrique luttent contre une marée montante de pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), piraterie et contrebande de stupéfiants.
Un rapport récent de l’Institut pour les études de sécurité (ISS) indique que les criminels locaux, régionaux et internationaux tirent profit de la pauvreté et de la corruption pour transformer les eaux d’Afrique en « plus grande scène mondiale du crime transnational ».
« L’océan peu sujet au contrôle policier est au cœur du modèle commercial des réseaux du crime organisé », déclare le rapport de l’ISS.
Comme exemple, l’Afrique de l’Ouest est l’épicentre mondial de la pêche INN. Ce fléau fait perdre à la région 10 milliards de dollars par an, selon le groupe de réflexion Stimson Center.
La Chine est de loin le plus grand contrevenant de la pêche INN dans la région et dans le monde. En Afrique de l’Ouest, la pêche illégale chinoise prospère grâce à une capacité de police de pêche insuffisante et la corruption des responsables, selon le Stimson Center.
Les chercheurs du centre affirment dans un rapport récent que la pêche INN dans la région continuera à provoquer des défis si la Chine n’aide pas à instaurer des changements et ne réduit pas sa demande pour la farine et l’huile de poisson.
« Toute solution pour combattre la pêche INN et améliorer la gestion de la pêche en Afrique de l’Ouest doit inclure la [République populaire de Chine], écrivent les chercheurs de Stimson. De même, toute solution aux menaces crées par les flottes étrangères et les entreprises de pêche en Afrique de l’Ouest doit inclure les parties prenantes locales et régionales. »
La pêche illégale n’est pas seulement un problème en Afrique de l’Ouest. En Afrique du Sud, le braconnage des ormeaux est lié à la profusion de méthamphétamine et autres drogues. Les réseaux criminels chinois braconnent typiquement et passent en contrebande les ormeaux vers Hong Kong, qui importe environ 90 % de tous les ormeaux séchés d’Afrique du Sud.
La piraterie était jadis essentiellement limitée à la Somalie, jusqu’à ce que le gouvernement et les acteurs privés au niveau régional, national et international combinent leurs forces vers 2013. Depuis lors, la menace a progressivement diminué, selon le rapport de l’ISS.
Mais l’Afrique de l’Ouest a remplacé l’océan Indien comme région la plus dangereuse du monde pour les matelots. Les attaques de pirate dans la région ont atteint leur point culminant vers 2019, lorsque 62 des 75 marins capturés comme otages ou enlevés contre rançon dans le monde ont été saisis au large des côtes du Bénin, du Cameroun, de la Guinée, du Nigeria et du Togo.
Comme en Somalie, les efforts internationaux ont conduit à la diminution des attaques de pirate pendant plusieurs années. On a enregistré 81 attaques en 2020, 34 en 2021 et seulement 3 l’an dernier, mais la menace est à nouveau en hausse. Les responsables ont signalé 5 incidents au premier trimestre 2023, et 9 au second trimestre, selon le Bureau maritime international de la Chambre de commerce internationale.
Beaucoup de pirates de la région sont originaires du delta du Niger dans le Sud du Nigeria, là où les deux secteurs économiques les plus importants, à savoir la pêche et l’agriculture, ont été détruits et de nombreuses personnes cherchent d’autres sources de revenu, selon Kamal-Deen Ali, directeur exécutif du Centre Afrique pour le droit maritime et la sécurité, à Accra (Ghana).
« Lorsque vous avez un environnement dans lequel vous pouvez facilement recruter des réseaux criminels parce qu’ils sont préoccupés par leur subsistance, ceci est un problème majeur à confronter, déclare M. Ali à Deutsche Welle. Et c’est la raison pour laquelle les autres pays de la [région] doivent aussi examiner de près nos communautés du littoral, en particulier en ce qui concerne la pêche. »
Au début des années 2000, l’Afrique de l’Ouest avait émergé comme centre de transit important pour la cocaïne et d’autres drogues provenant d’Amérique du Sud et destinées à l’Europe. Des tendances similaires émergèrent bientôt en Afrique de l’Est, où l’héroïne et la méthamphétamine afghanes sillonnent l’océan Indien.
Alors que les stupéfiants traversent de plus en plus l’Afrique, leur consommation sur le continent augmente.
La corruption est « intrinsèquement liée au trafic de drogue du continent », selon l’ISS. Ce dernier qualifie le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Nigeria et le Sénégal de nouveaux points sensibles de la cocaïne.
Les passeurs de drogue exploitent aussi les eaux d’Afrique de l’Est qui sont difficiles à contrôler, notamment les états insulaires des Comores, Madagascar, Maurice, l’île française de La Réunion et les Seychelles, qui ont le taux le plus élevé de consommation d’héroïne par habitant dans le monde.
« Il y a tant de drogues en transit qu’une partie aboutit sur les marchés locaux », a déclaré l’an dernier à ADF Yann Yvergniaux, analyste principal de Trygg Mat Tracking (organisme sans but lucratif qui fournit des renseignements de pêche aux pays et aux organisations). « Certains participants au commerce consomment des drogues récréatives. C’est horrible. Aux Seychelles, les propriétaires de navires m’ont dit qu’ils ne peuvent plus engager des jeunes comme membres d’équipage parce qu’ils se droguent tous. »
La ville portuaire principale de Mombasa (Kenya) est aussi devenue au cours des dernières années un point de transit majeur pour la cocaïne d’Amérique latine et l’héroïne d’Asie à destination de l’Europe.