PERSONNEL D’ADF
Alors que des coups d’État militaires ont récemment renversé les gouvernements civils depuis la Guinée jusqu’au Soudan, une question persiste : Quand est-ce que ces pays retourneront à un régime civil ou démocratique ?
Les experts déclarent que la réponse dépend de la détermination des militaires à se maintenir au pouvoir, en particulier s’ils essaient de truquer les élections pour donner aux chefs l’apparence d’une légitimité démocratique.
Dans certains cas, les chefs d’une junte promettent d’organiser des élections et de restaurer la démocratie dans des délais bien définis, par exemple trois ans, comme c’est le cas en Guinée et, plus récemment au Niger. Toutefois, un coup d’État endommage de façon permanente les institutions politiques et sociales du pays.
« Lorsque les juntes abandonnent le pouvoir, la démocratie n’émerge pas », a écrit récemment le chercheur Sebastian Elischer, expert des coups d’État en Afrique de l’Ouest, pour The Conversation.
Le professeur Elischer note que ses recherches montrent que, parmi les 32 coups d’État étudiés entre 1989 et 2017 dans le monde, les juntes ont restauré un gouvernement civil dans environ la moitié des cas.
« Toutefois, même si l’armée abandonne le pouvoir, la période de transition vers un régime civil est hautement volatile. En particulier en Afrique subsaharienne, les tentatives de contre-coup d’État par une faction rivale au sein des forces armées souhaitant se maintenir au pouvoir se produisent assez fréquemment. »
Les chefs de junte qui pensent que transférer le pouvoir aux chefs civils est plus risqué que de le conserver pour soi-même ne retourneront probablement pas dans leurs casernes, déclare le professeur Elischer.
« Au Burkina Faso et au Mali, les juntes et les forces armées au sens large pensent que l’intégrité territoriale de leur pays est en jeu », déclare le professeur dans un e-mail à ADF. « Mais ils pensent aussi que les chefs civils précédents avaient maltraité l’armée. »
Une situation similaire existe au Niger où, selon lui, le général Abdourahmane Tchiani, chef du coup d’État, a renversé le président élu Mohamed Bazoum qui était sur le point de le rétrograder. Au Soudan, deux généraux ont renversé le gouvernement civil entrant qui menaçait le vaste réseau d’entreprises commerciales de l’armée. Depuis lors, les généraux se sont retournés l’un contre l’autre dans une lutte pour la suprématie militaire au Soudan.
Malgré les mesures précédant le conflit pour établir un gouvernement civil au Soudan, le professeur Elischer continue à exprimer son scepticisme sur la possibilité réelle d’un transfert de pouvoir par les chefs militaires, si cela signifie la perte des avantages qu’ils possèdent aujourd’hui.
« Les conditions dans lesquelles les Forces armées agissent au Soudan les forceront à s’enraciner dans le pouvoir », dit-il à ADF.
Deux facteurs déterminent l’évolution d’un coup d’État, selon lui : l’unité de l’armée et la résilience des groupes de la société civile organisés pour protester contre le coup d’État.
« Si un coup d’État se produit en réponse à des menaces contre l’intégrité territoriale du pays, ou contre la préservation de l’ordre public, ou encore contre les avantages matériels des militaires ou leur réputation, écrit-il, la junte aura le soutien des forces armées au sens large. La raison en est que les avantages de la saisie du pouvoir l’emportent sur les risques de ne pas être au pouvoir. »
Les chefs des coups d’État au Burkina Faso et au Mali affirment que leurs actions étaient nécessaires parce que les chefs civils avaient échoué dans leurs efforts d’éliminer la violence extrémiste dans le pays. Dans les deux cas, les juntes se sont tournées vers les mercenaires du groupe Wagner de Russie pour accomplir cette tâche. Toutefois, il n’existe aucune indication que la Wagner ait jamais réussi à le faire.
Le plus souvent, les juntes qui invitent la Wagner dans leur pays découvrent que la violence extrémiste empire lorsque les tactiques brutales de Wagner produisent encore plus de résistance parmi les communautés sujettes aux exécutions et autres violations des droits de l’homme, selon les experts.
« Les preuves provenant d’autres pays africains, en particulier le Mozambique, montrent que la Wagner est incapable de résoudre les problèmes de sécurité locaux », déclare le professeur Elischer à ADF.
L’opposition à un coup d’État dans le pays peut inciter un retour au régime civil, selon lui.
Les coups d’État récents ont poussé les donateurs internationaux à suspendre leur aide financière pour forcer les juntes à rétablir un régime civil. En ce qui concerne le Niger, la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest a menacé une action militaire pour restaurer M. Bazoum. Toutefois, selon le professeur, la pression internationale force rarement les juntes à changer de cap.
Même si les chefs de coup d’État acceptent d’abandonner le pouvoir, les dommages subis par les droits humains et le processus politique dans leur pays est considérable, ajoute-t-il.
« En général, les coups d’État militaires sont un mauvais présage pour le processus démocratique, écrit-il dans The Conversation. Lorsque les juntes truquent les élections après un coup d’État, elles deviennent enracinées dans le pouvoir à moyen et à long terme. »