PERSONNEL D’ADF
Les pays africains sans littoral paient davantage pour ce qu’ils achètent et ont souvent des difficultés pour satisfaire aux besoins des habitants. Cette situation suscite le ressentiment et peut conduire à des conflits transfrontaliers.
Musalia Mudavadi, Premier secrétaire du Cabinet du Kenya et secrétaire du Cabinet pour les Affaires étrangères et la Diaspora, pense que quelque chose doit être fait pour répondre aux inquiétudes des 378 millions d’Africains qui vivent dans les pays sans littoral.
Dans un discours récent à l’université internationale des États-Unis à Nairobi, il a fait appel à la création d’un groupe de travail pour adresser les défis uniques auxquels ces pays font face.
« Les contraintes géostratégiques que ces pays sans littoral affrontent deviennent de plus en plus des facteurs majeurs de conflit sur le continent », a-t-il dit.
Le problème a été amené au premier plan après l’annonce par l’Éthiopie selon laquelle elle avait négocié un accord pour gagner accès à un port dans l’État somalien séparatiste du Somaliland en échange de la reconnaissance de son indépendance. Cet accord a fâché les officiels somaliens qui considèrent le Somaliland comme partie intégrante de la Somalie. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a aussi fait des déclarations menaçantes concernant la reconquête d’un accès à la mer Rouge à travers l’Érythrée voisine.
Dans une allocution télévisée, M. Abiy a dit que le manque d’accès portuaire « empêche l’Éthiopie de détenir la place qu’elle devrait avoir ». Il a averti que si le pays n’obtenait pas d’accès à la mer, « c’est une question de temps, nous nous battrons ».
L’Afrique de l’Est a ressenti la profonde importance du commerce maritime depuis la fin de l’an dernier, lorsque les sociétés de transport maritime ont commencé à éviter la mer Rouge à cause des attaques lancées par les rebelles houthistes basés au Yémen. L’impact en série des détournements de navires a perturbé les chaînes d’approvisionnement dans de nombreux pays. M. Mudavadi déclare qu’une action à l’échelle du continent est nécessaire pour que les pays africains ne restent pas exposés aux caprices des livraisons internationales.
« Dans l’ombre des conflits mondiaux, dit-il, n’oublions pas les souffrances silencieuses de notre propre peuple en Afrique. Lorsque le coût des livraisons, de l’assurance du fret et des biens augmente à cause de la crise de la mer Rouge, l’impact pourrait être doublé pour les états sans littoral qui comptent sur les pays côtiers. »
Les pays sans littoral font face à un éventail de défis, notamment la bureaucratie frontalière qui ralentit le commerce, le mauvais état de l’infrastructure routière et ferroviaire, et le manque de connectivité aux câbles sous-marins à fibre optique, nécessaires pour les connexions Internet rapides.
Une étude globale conduite par la Banque mondiale en 2014 a découvert que les pays sans littoral dépensaient 3.204 dollars pour exporter un conteneur de produits comparé à 1.268 dollars pour les pays de transit, et 3.884 dollars pour importer un conteneur comparé à 1.434 dollars pour les pays de transit.
L’impact économique est évident. Parmi les seize pays africains sans littoral, treize sont caractérisés par les Nations unies comme étant « les moins développés ». Le niveau de développement des pays sans littoral est environ 20 % de moins que celui des pays côtiers, selon l’ONU.
En 2014, l’ONU a lancé le Plan d’action de Vienne, plan de dix ans pour promouvoir le développement durable dans les pays sans littoral en développement. Le plan fait appel à des investissements en infrastructure de transport, à l’intégration régionale et au retrait des obstacles au commerce.
Pourtant, déclarent les experts, il y a encore beaucoup de travail à faire pour combler la division terre/mer.
Mussie Delelegn, économiste principal de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, déclare dans le podcast Weekly Tradecast : « Les problèmes qui proviennent de la logistique affectant directement les habitants des pays sans littoral concernent aussi la dépendance de ces pays sur leurs voisins. Cela affecte non seulement les articles commerciaux normaux mais aussi les articles qui sont vitaux pour la survie des gens. … Une énorme quantité de travail est nécessaire pour répondre à ces lacunes. »