PERSONNEL D’ADF
L’extraction illégale de l’or du Nigeria est un problème croissant dont profitent les groupes terroristes, ce qui provoque la violence et augmente la pollution. Les résidents des régions minières blâment les ressortissants chinois qui établissent et supervisent les opérations d’extraction et de raffinage.
Les tensions continuent à monter autour de ces mines à ciel ouvert. Les résidents locaux accusent les mineurs chinois de collaborer avec les militants extrémistes, de corrompre les responsables du gouvernement, de détruite les terres arables et de contaminer l’eau avec du mercure et du plomb.
Omololu Afilaka, chef traditionnel d’Atorin-Ijesha dans l’État d’Osun, déclare que son peuple est sur le point d’être « conquis » par les chercheurs d’or chinois. « Avant l’arrivée des Chinois, nous avions des mineurs artisanaux. Ils n’avaient pas les yeux plus grands que le ventre, a-t-il dit à NTC News, dans le cadre d’une investigation conduite en 2023. Puis les acteurs importants sont venus, les mineurs chinois illégaux, et ils sont venus avec des excavatrices. »
Un rapport récemment écrit par les chercheurs Oluwole Ojewale du projet ENACT (Enhancing Africa’s Response to Transnational Organized Crime) et Freedom Onuoha, maître de conférences à l’université du Nigeria, a révélé que le secteur minier du Nigeria est tourmenté par l’insécurité et le crime organisé.
« Dans les zones du Nord-Ouest et du centre affectées par le banditisme, les réseaux criminels informels engagés dans l’extraction illégale de l’or ont des liens avec des acteurs étrangers et facilitent la contrebande », déclare le rapport publié le 13 décembre 2023. « Les réseaux étrangers agissent comme leurs homologues locaux et ont recentré leurs activités dans la chaîne de valeur criminelle en participant directement à l’extraction illicite de l’or dans les villages reculés et les forêts. »
Les chercheurs déclarent que la demande étrangère anime la plupart des marchés criminels de l’or au Nigeria. Les autorités nigérianes ont arrêté plusieurs ressortissants chinois depuis 2020 pour leur participation à l’extraction illégale.
Un policier de haut rang de l’État de Zamfara, qui a parlé à ENACT dans l’anonymat, a déclaré : « Notre secteur minier n’a pas jusqu’à aujourd’hui reçu une grande priorité auprès des acteurs de la sécurité du pays, alors que l’extraction illégale était liée au banditisme rural. La plupart des activités d’extraction sont conduites par des chercheurs d’or illégaux parce que les sites miniers ont été négligés par les agences régulatrices et de sécurité. Les Chinois et aussi d’autres étrangers profitent de cette négligence prolongée de la part des agences régulatrices des mines et de la sécurité. C’est aussi la raison pour laquelle les bandits sont attirés vers le secteur. »
En avril 2023, le journal britannique The Times a publié un reportage étonnant sur les sociétés chinoises qui obtiennent l’accès aux mines en versant de l’argent aux groupes militants extrémistes nigérians, « ce qui fait penser que Pékin pourrait indirectement financer le terrorisme dans la plus forte économie d’Afrique ».
SBM Intelligence, groupe analytique basé à Lagos, a partagé avec le Times des vidéos des chefs militants des groupes tels que Boko Haram et la Province de l’Afrique de l’Ouest de l’État islamique qui se glorifiaient du fait que les travailleurs chinois sur leur territoire devaient payer « un loyer ».
Les patrons chinois des mines de Zamfara et Katsina « sont tout à fait disposés à payer tous ceux qui doivent être payés ; ils n’ont aucune appréhension et sont autorisés à gérer leurs opérations », déclare au Times Ikemesit Effiong, responsable de la recherche à SBM.
L’ambassade chinoise au Nigeria a fait objection au reportage mais cherche à se distancer des actes des Chinois individuels.
« Le gouvernement chinois, ainsi que l’ambassade de Chine au Nigeria, ont toujours encouragé et exhorté les sociétés et les ressortissants chinois au Nigeria à se conformer aux lois et à la réglementation du Nigeria, et à suivre les règles et consignes locales sur le travail, l’environnement, la santé et la sécurité, etc., et ils continueront leurs efforts à cet égard », a-t-elle déclaré le 17 avril 2023.
La Chine a une empreinte massive dans le secteur minier africain, avec des investissements de plusieurs milliards de dollars. Les ressortissants chinois participent pleinement aux opérations d’extraction sur le continent concernant l’or, d’autres métaux précieux et minéraux de grande valeur tels que le lithium, le cobalt et le cuivre.
En 2019, la Chine a importé près de 10 milliards de dollars de minéraux de l’Afrique subsaharienne, selon le journal Economic Times.
Afilaka est l’un des chefs locaux qui pensent que les Nigérians ne reçoivent pas leur juste part. Il questionne aussi comment les nombreux employés chinois ont un permis de travail au Nigeria, question posée fréquemment dans les communautés près des opérations d’extraction.
« Il y a beaucoup d’obscurité dans ma terre, dit-il. Si vous venez ici pour extraire de l’or à hauteur de plusieurs milliards de nairas, je pense que le peuple devrait en bénéficier. »
Les chercheurs Ojewale et Onuoha ont demandé au gouvernement du Nigeria de renforcer la réglementation et la protection de son industrie minière florissante.
« Dans un pays affecté par diverses formes de criminalité, la participation des criminels étrangers au secteur minier présente un défi de sécurité grave, écrivent-ils. Ces minéraux sont l’une des ressources nationales les plus cruciales du pays et devraient être gardés avec une réponse sécuritaire coordonnée. »