Une fumée blanche épaisse s’élève au-dessus des toitures et des lignes électriques d’une base militaire abritant les soldats djiboutiens affectés à la mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis).Les chebabs ont revendiqué la responsabilité de l’attentat-suicide du 30 juin dans la commune de Beledweyne, au centre de la Somalie, où au moins quatre personnes, notamment une fillette de 7 ans et ses parents, ont trouvé la mort.
Feylow Abdi Adan, oncle de la fillette, déclare à la BBC : « Nous sommes allés dans le lieu où le problème s’est produit ; c’est vraiment inimaginable d’avoir ramassé les restes déchirés de notre famille. ».
Lorsque l’attaque s’est produite, les forces djiboutiennes remettaient la base entre les mains de l’armée somalienne dans le cadre du plan de retrait par étape de l’Atmis. La question de savoir si des membres des forces de sécurité ont été tués ou blessés demeure incertaine.
Le restant des soldats de l’Atmis et du personnel de soutien projette de partir de la Somalie à la fin de l’année. Toutefois, les chebabs sont devenus plus résilients après avoir perdu du terrain face aux forces somaliennes et internationales en 2022 et 2023.
L’analyste Caleb Weiss écrit dans le Long War Journal de la FDD (Foundation for Defense of Democracies) : « Les frappes contre la base de l’Atmis au moment où elle était remise à l’armée nationale somalienne (SNA) communiquent des informations évidentes sur la robustesse continue des chebabs dans le centre de la Somalie, malgré deux années de pression militaire constante dans la région. En outre, ces frappes démontrent la fragilité du retrait de l’Atmis. »
Selon une évaluation de l’UA notée par le journal The East African, les chebabs améliorent sans cesse leur emploi des drones et inventent de nouvelles techniques pour utiliser les engins explosifs improvisés dans leurs attaques. Les analystes déclarent que le groupe terroriste a un système de renseignement performant et emploie maintenant des données géographiques de source ouverte pour planifier ses assauts.
Selon l’UA, les chebabs ont formé progressivement une force de combattants étrangers appelés Mouhajirines, originaires de toute l’Afrique de l’Est. La plupart d’entre eux sont éthiopiens, kényans et tanzaniens, mais il y a aussi des combattants burundais, congolais, ougandais et rwandais.
L’évaluation de l’UA signale que les chebabs ont aussi établi des liens avec les Forces démocratiques alliées, groupe ougandais qui terrorise aussi la zone Est de la république démocratique du Congo.
Le président kényan William Ruto est parmi ceux qui craignent que les chebabs ne puissent paralyser les forces de sécurité après le départ de l’Atmis. Le Kenya a près de 3.500 soldats en Somalie. M. Ruto a déclaré sur la chaîne somalienne Garowe Online qu’il était préoccupé par le retrait des soldats, après un entretien avec le président somalien Hassan Sheikh Mohamoud.
« Nous avons des défis sécuritaires sérieux avant [le] retrait prochain des soldats de l’Atmis en Somalie, lequel dépend de l’échéancier et non pas de la situation », a-t-il dit. Il a fait appel à la maintenance de l’aide fournie par les troupes internationales. « Sinon, dès que l’Atmis partira, les chebabs prendront la relève », a-t-il ajouté.
Alors que les chebabs continuent à conduire des attaques, l’UA a soutenu à la fin juin la création d’une nouvelle force dirigée par l’UA et financée par les Nations unies pour remplacer l’Atmis.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a souligné le besoin de communications claires, de structures de commandement et de contrôle et de partage régulier des informations concernant la force, selon un reportage du journal éthiopien The Reporter. Il a fait appel à un cadre qui définisse la taille, la portée et le mandat de cette nouvelle mission.
Le CPS a aussi mis l’accent sur l’importance d’un financement prévisible et durable pour la mission. Le groupe de réflexion politique Amani Africa basé à Addis-Abeba (Éthiopie) note dans un rapport d’avril que l’Atmis fait face à une « carence de financement grave » alors que la transition se poursuit.
L’ambassadeur Mohamed El-Amine Souef, chef de l’Atmis, a décrit à la fin juin la nature imprévisible des chebabs devant le Conseil de sécurité de l’ONU, en mentionnant les attaques récentes contre les forces de sécurité somaliennes (SSF) à El Dhere, dans la région de Galmudug, et une attaque au mortier contre un camp de l’Atmis à Baidoa, dans la région du Sud-Ouest.
M. Souef a déclaré selon un reportage de defenceWeb : « Les SSF soutenues par l’Atmis et, de plus en plus, par les communautés locales, ont réalisé des gains importants dans leur lutte contre les chebabs. Un appui soutenu des partenaires internationaux est essentiel pour maintenir cette tendance. »
Les forces de sécurité ont aussi enregistré des succès récents contre les chebabs en capturant en juin dernier des villages stratégiques dans les bastions du groupe, situés dans les régions de Jubbada Hoose et de Shabeellaha Dhexe.
« Bien que les chebabs aient perdu ces villages stratégiques sans aucun combat, il est possible que ce soit une tactique employée par les militants pour attirer les forces de sécurité vers eux, puis lancer une attaque », selon un rapport du projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data).