PERSONNEL D’ADF
Depuis la première manifestation du Covid-19 en février, l’Afrique a enregistré une propagation plus lente et un nombre d’infections et de décès moindres que l’Europe et les Amériques. Qu’est-ce qui rend l’Afrique si différente ?
Les Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) se proposent de trouver la réponse à cette question en recherchant les anticorps du Covid-19 chez les habitants du continent.
Lorsque le Covid-19 a fait son apparition en Afrique, des modèles ont prédit que plus de 3 millions de personnes trouveraient la mort à cause de la maladie. Toutefois, près de 6 mois plus tard, le continent a signalé seulement 1,2 million de cas positifs et moins de 30.000 décès sur une population de 1,3 milliard de personnes. Avec 613.000 cas positifs, l’Afrique du Sud continue à être officiellement le pays le plus affecté par le Covid-19 sur le continent.
L’Afrique, dont la population a un âge médian de 19,7 ans, est beaucoup plus jeune que d’autres régions du monde. Ceci pourrait être un facteur dans la réduction de l’impact de la maladie, qui est particulièrement mortelle pour les personnes âgées ou en mauvaise santé.
« Ce qui est important, c’est que beaucoup moins de personnes sont infectées par la maladie », déclare en août John Nkengasong, directeur des CDC africains, lors de l’annonce de l’enquête. « Combien de personnes de notre continent sont infectées mais restent sans symptômes ? Nous ne le savons pas. »
Lorsque le Covid-19 infecte une personne, son système immunitaire produit des anticorps pour combattre le virus. Ce sont ces anticorps que les chercheurs des CDC africains étudient. Certaines personnes peuvent être porteuses du virus sans jamais le savoir. Dans ce cas, leurs anticorps le révèlent.
L’étude peut aussi aider les chercheurs à déterminer l’ampleur véritable de la maladie alors que les pays ont toujours des difficultés pour conduire un dépistage suffisant et signaler les résultats en temps opportun.
« Nous avons toujours beaucoup de pays qui ont seulement quelques lieux centralisés de dépistage. Si donc un cas se présente dans une région distante, la probabilité de le dépister diminue », déclare Justin Maeda, épidémiologiste tanzanien et chef de l’unité de surveillance et de renseignement sur les maladies des CDC africains, au podcast de la BBC More or Less en début août. « En outre, puisque nous avons peu de lieux de dépistage et que la demande augmente, nous finissons par avoir une grande accumulation d’échantillons qui attendent d’être testés. »
En plus de cela, les décès liés au Covid dans les zones rurales peuvent ne pas être comptés s’ils ne sont pas signalés. Et les pratiques religieuses et culturelles exigeant un enterrement rapide pourraient empêcher le relevé de la cause du décès, selon Nana Kofi Quakyi, chercheur ghanéen en santé publique.
« Pour un grand nombre de décès survenus dans les foyers, la façon principale d’obtenir les données repose sur les certificats de décès, déclare M. Quakyi à More or Less. Dans les zones rurales, cela pourrait ne pas se produire. »
La réouverture des frontières
En étudiant la probabilité d’exposition, les chercheurs des CDC africains pourraient apprendre si le continent a réellement moins d’infections et moins de décès, ou si seulement moins de gens présentent des symptômes. La détermination de l’ampleur réelle de l’exposition au virus peut aider les leaders nationaux à décider quand rouvrir les frontières, déclare M. Nkengasong.
Les CDC africains prévoient d’étudier l’ensemble du continent pour chercher les anticorps du Covid-19. Les enquêteurs commenceront par 7 pays : le Cameroun, le Liberia, le Maroc, le Nigeria, la Sierra Leone, la Zambie et le Zimbabwe.
Une étude d’anticorps précédente conduite au Kenya avait examiné 3.000 donneurs de sang entre 15 et 64 ans et découvert que 5 % d’entre eux avaient des anticorps. À l’échelle du pays, cela signifierait potentiellement que 1,6 million de personnes ont été exposées au virus. En date du 26 août, le Kenya a signalé 33.016 cas positifs et 564 décès depuis le début de l’épidémie.
La recherche des anticorps sur le continent s’aligne sur la réponse en cours des CDC africains au Covid-19, dont l’objectif consistait dès le début à créer d’énormes économies d’échelle pour déceler, prévenir et traiter la maladie. La force opérationnelle africaine pour le nouveau coronavirus, unité des CDC africains travaillant avec l’Organisation mondiale de la santé, a augmenté le nombre de laboratoires capables de conduire le dépistage du Covid-19, de 2 à 43.
Les personnes asymptomatiques sont devenues le point focal des efforts de santé publique pour enrayer la propagation du Covid-19, car elles peuvent propager le virus sans le savoir. Les décrets concernant les masques visent à perturber la propagation du Covid-19 en capturant les gouttelettes porteuses du virus que les personnes asymptomatiques émettent par la bouche et le nez.
Le nombre de personnes asymptomatiques pourrait-il être élevé ? Au Mozambique, selon les CDC africains, les chercheurs ont découvert récemment que les résidents dans 5 % des ménages de Nampula, soit environ 42.000 des 848.000 habitants estimés de la ville, ont des anticorps du Covid-19, ce qui signifie qu’ils ont été exposés au virus. Le virus s’est manifesté dans tous les quartiers de la ville.
En date du 26 août, le Mozambique avait signalé 3.508 cas positifs et 32 décès, sur une population de 29,5 millions.
« Nous ne savons pas pourquoi il n’y a pas plus de gens qui sont hospitalisés », déclare Ilesh Jani, directeur de l’Institut national de la santé du Mozambique, lors de l’annonce des CDC. « À Nampula nous pensions que la mortalité serait plus élevée. »