PERSONNEL D’ADF
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays dirigés par les militaires, ont porté atteinte à la CEDEAO (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) lorsqu’ils ont annoncé qu’ils quitteraient le bloc régional.
C’était l’un de plusieurs revers qui ont affaibli les organismes régionaux du continent, alors que ceux-ci ont des difficultés pour relever les défis complexes liés à la sécurité et l’économie.
Ces trois pays gouvernés par des juntes ont quitté la CEDEAO le 28 janvier lorsque le bloc les a suspendus et sanctionnés pour tenter de faire pression sur les chefs militaires afin de remettre le pouvoir aux mains des élus démocratiques.
Dans une déclaration publiée le même jour, le ministre des Affaire étrangères du Nigeria a dénoncé le communiqué par des « responsables non élus », en disant que les juntes s’engageaient dans « une mise en scène publique pour refuser à leur peuple le droit souverain de faire un choix fondamental concernant leur liberté de mouvement, liberté de commerce et liberté de choisir leurs propres dirigeants ».
L’analyste Beverly Ochieng de BBC Africa a déclaré que le retrait n’était pas surprenant après l’intensification de l’animosité entre les trois juntes et la CEDEAO.
Elle a dit dans un épisode du 2 février sur le podcast quotidien de BBC Africa : « Ceci démontre d’une certaine manière que la CEDEAO pourrait avoir épuisé certaines de ses réponses. Il semble qu’il n’existe plus de moyen d’engagement. »
Tous les trois pays combattent des insurrections par des groupes armés associés aux organisations extrémistes transnationales al-Qaïda et État islamique. Mme Ochieng déclare que les terroristes profitent d’une région divisée.
« Ils ne considèrent pas les frontières. Ils exécutent leurs attaques partout où ils en ont l’opportunité. Ceci peut conduire à un manque de communication entre les forces de sécurité et même à un manque de confiance dans la façon dont elles patrouillent ces frontières et protègent les populations. »
Babacar Ndiaye, associé principal de l’Institut de Tombouctou pour les études de paix au Sénégal, déclare que le retrait des trois états sahéliens de l’organisme régional créé il y a 49 ans provoquera un changement sans précédent.
Il dit à l’Associated Press : « C’est la question la plus complexe à laquelle la sous-région fait face depuis sa création. Tous les travaux qu’ils ont effectués pour bâtir un mécanisme de sécurité collectif sont basés sur des protocoles qui assument que la démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit formeront la base de la paix et de la sécurité. »
Mis à part la CEDEAO qui avait été créée en 1975, la plupart des communautés économiques régionales (CER) ont été créées dans les années 1980 comme éléments constitutifs de l’Union africaine.
Lorsque les signataires du traité d’Abuja ont établi la Communauté économique africaine en 1991, ils envisageaient les années 2020 comme une décennie d’intégration audacieuse et harmonieuse.
Une alliance des CER établirait des zones de libre-échange et des unions douanières dans chaque bloc à partir de 2021, une union douanière continentale en 2023 et un marché commun continental en 2025. À la fin 2028, ils imaginaient un parlement africain et une monnaie unique.
Toutefois, la réalité de 2024 comprend les tensions et les désaccords, la montée du terrorisme et des conflits violents. Certains états membres ignorent les efforts des CER pour assurer l’ordre et la paix.
La CEDEAO n’est pas le seul bloc régional affecté par les conflits. L’Éthiopie, la Somalie et le Soudan ont tous rejeté les efforts récents de médiation de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).
Les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, groupe paramilitaire, se battent depuis plus de dix mois dans une guerre qui a provoqué la mort de milliers de personnes et le déplacement de plus de 7 millions. Le 20 janvier, le ministère des Affaires étrangères du Soudan a annoncé qu’il suspendait son appartenance à l’IGAD, malgré les efforts du bloc visant à lancer des négociations entre les belligérants du pays.
Ni l’Éthiopie ni la Somalie ne veulent négocier par l’intermédiaire de l’IGAD depuis que le bloc régional a exigé que l’Éthiopie abandonne son accord d’accès portuaire critiqué avec le Somaliland, région sécessionniste de la Somalie.
Les experts, qui ne déclarent pas encore que ces événements constituent une crise pour les blocs régionaux, disent qu’il y aura des conséquences pour les mandats régionaux visant à assurer la sécurité conjointe et l’intégration économique.
L’analyste de sécurité nigérian Jaye Gaskia a déclaré à Voice of America : « Je pense que c’est une leçon. La CEDEAO doit avoir des protocoles et des mécanismes en place pour commencer à riposter à cette situation d’insécurité et d’instabilité avant qu’elle ne conduise à un point où les gouvernements sont réellement renversés. »
Mme Ochieng déclare que les raisons sous-jacentes pour l’existence des blocs régionaux n’ont pas changé et rendent toujours légitimes leurs interventions.
« En fin de compte, ces blocs doivent considérer les interventions politiques et militaires parce qu’ils ont déjà un accord existant. Mais ils doivent bâtir une résilience en cas d’insécurité ou de dispute politique qui sape la coopération économique. »