Les autorités mozambicaines craignent que la contrebande du bois dans la province du Cabo Delgado ne finance les groupes terroristes tels qu’Ansar al-Sunna, qui conduit une insurrection dans cette région depuis 2017.
La province a des ressources abondantes d’espèces d’arbres de grande valeur telles que l’umbila, l’ébène du Mozambique, le palissandre et l’acajou, mais la contrebande du bois d’abattage illégal a accélérée la déforestation en privant le gouvernement et les habitants de ressources naturelles indispensables, à hauteur d’environ 1,95 million de dollars par mois, selon le rapport national d’évaluation des risques de financement du terrorisme.
La surveillance laxiste des zones de conservation et la location par les entreprises d’abattage locales de leurs permis à des compagnies étrangères, surtout chinoises, permettent facilement aux contrebandiers du bois de prospérer, en particulier dans les zones contrôlées par les rebelles, selon les analystes.
Le commerce illicite du bois au Cabo Delgado est aussi lié à la traite humaine ; il provoque des risques de santé et utilise le travail des enfants.
« Bien qu’il n’existe pas de relevé de … liens directs au terrorisme, le fait que la contrebande du bois et d’autres produits forestiers ait lieu dans des zones sujettes à une menace terroriste active suggère que cette activité est une source de revenu pour les terroristes », déclare le rapport national d’évaluation des risques de financement du terrorisme.
La déforestation constante a conduit à une perte d’emplois traditionnels, ce qui pourrait faciliter le recrutement de nouveaux membres par les terroristes. Les experts du secteur forestier ont signalé l’an dernier que le Mozambique a perdu environ 4 millions d’hectares de forêt à cause de l’abattage sauvage des arbres et autres activités humaines au cours des quinze dernières années.
Un expert du commerce du bois au Mozambique a déclaré à War on the Rocks qu’Ansar al-Sunna, que l’on appelle localement « les chebabs », recrute des Mozambicains et des Tanzaniens qui vendent illicitement du bois dans les villes portuaires telles que Mtwara et Pemba, où les acheteurs chinois sont probablement actifs.
Une grande partie du bois illicite du Cabo Delgado et de la région du Mozambique est passe en contrebande vers la Chine, où l’abattage des arbres est interdit dans le pays.
Des membres du Comité de gestion des ressources naturelles (NRMC) dans le Nord du Mozambique a déclaré à Space for Giants, organisation internationale de conservation, que les entreprises d’abattage d’arbres louent habituellement leurs permis à des sociétés non autorisées qui ne respectent pas les mesures de durabilité.
Les membres du comité déclarent que ces sociétés, ainsi que les contrebandiers du bois qui agissent tout simplement sans permis, coupent des arbres qui sont trop petits, pratiquent le brûlage non contrôlé et n’assument pas la responsabilité de replanter les arbres abattus.
Les membres du NRMC dans les villages de Ntola et Nanhupo déclarent que toutes les entreprises autorisées d’exploration du bois dans la région ont loué leurs permis à des ressortissants chinois qui pratiquent l’abattage.
Dinis Atimo, président du NRMC de Nanhupo, déclare à Space for Giants : « Cela nous préoccupe parce qu’il y a beaucoup de désordre et nous n’avons pas de bonnes relations avec les Chinois. Nous ne pouvons pas [exiger que] ces sociétés … suivent les règles parce que ce ne sont pas elles qui ont signé un accord avec nous. »
Alimo Faque, qui vit dans le village de Nacocolo, déclare que la location des permis d’abattage à des sociétés de Chine et d’autres pays provoque le désordre dans l’industrie du bois et incite les conflits avec les communautés locales.
« Les sociétés étrangères apparaissent et amènent des promoteurs d’abattage qui envahissent les propriétés des autres pour abattre le bois sans résoudre les problèmes des communautés tels que le manque d’alimentation en eau, entre autres », déclare M. Faque à Space for Giants.
En décembre 2023, des membres de la division de l’environnement et des ressources naturelles du département de la Justice des États-Unis et des officiers de police du Service forestier des États-Unis ont conduit un atelier sur le trafic du bois au Mozambique. Environ 25 responsables mozambicains y ont participé, notamment des douaniers, des gardes forestiers, des membres de la police nationale, des magistrats et des procureurs.
L’amélioration de la formation des juges mozambicains a conduit à des amendes plus sévères pour l’abattage illégal et le braconnage.
Le juge Luis Mabote de la Cour suprême du Mozambique a déclaré à l’atelier : « Ensemble nous pouvons découvrir les meilleures pratiques pour lutter. Nous calibrons notre outillage contre le crime organisé. Le crime organisé conçoit des stratégies. Nous devons être préparés. Nous avons besoin d’une préparation technique, nous ne pouvons pas agir dans des silos. »