Boko Haram souhaite vivement étendre son territoire au-delà de ses bastions du Nord du Nigeria, mais les affrontements entre ses deux factions, « Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad » (JAS) et la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI), pourraient entraver les plans du groupe terroriste.Depuis plusieurs années, des luttes intestines entre les affiliés de l’État islamique (Daech) sont suscitées par les doléances de JAS concernant la perception de marginalisation du groupe ethnique des Buduma exclus des postes de leadership de la PAOEI, lesquels sont typiquement dominés par les Kanouri, selon l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Un autre sujet épineux est la façon dont les factions traitent les civils, en particulier en ce qui concerne le « fey’u » ou butin saisi hors des combats.
La PAOEI interdit la saisie du « fey’u » auprès des civils musulmans alors que JAS l’autorise, selon l’International Crisis Group. On sait aussi que JAS enlève les femmes et les jeunes filles et que ses commandants récompensent la loyauté des combattants en leur permettant de contracter un mariage forcé avec les femmes enlevées, pratique qui est interdite par la PAOEI.
JAS était désemparé en 2021 après la mort de son chef, Abubakar Shekau, pendant une attaque de la PAOEI contre sa forteresse dans la forêt de Sambisa, État de Borno, au cours de laquelle des milliers de combattants de JAS se sont rendus aux autorités plutôt que de rejoindre la PAOEI. Toutefois, la PAOEI a en fait recruter des combattants de JAS, saisi ses territoires et élargi ses propres moyens de produire des revenus.
« Ceci a cimenté la position de la PAOEI au sein de la franchise de l’État islamique, en devenant l’un des affiliés les plus performants du groupe terroriste dans le monde », écrit Malik Samuel, chercheur au bureau régional de l’ISS pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad.
Mais JAS a organisé un retour furieux facilité par la défection vers JAS au début 2023 du commandant PAOEI influent Mikhail Usman, alias « Kaila », de l’ethnie buduma, accompagné d’autres commandants et combattants.
En octobre 2023, les offensives de JAS ont forcé les combattants de la PAOEI d’évacuer un grand nombre de leurs territoires insulaires qu’elle détenait depuis longtemps dans le bassin du Tchad, selon l’ISS. Kaila a planifié l’attaque, en sachant bien que la PAOEI, sans ses combattants buduma qui vivent sur le lac, aurait des difficultés dans les combats sur l’eau.
« Ceux qui sont familiarisés avec les affrontements disent que JAS occupe aujourd’hui jusqu’à 40 % des îles contrôlées précédemment par la PAOEI, écrit Malik Samuel. Mais la PAOEI conserve son contrôle de la terre ferme dans ces zones. »
En avril, les offensives de la PAOEI lui ont permis de reconquérir Tumbun Allura et Falkima-Hakariya.
Selon le chercheur, Daech a demandé une pause des attaques parce que la PAOEI ne peut pas se permettre de mener une confrontation prolongée et meurtrière contre JAS qui pourrait endommager la réputation de son affilié principal en Afrique de l’Ouest. Sa franchise régionale, l’État islamique dans le Grand Sahara, est déjà éclipsée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda.
Selon l’International Crisis Group (ICG), la PAOEI essaie actuellement de consolider son contrôle dans les zones moins menacées par JAS, en particulier au centre et dans l’Ouest de l’État de Borno et de l’État voisin de Yobe .
JAS se prépare à attaquer des cibles civiles et militaires autour du lac Tchad et depuis son autre bastion dans les monts Mandara. Il a aussi recommencé à cibler les civils dans la province tchadienne du Lac. Auparavant, il avait attaqué avec force la région de Diffa au Niger, et les analystes de l’ICG disent qu’il pourrait le faire à nouveau.
Les opérations militaires en cours dans le bassin du Tchad conduites par la Force multinationale mixte et l’Armée nigériane sont conçues pour limiter l’ère d’activité de JAS et de la PAOEI.