Léopold Sédar Senghor était un intellectuel, un écrivain, un universitaire, un homme d’État et le premier président du Sénégal. Il a écrit l’hymne national sénégalais, et se considérait par-dessus tout comme un poète.
Mais ses écrits montrent qu’il était, avant toutes choses, un Africain.
Senghor est né en 1906 à Joal, une ville sur la côte du Sénégal. Envoyé en pension à l’âge de 8 ans il s’est rapidement établi une réputation d’élève appliqué et d’étudiant studieux. Après l’école secondaire, une bourse partielle lui permit de poursuivre ses études en France. Son départ pour la France a marqué le début, comme il l’a dit, de « 16 années d’errance ».
Après avoir obtenu son diplôme à l’université de Paris, il est resté en France où il a enseigné et poursuivi ses études. Mais en dépit de son succès, il souffrait encore du racisme ambiant. C’est pendant cette période qu’avec d’autres intellectuels noirs en Europe, il inventa le concept de « négritude », transformant l’insulte raciste « nègre » en une expression positive pour les Africains. La négritude devint le symbole de la célébration de l’histoire africaine, de l’ouverture à la culture et à la société traditionnelles africaines et du rejet du colonialisme et du racisme.
En 1939 il fut enrôlé dans l’armée française – il avait été naturalisé en 1932 – et, malgré sa formation universitaire il n’obtint pas le grade d’officier. Un an plus tard, lorsque l’Allemagne envahit la France, il fut fait prisonnier et passa deux ans en captivité à écrire des poèmes.
Après la Seconde Guerre mondiale, Senghor a repris l’enseignement et est entré en politique se faisant élire député à l’Assemblée Nationale française. Alors que les mouvements d’indépendance s’étendaient en Afrique, il en appela au général de Gaulle, en 1959, pour réclamer le statut d’État pour le Sénégal.
L’année suivante, le Sénégal devint une république indépendante et, le 5 septembre 1960, Senghor fut élu président. Il s’est initialement concentré sur les relations internationales, alors que son premier ministre, Mamadou Dia planifiait le développement à long terme du Sénégal. Ils se brouillèrent rapidement et, en 1962, accusé d’avoir projeté de renverser Senghor, le premier ministre fut arrêté et condamné à 12 ans de prison.
Après l’incarcération de Dia, Senghor mit en place un système autoritaire de parti unique, comme c’était le cas dans beaucoup de pays d’Afrique. Il ne tolérait pas que l’on conteste son autorité et a déclaré un jour qu’« on ne peut pas gouverner un pays sans les murs d’une prison ».
Mais Senghor s’est montré capable d’apporter le changement. Il décida, quatorze ans plus tard, que le Sénégal devait être une véritable démocratie avec, à l’origine, trois partis politiques. Avec cette nouvelle démocratie, Senghor accorda à la presse de nouvelles libertés.
Senghor était un président intelligent et visionnaire. Bien que socialiste, il a pris ses distances avec l’idéologie anti-occidentale qui prévalait à l’époque. Il a maintenu des liens étroits avec la France et l’Occident. Son « socialisme africain » était démocratique, pragmatique et fondé sur la tradition africaine du partage.
Sa présidence a établi la stabilité politique au Sénégal, qui reste l’un des rares pays d’Afrique à n’avoir jamais connu de coup d’État. Chaque passation de pouvoirs – le Sénégal n’a eu que quatre présidents – s’est déroulée sans heurts.
Lorsque Senghor décida, en 1980, de céder le pouvoir, il fut le premier président africain à quitter volontairement ses fonctions.
À SA MORT EN 2001, L’ÉPITAPHE DU POÈTE QU’IL FUT TOUTE SA VIE ÉTAIT UN POÈME QU’IL AVAIT ÉCRIT :
Quand je serai mort, mes amis, couchez-moi sous Joal-l’Ombreuse. Sur la colline au bord du Mamanguedy, près l’oreille du sanctuaire des Serpents. Mais entre le Lion couchez-moi et l’aïeule Tening-Ndyae. Quand je serai mort mes amis, couchez-moi sous Joal-la-Portugaise. Des pierres du Fort vous ferez ma tombe, et les canons garderont le silence. Deux lauriers roses – blanc et rose – embaumeront la Signare.