PERSONNEL D’ADF
Au début 2021, le président Emmerson Mnangagwa du Zimbabwe a officiellement inauguré le centre national des données du pays, en proclamant que cette plateforme de données construite par la Chine était cruciale pour les progrès économiques de la nation.
Le centre collecte les informations provenant des archives gouvernementales ainsi que la documentation des entreprises privées telles que les banques. Les chefs des groupes de soutien aux droits de l’homme et de la société civile craignent que le centre de données ne fournisse un moyen pour le gouvernement de traquer les activités des gens et de réduire au silence les protestations, enfreignant ainsi la constitution du pays.
C’est le tout dernier projet zimbabwéen qui adopte l’emploi de la technologie de surveillance chinoise. La Chine a fourni au Zimbabwe près de 240 millions de dollars pour développer NetOne, le système national de télécommunication mobile qui possède ses propres centres de données. M. Mnangagwa se vante que son gouvernement puisse traquer où marchent les gens, à qui ils parlent, et même où ils dorment.
Nompilo Simanje de l’Institut médiatique d’Afrique australe – Zimbabwe dit que la déclaration du président est « un exemple évident du fait que le gouvernement possède les outils et la capacité nécessaires pour surveiller les gens », selon un reportage dans The Economist.
L’emploi de la surveillance au Zimbabwe, qui existait dans le régime de Robert Mugabe, le président antérieur, s’est accéléré récemment.
Le pasteur et activiste de la libre expression Evan Mawarire a déclaré à la conférence au sommet de Genève pour les droits de l’homme et la démocratie : « Lorsque Robert Mugabe a été renversé en 2017, tout le monde pensait que l’heure du changement était venue. Et pourtant, il est incroyable que le Zimbabwe soit aujourd’hui devenu pire qu’il ne l’était sous Robert Mugabe. »
Mawarire a été accusé en 2019 d’incitation à la violence publique après avoir soutenu les manifestations ouvrières sur les réseaux sociaux.
Au cours des dernières années, la société chinoise de technologie Huawei a lancé son programme Smart Cities (villes intelligentes) au Zimbabwe. Le gouvernement a engagé Cloudwalk Technologies et Hikvision, deux sociétés chinoises, pour installer la technologie de reconnaissance faciale dans les lieux publics. Le Zimbabwe est le terrain d’essai qui entraînera le système pour identifier le visage des personnes qui ont une peau noire. Selon Quartz, c’est quelque chose qui présente des difficultés pour l’intelligence artificielle.
En 2018, le gouvernement a commencé à recueillir les empreintes digitales, les photos, les numéros de téléphone et les adresses des citoyens sous prétexte d’éradiquer la fraude électorale.
En 2020, le Zimbabwe a lancé un projet de cinq ans avec Huawei, à un coût de 100 millions de dollars, pour étendre Smart Cities au-delà de Harare.
Des équipes de sécurité ont installé des caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) à Harare et Bulawayo en se concentrant sur les artères principales et la Place de l’unité africaine, face au bâtiment de l’Assemblée nationale. Ces lieux sont tous populaires auprès des manifestants anti-gouvernementaux.
L’expert médiatique Allen Munoriyarwa a écrit dans un rapport de 2020 sur la surveillance visuelle en Afrique australe publié par le Projet des médias et de la démocratie : « Ceci confirme que le focus concerne plus la dimension politique que la sécurité publique dans l’emploi des CCTV au Zimbabwe. L’intention est de réprimer les activistes anti-régime par l’intimidation. »
La ruée du Zimbabwe vers l’expansion de la surveillance gouvernementale s’accompagne d’une absence de législation sur l’emploi des données recueillies, selon M. Munoriyarwa.
Jonathan Moyo, ancien ministre zimbabwéen de l’Éducation supérieure et tertiaire, des Sciences et du Développement technologique, est intervenu sur Twitter avant l’ouverture du centre national des données pour dénoncer ce centre comme un outil d’espionnage de l’utilisation du téléphone et de l’Internet par les citoyens.
Les défenseurs des droits de l’homme et des droits civiques sonnent l’alarme en déclarant que la Chine a aidé le Zimbabwe à créer un environnement qui permet au gouvernement de cibler les dissidents et d’enfreindre le droit constitutionnel des gens à la vie privée.
« Nous sommes dans un pays où les libertés de base des citoyens assurées par la constitution sont violées de façon flagrante », a déclaré M. Mawarire à CNN.