PERSONNEL D’ADF
Fabrice Kighoma était consterné en décembre dernier lorsqu’il a entendu dire que les Nations unies renouvelleraient le mandat de leur mission de maintien de la paix en République démocratique du Congo (RDC).
« Pour moi personnellement, c’est une mauvaise nouvelle et ça m’attriste beaucoup », a déclaré cet activiste congolais de Goma au magazine en ligne International Politics and Society Journal.
La mission appelée MONUSCO est impopulaire auprès de certains civils et responsables congolais, qui l’accusent de ne pas avoir pacifié les provinces orientales de la RDC rongées par la violence.
Le 19 juin, la MONUSCO et la RDC ont annoncé conjointement le retrait de la mission lorsque son mandat expirera en décembre 2023.
« Le départ de la MONUSCO a déjà commencé mais le retrait doit être honorable et pacifique », a déclaré la chef de mission Bintou Keita. « Vous ne démantelez pas une mission du jour au lendemain. »
Patrick Muyaya, ministre congolais de la Communication et des Médias, déclare que le gouvernement avait accordé la demande de retrait de la MONUSCO « sur la base de la réalisation des conditions minimales concernant les jalons les plus importants du plan de transition ».
Toutefois, il n’a pas spécifié de date pour la fin de la mission.
Il a dit : « Il peut exister des [circonstances] imprévues et des impondérables. »
Avec 12.800 soldats déployés dans l’Est de la RDC, la MONUSCO est l’une des plus vastes missions de maintien de la paix dans le monde. C’est aussi l’une des plus coûteuses, à hauteur d’environ 1 milliard de dollars par an.
Les casques bleus sont présents dans la région depuis 1999 mais la recrudescence des rebelles du M23 dans l’Est de la RDC depuis la fin 2021 a déclenché des déplacements en masse, des massacres et une hostilité envers la mission.
En 2022, la MONUSCO était la cible d’une série de protestations dans l’Est de la RDC dans lesquelles 32 civils et 4 gardiens de la paix sont morts.
Richard Moncrief, directeur de la région africaine des Grands Lacs pour le groupe de réflexion International Crisis Group, déclare que la mission de l’ONU n’a pas gagné la confiance des civils.
« Dans cette situation de l’Est du Congo, comme au Mali, lorsque des milliers de soldats bien équipés ne semblent pas pouvoir faire quoi que ce soit pour protéger la population, cela suscite des soupçons chez les gens », dit-il à la chaîne de diffusion internationale allemande Deutsche Welle (DW).
« La MONUSCO a largement échoué parce que son déploiement n’a pas eu d’impact important sur la sécurité au cours des dix dernières années. »
Le gouvernement congolais, mécontent de la MONUSCO depuis des années, a demandé le déploiement de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (FRCAE), qui a envoyé des milliers de soldats dans la région entre novembre et avril.
Toutefois, après quelques mois, le président Félix Tshisekedi s’est plaint que la force refusait d’affronter les M23. Il a demandé à la Communauté de développement d’Afrique australe de déployer une autre force régionale pour combattre les rebelles dans l’Est de la RDC.
Remadji Hoinathy, Fellow de l’Institut d’études de sécurité basé en Afrique du Sud, dit qu’un excès de forces armées pourrait provoquer des problèmes.
Il déclare à DW : « Il y a presque un embouteillage là-bas. Ces forces doivent clarifier comment elles peuvent coopérer les unes avec les autres. »
Entre-temps, la MONUSCO continuera à essayer de maintenir la paix pendant qu’elle restera en RDC, déclare Mme Keita.
« La MONUSCO reste engagée dans tous les processus régionaux pour rétablir la paix dans l’Est de la RDC et, en conséquence, pour le retour des milliers de personnes déplacées dans leur lieu d’origine. »
Dans un briefing devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 26 juin, la sous-secrétaire générale pour l’Afrique Martha Ama Akyaa Pobee a applaudi l’accalmie récente des combats entre les rebelles du M23 et l’armée nationale congolaise (FARDC).
Une semaine auparavant, la MONUSCO, la FRCAE et le Mécanisme de vérification conjoint élargi ont conduit une mission de reconnaissance à la base de Rumangabo dans le Nord-Kivu pour évaluer les conditions de lancement du processus de désarmement et de démobilisation des M23.
« Pour que ces efforts soient fructueux, il est urgent que les M23 se retirent complètement des territoires occupés et déposent leurs armes inconditionnellement », a-t-elle dit.
Elle avertit que la situation sécuritaire générale dans l’Est de la RDC a continué à se détériorer depuis avril.
À mesure que la FARDC s’est redéployée dans la province du Nord-Kivu, les groupes armés de la province de l’Ituri dans le Nord se sont précipités pour combler le vide. Les Forces démocratiques alliées, la CODECO et la milice zaïroise ont tué plus de 600 personnes au cours des trois derniers mois.
Les officiels de la RDC accusent la CODECO d’avoir assassiné 46 personnes, dont la moitié étaient des enfants, lors d’une attaque du 11 juin contre le camp de Lala pour personnes déplacées, à environ 3 km d’une base de maintien de la paix de l’ONU dans la commune de Bule.
L’augmentation de la violence dans l’Ituri signifie que le départ de la mission onusienne s’accompagnera de nombreux défis, déclare Mme Pobee.
« Le retrait de la MONUSCO ne doit pas compromettre la protection des civils, avertit-elle. Nous devons éviter de créer des vides sécuritaires. »
« Une transition ordonnée et responsable dépend de la capacité des forces de sécurité nationales d’être déployées et de répondre efficacement là où la situation sécuritaire l’exige. »