Les pertes de territoire et d’effectif ont provoqué le déferlement d’une vague d’attentats suicides commis par Boko Haram et la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI) au Nigeria, selon les analystes.Pendant une seule journée à la fin juin, trois femmes kamikazes ont tué 32 personnes et blessé au moins 42 dans trois sites de Gwoza, État de Borno, près de la frontière avec le Cameroun : à la célébration d’un mariage, près d’un hôpital et aux funérailles des victimes d’un attentat précédent. Un quatrième incident n’a pas fait de victimes, sauf pour la kamikaze.
C’était les premiers attentats suicides dans le Nord-Est du Nigeria depuis environ quatre ans. Gwoza était auparavant contrôlée par Boko Haram, bien qu’aucun groupe terroriste n’ait revendiqué la responsabilité de ces attaques. La localité est située près de Chibok, lieu notoire où 276 lycéennes avaient été enlevées par Boko Haram en 2014.
Sani Usman, général à la retraite et associé de contre-terrorisme au centre de ressources de l’armée nigériane – Abuja, a déclaré à l’Agence Anadolu que près de 65 % des experts militaires de Boko Haram avaient été tués, ce qui fait pression sur le groupe pour qu’il démontre sa pertinence par l’intermédiaire des attentats kamikazes.
L’analyste de la sécurité Chidi Omeje en convient, en disant que les attentats montrent aussi que les terroristes recherchent des stratégies différentes.
Il déclare au journal nigérian Business Day : « Les terroristes se retrouvent acculés. Ils ont recours à ces méthodes parce qu’ils n’ont pas la capacité de confronter directement l’armée, aussi ils attaquent des cibles vulnérables par la conscription. »
Al Chukwuma Okoli, professeur associé de science politique à l’université fédérale de Lafia (Nigeria), écrit dans The Conversation que les attentats suicides pourraient aussi être une forme de communication ou de messagerie stratégique.
« Le terrorisme kamikaze est considéré efficace non seulement à cause de sa létalité mais aussi parce qu’il est censé envoyer un message selon lequel la cause défendue par les terroristes est si cruciale que la mort est préférable à la vie pour le terroriste. »
Une portion du message stratégique vise à inciter la peur du public et contrer le récit selon lequel le gouvernement est en train de gagner la guerre contre le terrorisme, selon le professeur Okoli.
Les femmes kamikazes provoquent moins de soupçons
Des études montrent que Boko Haram utilise plus de femmes kamikazes que tout autre groupe terroriste de l’histoire, et des statistiques récentes suggèrent que plus de la moitié des attentats suicides du groupe sont commis par des femmes, selon un reportage de la BBC.
Parmi les trois récent kamikazes, il y avait une femme avec un bébé. Le reporter de la guerre Abba Kakami déclare que le groupe considère les femmes comme critiques pour sa mission.
« C’est la raison pour laquelle ils enlèvent souvent des femmes, des jeunes filles : non seulement aux fins de procréation mais aussi comme boucliers humains et pour les attentats suicides », déclare Abba Kakami à l’Agence Anadolu. Il ajoute que Boko Haram croit à l’enlèvement des jeunes filles et à leur mariage pour produire des enfants afin de soutenir sa mission.
Les experts déclarent que les groupes terroristes utilisent souvent des femmes kamikazes parce qu’ils les considèrent moins utiles pour l’organisation mais plus avantageuses stratégiquement.
Mia Bloom, professeure de communication à l’université d’État de Géorgie et experte des femmes kamikazes, déclare au New York Times : « Les femmes suscitent moins [de soupçons] et elles sont capables de pénétrer les cibles plus profondément. »
Les femmes sont utilisées, souvent contre leur gré, dans les attentats suicides qui prennent pour cible les civils ou l’infrastructure civile, parce qu’elles s’intègrent bien et qu’il est moins probable qu’elles soient considérées comme des menaces, déclare la professeure Bloom qui a interviewé un grand nombre de survivantes de Boko Haram.
Beaucoup de femmes utilisées par Boko Haram comme kamikazes ont probablement été sexuellement assaillies et traumatisées, et certaines pourraient vraiment être radicalisées, dit-elle.
Des appels pour améliorer la sécurité
Dans le sillage des attentats suicides, le Sénat nigérian a affirmé que le déploiement militaire était à lui seul inefficace contre le terrorisme et a exhorté le gouvernement fédéral à employer la technologie et les tactiques scientifiques, selon le reportage de Business Day.
Mike Ejiofor, ancien directeur du service de sécurité du département d’État, a déclaré au journal que les membres des communautés locales devraient aussi aider les forces de sécurité à recueillir des informations sur ce que font les terroristes, parce qu’ils comprennent mieux la région et ses habitants.
Le professeur Okoli postule dans The Conversation que la capacité des terroristes pour commettre des attentats suicides peut aussi être affrontée en leur refusant l’accès aux sites, aux ressources et aux recrues, et en éliminant leurs bases opérationnelles et leurs cachettes. Il fait appel à un meilleur contrôle de la foule et une meilleure sécurité aux événements publics.
« Les citoyens devraient être conseillés sur la façon de déceler et de prévenir les attaques terroristes kamikazes en présence d’une foule », écrit-il.