PERSONNEL D’ADF
Alors que la piraterie est en hausse dans les eaux d’Afrique de l’Ouest, le Nigeria a récemment lancé son projet Deep Blue, une approche multidimensionnelle pour confronter la piraterie dans le golfe de Guinée.
Le projet de 195 millions de dollars réunit des navires, des aéronefs et des drones pour patrouiller les voies navigables encombrées au large des côtes du Nigeria. Il identifiera les zones problématiques potentielles et ripostera rapidement contre la piraterie. Il fait suite à l’adoption de la Loi sur la suppression de la piraterie et autres offenses maritimes par les législateurs nigérians en 2019, qui a renforcé la capacité de l’état pour combattre la piraterie.
« Cet ensemble de nouvelles ressources de sécurité maritime émerge à un moment critique lorsque les discussions globales sont focalisées sur la piraterie et sur la nouvelle dimension qu’elle a prise dans la région du golfe de Guinée », a déclaré le président nigérian Muhammadu Buhari lors du lancement de Deep Blue à Lagos en juin dernier.
Parmi l’arsenal anti-piraterie de Deep Blue, on compte 600 soldats spécialement formés, 16 véhicules blindés, 4 drones et 17 bateaux intercepteurs, ainsi que d’autres navires et aéronefs.
« Ce projet peut potentiellement contribuer fortement à la capacité des marins pour pouvoir à nouveau exercer leurs fonctions sans craindre pour leur sécurité », selon la déclaration de Katharina Stanzel, directrice générale d’INTERTANKO (association internationale de propriétaires indépendants de navires pétroliers).
Buhari a loué le projet comme étape la plus récente de la sécurité collective du golfe de Guinée.
À la même cérémonie, Bashir Jamoh, directeur général de l’administration maritime et l’agence de sécurité du Nigeria, a déclaré que le pays travaillera avec l’Organisation maritime internationale basée à Londres pour « restaurer le bon sens dans nos eaux territoriales ».
Avec les autres pays du golfe, le Nigeria est signataire de l’Architecture de Yaoundé pour la sécurité maritime, une coalition multinationale avec son siège social au Cameroun chargée de coordonner la riposte à la criminalité maritime dans la région.
Huit ans après sa création, le système de Yaoundé continue à chercher son équilibre. Il a des difficultés à cause d’un manque de personnel et de confiance entre ses membres, a déclaré le commandant Yussif Benning de la Marine ghanéenne lors d’un webinaire du 29 juin parrainé par l’Institut pour les études de sécurité.
« La coordination existe à un niveau superficiel, a déclaré le commandant Benning. Elle n’est pas assez profonde. »
Le commandant Benning pense que le projet Deep Blue du Nigeria fournit un moyen d’approfondir la coopération et la coordination régionales contre la piraterie. Alors que le projet débute, les responsables nigérians ont offert de travailler avec les autres pays pour partager leur technologie et leur capacité de surveillance, dit-il.
« Il contribuera à la capacité du Nigeria pour attaquer et supprimer la menace », déclare le commandant Benning à ADF.
Les pirates utilisent depuis longtemps le réseau de rivières et de forêts côtières du delta du fleuve Niger comme base à partir de laquelle ils peuvent attaquer les navires du golfe. Alors que le Nigeria a conduit une répression, les pirates ont étendu leurs opérations sur l’ensemble de la côte du golfe, depuis la Côte d’Ivoire jusqu’au Gabon.
Depuis 2016, les pirates qui volaient les cargaisons telles que le pétrole s’engagent dans l’enlèvement des équipages des navires pour les rançonner. Le golfe de Guinée a enregistré 130 à 135 enlèvements maritimes en 2020.
Le projet Deep Blue forcera probablement les pirates à quitter les eaux nigérianes pour se relocaliser dans les pays voisins, ce qui incitera ces pays à accroître leur propre riposte, selon Pascaline Odoubourou, fondatrice et éditrice en chef du magazine Maritim Africa basé au Sénégal.
« D’autres états côtiers devront mettre en œuvre des projets similaires dans leurs propres eaux territoriales », a déclaré Mme Odoubourou à ADF.
Entre-temps, les autres pays, y compris ceux de l’Union européenne et d’ailleurs, patrouillent le golfe pour protéger les navires qui battent leur pavillon, conformément à la Convention des Nations unies sur le droit maritime.
Ces plans sont sujets à controverse, mais ils seront nécessaires tant que les pays africains n’auront pas développé leur capacité de riposte contre les attaques de piraterie, selon Jakob Larsen, chef de la sécurité maritime pour BIMCO, la plus grande association de fret maritime international du monde.
Entre-temps, les patrouilles étrangères peuvent permettre aux marines d’Afrique de l’Ouest de contrôler leurs eaux territoriales plus agressivement, selon M. Larsen.
Alors même que le Nigeria et les autres nations améliorent leur capacité d’action contre les pirates du golfe de Guinée, Mme Odoubourou déclare que les pays doivent faire davantage pour attaquer les causes racines de la piraterie : la pauvreté et la pêche illégale.
Sinon, « nous affronterons une maladie appelée piraterie maritime qui est traitée seulement de façon superficielle ».