LA TECHNOLOGIE DE LA SURVEILLANCE AIDE À SÉCURISER LES ZONES FRONTALIÈRES
PERSONNEL D’ADF
Alors que la Tunisie sort de la période la plus tumultueuse de son histoire, une chose est claire : elle doit sécuriser ses frontières.
Ce fait a été illustré lors d’un attentat sanglant de mars 2016 au cours duquel des douzaines de combattants alignés avec l’EIIL sont entrés dans le pays depuis la Libye, se sont emparés de la ville frontalière de Ben Gardane et ont ouvert le feu sur des bâtiments de la police et de l’armée. Après un échange de coups de feu qui a duré plusieurs heures, plus de 50 personnes étaient mortes, y compris 36 militants.
L’incident est encore plus troublant du fait que les attaquants ont été identifiés, et que la plupart d’entre eux étaient tunisiens. Certains de ces jeunes hommes avaient grandi dans la ville qu’ils ont attaquée.
Jusqu’à 7.000 jeunes Tunisiens ont quitté leur pays pour rejoindre les groupes extrémistes au cours de ces dernières années. Avec la disparition de l’état de droit en Libye, les trafiquants de stupéfiants, d’armes et de personnes ont sillonné la frontière de 459 kilomètres que les deux pays partagent.
« Les Forces armées et les citoyens doivent être vigilants, en particulier face à la crise qui persiste en Libye », déclare Farhat Horchani, ministre tunisien de la Défense, lors d’une visite de la zone frontalière. « La résolution de la crise en Libye permettra à la Tunisie de sécuriser ses frontières. »
La Tunisie s’est efforcée de se défendre. En 2016, les ingénieurs ont utilisé des excavatrices pour ériger des monticules de terre et creuser des tranchées remplies d’eau de mer pour former une barrière naturelle de 250 kilomètres le long de la frontière. Avec l’aide de l’Agence américaine de la Défense pour la réduction des menaces, la Tunisie a lancé un programme de surveillance de la frontière de 25 millions de dollars qui inclura des détecteurs de mouvement, des caméras thermiques et un poste central de surveillance. On anticipe que le système sera opérationnel en 2018.
« La surveillance de la frontière est la charpente qui soutient notre système de sécurité », déclare Hédi Majdoub, ministre tunisien de l’Intérieur.
Comme la Tunisie, d’autres pays dont les frontières sont poreuses se tournent vers la technologie. Bien qu’il n’existe pas de solution simple, une nouvelle technologie peu onéreuse permet d’obtenir plus facilement un avantage vis-à-vis des intrus et d’améliorer la sensibilisation situationnelle à la frontière. Voici quelques outils qui fournissent une assistance :
RADAR
La technologie radar remonte aux années 1930. Elle fonctionne en produisant une radiation électromagnétique qui se propage sous forme d’ondes. En suivant comment ces ondes sont réfléchies par les objets, l’utilisateur obtient une image de l’environnement. Le radar de surveillance au sol, utilisé pendant la nuit, peut localiser avec précision une personne à une distance de 10 kilomètres.
Le radar est un outil utile pour construire une image complète de l’environnement frontalier. Il recueille des informations sur 360 degrés, il peut pénétrer dans la plupart des conditions météo et il a une courte période de latence, ce qui veut dire qu’il recueille les informations rapidement et qu’il peut surveiller des milliers d’objets à la fois. En outre, le radar est polyvalent. Il peut être monté sur une tour ou sur un véhicule mobile.
Certains pays, notamment l’Afrique du Sud, font des expériences pour monter un radar sur un ballon aérostatique afin d’obtenir une plus large couverture. Un dirigeable à une hauteur de 1.500 mètres peut avoir une couverture jusqu’à 150 kilomètres pendant un mois en continu, selon le CSIR (Conseil pour la recherche scientifique et industrielle) sud-africain.
« Des systèmes de surveillance persistants à couverture étendue utilisant la technologie radar pour surveiller une situation jour et nuit, et dans toutes les conditions météo, peuvent considérablement améliorer la surveillance de nos frontières et aider les Forces nationales de défense d’Afrique du Sud et les autres agences de maintien de l’ordre à déployer efficacement et effectivement leurs forces », écrit François Anderson du CSIR.
Dans le Parc national Kruger d’Afrique du Sud, les gardes forestiers utilisent un système de surveillance de zone étendue appelé le Meerkat pour détecter les gens et les animaux, en particulier pendant la nuit. Le Kenya utilise aussi des systèmes radar stratégiquement déployés pour surveiller sa frontière problématique avec la Somalie.
Le radar peut être déployé selon d’autres moyens non traditionnels. Le radar à pénétration de sol peut révéler les armes enterrées ou les engins explosifs improvisés, et le radar de localisation d’artillerie peut chercher l’emplacement des munitions de mortier, des roquettes ou des missiles. Les systèmes radar plus récents peuvent pénétrer la canopée épaisse des forêts, ce qui posait auparavant des problèmes.
SATELLITES
Bien que beaucoup de gens pensent que la technologie des satellites est seulement à la disposition des nations riches, ce n’est plus le cas. Le prix d’achat de l’imagerie de surveillance produite par les satellites commerciaux et le coût de lancement d’un satellite ont fortement baissés.
Walter Dorn, expert de la technologie et du maintien de la paix, déclare que l’imagerie satellite haute résolution, d’une précision de 0,2 mètre, est désormais à portée d’un grand nombre d’organismes et de pays.
« Les prix ont baissé, tout comme les périodes de latence et les délais de livraison, ce qui veut dire que la reconnaissance presque en temps réel est désormais possible », écrit le Dr. Dorn dans son article « Maintien de la paix intelligent : vers les opérations de l’ONU rendues possibles par la technologie ».
Les petits satellites standards appelés « CubeSat », assemblés à partir de kits, coûtent 10.000 dollars ou moins.
L’Afrique du Sud est l’un des pays qui profitent de cette technologie. Elle utilise la surveillance par satellite pour traquer les migrants, le braconnage et la contrebande, notamment près de sa frontière avec le Zimbabwe. Bien qu’un satellite puisse survoler une zone seulement une ou deux fois par jour, il peut aider les professionnels de la sécurité à identifier par exemple les sentiers, les ouvertures des clôtures, les implantations provisoires ou d’autres signes d’activité humaine.
En outre, les programmes peuvent utiliser les systèmes d’information géographique pour superposer les images provenant d’autres sources, y compris les caméras fixes ou les photos participatives. « Une telle fusion des données peut aider à donner l’alerte précoce des attaques ou des mouvements des rebelles aux frontières avec les pays voisins », écrit le Dr Dorn.
CAMÉRAS ET CAPTEURS
Au cours des dernières années, les caméras numériques de surveillance sont devenues plus légères et plus économiques, tout en fournissant une meilleure résolution. Les systèmes de télésurveillance vidéo montés sur les tours ou les plateformes mobiles peuvent transmettre les vidéos à une salle de contrôle pour que les agents puissent suivre ou identifier des acteurs suspects dans une zone frontalière.
Un grand nombre de caméras sont aussi jumelées avec des capteurs pour suivre les mouvements ou l’activité acoustique, ou pour surveiller les explosifs à l’aide de capteurs sismiques. La meilleure disponibilité des capteurs qui peuvent surveiller le spectre lumineux invisible à l’œil nu est peut-être ce qu’il y a de plus fascinant. Le rayonnement infrarouge, y compris la chaleur et la radiation thermique, permet de voir pendant la nuit. Comme les autres technologies qui étaient jadis réservées aux forces armées, les caméras thermiques deviennent courantes.
« Il est essentiel de franchir le mur de la nuit », écrit le Dr. Dorn « Parce que beaucoup d’activités répréhensibles dans les zones touchées par la guerre se produisent sous couvert de l’obscurité, y compris les attaques (ou les préparations pour attaquer à l’aube), la contrebande des armes illégales et la traite des personnes. Étant donné que beaucoup d’atrocités sont commises la nuit, le maintien de la paix ne peut pas être une tâche réservée aux heures diurnes. »
INTÉGRATION
Lorsqu’on utilise différents outils pour surveiller les frontières, il est important d’intégrer les données pour obtenir une image opérationnelle complète. « Ce sont des systèmes de systèmes », déclare le Dr Thomas Jacob, ancien vice-président d’Airbus chargé de la sécurité des frontières et des systèmes intégrés. « Ce ne sont pas seulement les capteurs. Vous devez intégrer un grand nombre de systèmes. »
Lorsque cette intégration est efficace, un centre C4 (commandement, contrôle, communications et informatique) situé près de la frontière peut surveiller toutes les activités et envoyer une unité de réponse rapide pour examiner tout agissement suspect.
Ceci « devient le centre névralgique d’une mission dans laquelle diverses sources sont intégrées pour donner une perspective unique et complète », selon un article du CSIR sur la technologie de la surveillance. « Les renseignements provenant de divers systèmes tels que le radar, les satellites et les transmissions vidéo des systèmes de télémétrie aériens sans humain à bord, les appareils de communication et autres peuvent être affichés sur les écrans pour fournir une vue d’ensemble intégrée d’un scénario de défense. »
En produisant une image complète de la frontière et en identifiant les points faibles ou les zones de préoccupation, les professionnels de la sécurité peuvent mieux utiliser leurs ressources limitées. En ciblant ces points faibles, ils peuvent combler les lacunes de leur couverture.
« Cela se traduit par l’amélioration de la surveillance, sans besoin d’envoyer une série de patrouilles, et les renseignements utilisés comme dispositifs de dissuasion ou de tactiques de combat les plus appropriées sont mis à la disposition des commandants », selon l’article du CSIR. « La combinaison de diverses technologies de surveillance et de détection dans des systèmes de communication et de commandement intégrés [améliore] la capacité de surveillance des territoires d’un pays. »