Lorsque la police kényane a arrêté six hommes dans le vaste camp de réfugiés de Dadaab près de la frontière somalienne en avril 2015, son but était de démanteler un commerce illicite de sucre de contrebande installé depuis des dizaines d’années et qui à présent finance les extrémistes somaliens qui font la guerre au Kenya.
Les arrestations, qui interviennent des semaines après que quatre individus armés du groupe al-Shebab ont massacré 148 personnes à l’université de Garissa à proximité, faisaient partie de la nouvelle stratégie de Nairobi qui est d’assécher les flux financiers parvenant aux extrémistes dont les incursions transfrontalières ont frappé le Kenya et son industrie du tourisme.
Même si les sommes d’argent tirées de la contrebande de sucre ne s’élèvent qu’à quelques millions de dollars, les experts affirment que de telles sommes sont suffisantes pour des attaques qui ne nécessitent que quelques fusils d’assaut, moyens de transport et exécutants prêts à mourir.
« C’est comme si le gouvernement se réveillait », a déclaré un haut responsable kényan de la sécurité de la région de Garissa, ajoutant que les autorités avaient auparavant souvent « fermé les yeux sur toutes ces choses parce que beaucoup de gens en bénéficiaient — mais au détriment de la sécurité ».
Toutefois, de l’avis de diplomates et de membres des forces de sécurité, si des conséquences doivent s’imposer dans la durée, il faut aller plus loin. Ceci inclut la nécessité d’éradiquer la corruption existant au sein de la police et de s’attaquer aux chefs du cartel de la contrebande, en plus des intermédiaires détenus jusqu’à présent.
« À moins de parvenir à endiguer les sources de revenus d’al-Shebab, on ne verra pas la fin de l’instabilité dans la Somalie du Sud et dans la région », a observé Rashid Abdi, un expert de la Somalie basé à Nairobi.
Selon des sources d’organismes de sécurité, le gouvernement du Président Uhuru Kenyatta a pris des mesures pour mettre fin au trafic de sucre pratiqué à partir du port somalien de Kismayo jusqu’à la frontière du Kenya, et une unité spéciale a été créée à cet effet au sein du Service national de renseignement afin de démanteler les cartels de la contrebande.