PERSONNEL D’ADF
L’arrivée des chalutiers industriels étrangers dans les eaux territoriales du Cameroun a conduit à une augmentation de la pêche illégale et souligné les problèmes de sécurité maritime et nationale du pays, selon une nouvelle étude.
On estime que 70 vaisseaux de pêche industriels sont actifs au Cameroun, mais la plupart sont chinois ou nigérians, selon les recherches de Maurice Beseng de l’université de Sheffield (Royaume-Uni). Le Dr Beseng étudie les crimes liés à la pêche dans la région du golfe de Guinée.
Comme dans d’autres zones de la région, on sait que les vaisseaux pêchent dans des lieux réservés à la pêche artisanale, utilisent des produits chimiques interdits, omettent de déclarer les données de leur prise, fournissent des documents frauduleux pour pêcher et offrent des pots-de-vin aux responsables locaux.
L’étude du Dr Beseng a été publiée quelques mois après l’émission par la Commission européenne (de l’UE) d’un « carton jaune » au Cameroun, après avoir déterminé que le niveau de développement du pays et son engagement contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (IUU) étaient insuffisants.
Un carton jaune est un avertissement officiel qui pourrait conduire à l’interdiction complète des exportations de fruits de mer du pays vers l’UE.
De telles pratiques conduisent à la surexploitation endémique et à la destruction des écosystèmes tous en entravant les efforts du Cameroun pour stimuler son « économie des océans ». Le nombre en augmentation des chalutiers industriels au Cameroun menace aussi les moyens de subsistance de plus de 200.000 personnes qui travaillent dans le secteur de la pêche.
Plus de 80 % des pêcheurs artisanaux dans les eaux du Cameroun sont originaires du Bénin, du Ghana, du Nigeria et du Togo, selon le Dr Beseng. Des confrontations concernant les limites des zones de pêche se sont produites entre le Cameroun et les autorités des pays voisins du Nigeria et de la Guinée équatoriale.
« Les efforts pour combattre les crimes de pêche et de pêcherie doivent reconnaître la relation entre ce secteur et la sécurité maritime, écrit le Dr Beseng dans The Conversation Africa. Et il doit exister des efforts pour assurer la coopération avec les acteurs locaux aussi bien que les acteurs non étatiques. Ils incluent les groupes communautaires basés sur la pêche et les organismes de la société civile. »
En 2017, le gouvernement du Cameroun a estimé le coût total de la pêche illégale à 33 millions de dollars par an.
En émettant son carton jaune, l’UE a noté la politique insuffisante d’enregistrement pour permettre aux chalutiers de pêcher en battant le pavillon du Cameroun, et le manque de supervision adéquate de ces vaisseaux.
L’Environmental Justice Foundation a déclaré à SeafoodSource que le Cameroun est connu pour offrir un « pavillon de complaisance » aux chalutiers étrangers. Cette pratique permet aux propriétaires des chalutiers d’éviter certains frais et autre réglementation.
La pêche IUU étant endémique dans la région, les pays d’Afrique de l’Ouest ont aussi confronté les menaces qui lui sont liées, notamment la piraterie et le trafic des armes, des stupéfiants et des personnes.
Au premier trimestre 2021, le golfe de Guinée a enregistré 43 % de tous les incidents de piraterie de la région africaine, selon le Bureau international maritime. En 2020, le golfe de Guinée a enregistré plus de 95 % de tous les enlèvements mondiaux en mer, selon le Bureau.
Au Cameroun, la recherche du Dr Beseng a révélé que les vaisseaux artisanaux et les vaisseaux de pêche ont été interceptés et utilisés pour la contrebande des combustibles et des armes et pour la traite humaine. Beaucoup de ces armes passées en contrebande au Cameroun proviennent du Nigeria.
« La nature transnationale des pratiques criminelles de pêche exige la coopération inter-agences, à la fois à l’intérieur du Cameroun et entre les divers pays, écrit le Dr Beseng. La compréhension des réseaux sociaux et des partenariats économiques des diverses agences aidera à concentrer les ressources pour affronter les acteurs et leurs transactions illégales. »