Lorsque l’archevêque anglican d’Ouganda Janani Luwum a affronté le président Idi Amin et ses atrocités en 1977, il savait que M. Amin n’allait pas le tolérer. L’archevêque se tourna vers l’un de ses amis et déclara : « Ils vont me tuer. Je n’ai pas peur. »
Cette prédiction ne tarda pas à se concrétiser.
PERSONNEL d’ADF
Janani Luwum est né en 1922. Après avoir suivi une formation d’enseignant des écoles, il se convertit au christianisme en 1948. Il est ordonné prêtre en 1956 et passe une année d’étude à Canterbury, en Angleterre. En 1969 il est consacré évêque du Nord de l’Ouganda.
Entre temps, son pays traverse une période d’instabilité. L’Ouganda gagne son indépendance en 1962 et Milton Obote devient premier ministre. Une lutte pour le pouvoir a lieu quatre ans plus tard et M. Obote suspend la Constitution. L’année suivante, sous la nouvelle constitution de M. Obote, l’Ouganda devient une république dont il est le président. En 1971, M. Amin, qui est à l’époque chef d’état-major des forces armées du pays, renverse Obote and met immédiatement en place une politique de répression par les arrestations, les expulsions et les assassinats.
Janani Luwum devient archevêque d’une région ecclésiastique qui regroupe l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda en 1974. M. Amin tente d’établir une relation amicale avec l’archevêque, qui a son tour tente d’influencer le dictateur à montrer plus de clémence envers ceux qu’il perçoit comme ses ennemis. Il décrit M. Amin et ses proches comme étant
« complètement égoïstes ».
Dès ses premiers jours comme prêtre, Janani Luwum avait montré une énergie et une créativité exceptionnelles. En tant que chef de file de la foi anglicane dans son pays, il démontre son courage et sa détermination. Il fréquente régulièrement le Bureau de recherche de l’état, qui a depuis été décrit comme « la boucherie personnelle d’Idi Amin », pour plaider la libération des prisonniers politiques.
Les leaders anglicans, catholiques et musulmans commencent à travailler ensemble pour protester contre la violence de M. Amin. En 1977, après une rébellion mineure de l’armée, M. Amin décide de mettre fin à toute opposition. Son armée assassine des milliers de personnes, effaçant toute la population du village d’origine de M. Obote au passage. Il ordonne que la maison de Janani Luwum soit prise d’assaut, soi-disant à la recherche d’armes cachées. Lorsque l’archevêque contacte M. Amin pour protester, ce dernier le fait arrêter en même temps que deux membres de son cabinet.
Pendant une pantomime de
« procès », M. Amin demande à la foule :
« Qu’allons-nous faire de ces traîtres ? » Les soldats l’exhortent à les mettre à mort : l’archevêque et ses deux membres de cabinet sont amenés vers une Land Rover. Personne ne les revoit jamais vivants. Plus tard, des témoins déclarent que les trois hommes ont été amenés dans une caserne de l’armée, où ils ont été passés à tabac et finalement fusillés. M. Amin déclare que Janani Luwum est décédé dans un accident de voiture, mais les proches de ce dernier retrouvent les trous laissés par les balles sur sa dépouille.
La nouvelle se répand et 4.500 personnes en deuil se rassemblent à Kampala pour rendre hommages à l’archevêque, manifestation dangereuse sous M. Amin. Dix mille personnes se rassemblent également en l’honneur de Janani Luwum à Nairobi, au Kenya.
Deux ans plus tard, M. Amin est renversé et doit fuir l’Ouganda. Il meurt en exil en 2003.
Le 16 février 2017, le gouvernement de l’Ouganda et l’église anglicane ont marqué ensemble le 40ème anniversaire du meurtre de l’archevêque. Cet anniversaire est devenu une fête nationale en Ouganda. Le village d’origine de Janani Luwum, Mucwini, accueille la cérémonie d’anniversaire et symbolise aujourd’hui le martyre religieux dans toute l’Afrique.
Janani Luwum a laissé derrière lui son épouse et neuf enfants. Aujourd’hui, il est commémoré non seulement en Afrique mais partout dans le monde. Sa statue est dévoilée en 1998 ; elle fait maintenant partie de l’hommage aux martyrs du 20ème siècle situé devant l’abbaye de Westminster à Londres.