PERSONNEL D’ADF
Alors que les forces gouvernementales et les extrémistes intensifient leur emploi des drones à prix réduit sur les champs de bataille pour se surveiller et s’attaquer mutuellement, les civils sont souvent pris entre deux feux avec des conséquences mortelles.
La technologie des drones comprend les kits d’amateur disponibles sur stock et vendus par correspondance et les machines de qualité militaire développées par la Chine, l’Iran, la Turquie et d’autres pays. Au moins 21 forces armées africaines emploient aujourd’hui des drones, tout comme des groupes extrémistes tels que Boko Haram.
Pour les gouvernements et les civils, les drones à prix réduit fournissent un soutien aérien facile à acquérir et offrent une alternative aux aéronefs pilotés par des humains, lesquels coûtent cher et exigent un personnel hautement formé.
La prolifération des drones a conduit à une hausse du nombre de décès parmi les civils dans les régions où les drones sont actifs.
« Ils provoquent une angoisse forte parce que tout le monde sait qu’ils s’accompagnent du carnage », déclare Henok, commerçant de la ville éthiopienne de Wegel Tena, au Globe and Mail.
Le gouvernement éthiopien a utilisé une grande quantité de drones pendant sa guerre de deux ans contre les rebelles de la région du Tigré, et il les emploie à nouveau contre les milices de l’Amhara et l’Oromia.
À cause de sa taille réduite, il peut être difficile de déceler un drone et presque impossible de se protéger contre son attaque. Ils peuvent être programmés pour fonctionner en tant que groupe, ou essaim, et ils peuvent être armés d’un simple obus de mortier ou d’un missile à guidage laser.
Malgré la popularité des drones importés, les pays africains développent de plus en plus leur propre technologie des véhicules aériens sans humain à bord (UAV). Le Nigeria et l’Afrique du Sud sont les chefs de file du continent dans la course à la fabrication des drones.
Une étude conduite par Military Africa estime que le continent a maintenant 35 types de drones produits localement, qui sont opérationnels ou près d’être déployés. L’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya et le Soudan ont aussi rejoint la course aux armements UAV en Afrique.
Un grand nombre de ces pays ont aussi investi considérablement dans la technologie importée des UAV, en ajoutant des milliers de nouveaux drones à leurs arsenaux collectifs.
Bien que les gouvernements utilisent leurs nouvelles armes aériennes contre les extrémistes, ils ont aussi tué par accident des centaines de civils au cours des derniers mois :
- Entre août et novembre 2023, l’armée de la junte du Burkina Faso a employé des drones fabriqués en Turquie dans des frappes aériennes qui ont tué au moins 60 civils dans trois lieux séparés.
- En décembre 2023, l’armée nigériane a tué accidentellement 85 personnes, y compris un grand nombre de femmes et d’enfants, dans le village de Tudun Biri, État de Kaduna, en essayant d’éliminer un groupe rebelle.
- En mars dernier, l’armée de la junte du Mali a tué au moins 12 civils dans 2 frappes de drone nocturnes contre la commune d’Amasrakad. L’armée affirme avoir tué des terroristes dans leur véhicule mais les résidents disent que les frappes ont aussi tué sept membres d’une même famille alors qu’ils dormaient à proximité, ainsi que d’autres personnes qui fuyaient vers un abri voisin pour se protéger.
- En mars également, les forces turques ont employé leurs propres drones contre les chebabs en Somalie, en tuant 20 civils à Mogadiscio.
Les défenseurs des droits de l’homme disent que l’emploi sans discrimination des drones armés est une violation du droit international, lequel exige que les combattants distinguent entre les cibles civiles et militaires et évitent d’attaquer les civils.
Les utilisateurs des drones doivent faire preuve de retenue et d’attention pour identifier leurs cibles, selon Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Il est scandaleux que des familles entières puissent être tuées par des frappes de drone, sans prise de responsabilité ni justice », a-t-elle déclaré après la frappe de drone au Mali.
Les survivants des attaques de drone contre les civils déclarent que très souvent le seul avertissement qu’ont les civils d’une attaque imminente est le bourdonnement des propulseurs d’un drone qui se rapproche. À ce moment, il est souvent trop tard pour s’échapper ou se cacher.
« Il est facile de s’enfuir de la guerre parce que vous savez que les combats se rapprochent, déclare Henok. Mais vous ne pouvez jamais savoir si les drones vont vous bombarder. »