AGENCE FRANCE-PRESSE
Chaque matin, des centaines d’hommes se rendent au fond du lit asséché d’un lac éthiopien où ils fendent le sol avec des haches pour en extraire le sel. Ils travaillent sous le regard des chameaux qui transporteront les briques de sel au marché, sur une route qui, selon les historiens, existe depuis le sixième siècle.
Mais le gouvernement ouvre cette région septentrionale isolée pour le bénéfice des investisseurs et des touristes en construisant de nouvelles routes à travers les montagnes environnantes. Les ouvriers, commerçants et conducteurs de caravane déclarent qu’ils pourraient bientôt perdre leur mode de vie traditionnel.
« Si les choses continuent comme cela, notre travail s’arrêtera », déclare le mineur Musa Idris sur le lac Karoum, où les températures peuvent atteindre 50 degrés C.
Des restaurants et des hôtels ont été construits dans la région, appelée aussi dépression de Danakil, pour répondre aux besoins des touristes qui visitent ce paysage singulièrement désolé, formé par l’intersection de trois plaques tectoniques.
La présence du sel dans la région n’a pas échappé à l’attention des entreprises minières.
Près de là, une société éthiopienne a construit une usine qui achemine l’eau du lac vers des étangs d’évaporation pour produire le sel qui, selon les mineurs, est plus cher mais d’une meilleure qualité que les blocs de sel qu’ils exploitent au fond du lac. L’un de ses responsables prédit qu’un jour l’usine deviendra le fournisseur principal de sel dans la région.
Aucun développement n’a peut-être autant affecté l’industrie traditionnelle du sel que les nouvelles routes. Il fallait quatre jours pour conduire les chameaux dans des ravins rocheux entre le lac Karoum et Mekele, la ville la plus proche. Aujourd’hui, la route des caravanes prend fin à Berhale, avant-poste principal du commerce du sel de la région, que les constructeurs ont relié à Mekele par une route goudronnée il y a environ cinq ans. Le voyage prend seulement trois jours.
Environ 5.000 blocs de sel sont amenés chaque jour à un centre de commerce sur un lit de fleuve asséché en bordure de Berhale. De là, ils sont chargés sur camion et transportés vers des destinations éloignées comme le pays voisin du Kenya.
Les mineurs du lac Karoum comme M. Idris se lassent aussi du travail éreintant et des bas salaires de l’industrie, malgré sa longue histoire dans la région. « Si la technologie arrive et change cela, ce serait mieux. »
D’autres préfèrent les traditions. « Nous les considérons comme nos terres arables, donc nous n’avons rien d’autre que cela », déclare le mineur Indris Ibrahim. « J’espère que mes enfants et petits-enfants seront mineurs dans cette région. »