Les pays du continent constatent les avantages liés à des sous-officiers éduqués et bien formés
PERSONNEL D’ADF
PHOTOS PAR LE SERGENT D’ÉTAT-MAJOR GRADY JONES/ÉTAT-MAJOR UNIFIÉ DES ÉTATS-UNIS POUR L’AFRIQUE
Les forces armées sont en général constituées d’un corps d’officiers au sommet de la hiérarchie et d’un grand nombre de soldats, marins et aviateurs en bas. Mais entre les deux se trouve un personnel qui est crucial pour des opérations efficaces et professionnelles : les sous-officiers.
Les tâches des sous-officiers peuvent varier d’une armée à l’autre, mais en général ils sont chargés de la formation et du soutien d’une force prête pour les missions et de l’exécution des stratégies qui sont conçues par le corps des officiers. Dans la plupart des armées, une nouvelle recrue dépend d’un sous-officier pour la formation de base, les exercices et l’instruction des cérémonies, et pour l’ordre et la discipline.
Les opportunités de formation avancée n’ont pas toujours été mises à la disposition des sous-officiers et leur rôle n’a pas beaucoup évolué au cours des années. Pendant la guerre froide, certaines armées du monde en développement étaient formées par l’Union soviétique ou les pays du bloc communiste, qui avaient des gouvernements et des forces armées très centralisés. Une partie de cette rigidité a persisté à travers les années. Lorsque la prise de décision est centralisée, cela alourdit la bureaucratie et peut dégrader la confiance.
« Dès que les gens pensent qu’ils ne sont pas habilités à prendre des décisions, lorsque le niveau supérieur suivant doit prendre les décisions, ou le niveau supérieur suivant doit approuver, dès que ce genre de situation se produit, la confiance est détruite dans l’organisation », déclare Abel Esterhuyse, professeur associé de l’Université Stellenbosch en Afrique du Sud. « Plus vous responsabilisez les gens, plus vous obtenez leur confiance. »
Le brigadier-général (à la retraite) Saleh Bala du Nigeria a formé des soldats à tous les niveaux et a travaillé au sein de l’équipe dirigeante du Collège de commandement et d’état-major des Forces armées du Nigeria et du Collège de la défense nationale. Il déclare que les perspectives coloniales britanniques et françaises ont influencé une approche qui encourageait l’« élitisme » dans les corps d’officiers africains.
« Le sous-officier était essentiellement laissé au niveau sous-tactique, déclare le général Bala à ADF. Donc le besoin d’avoir un sous-officier qui passe au niveau plus élevé du raisonnement critique pour pouvoir faire une estimation rapide de la situation sur le champ de bataille afin de prendre des décisions était laissé au subalterne, qui était un officier. »
Aujourd’hui, le Nigeria et d’autres pays reconnaissent qu’il est nécessaire de changer cela.
« Nous avons un changement total de paradigme et de période, où la technologie a avancé, où le paradigme de la guerre elle-même a changé, et pour lequel l’Internet est très important, déclare le général Bala. Les machines que nous devons utiliser aujourd’hui nécessitent un intellect de plus haut niveau. Dans la plupart des armées du monde, le nombre de sous-officiers a augmenté de 75 ou 80 pour cent. » Le général Bala souligne l’importance de la formation des sous-officiers dans le raisonnement critique, dans la TI, dans la science et la technologie, et dans les plus hauts niveaux de leadership.
SUCCÈS DE LA MODÉLISATION SUR LE CONTINENT
Les forces armées montrent un intérêt pour développer leur corps des sous-officiers avec davantage d’éducation, de formation et de développement. Ce souhait était évident en novembre 2017 lors de la session inaugurale de cinq jours de la Conférence des leaders africains non gradés de haut rang (ASELC) à Grainau en Allemagne, parrainée par l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique.
Trente-cinq sous-officiers africains représentant 19 pays ont participé à la conférence. Les pays représentés sont le Botswana, le Burkina Faso, les Comores, le Ghana, le Kenya, le Liberia, Madagascar, le Malawi, le Mali, l’île Maurice, le Mozambique, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Togo et l’Ouganda.
« La majorité recherchent tous la même chose », déclare le sergent-chef du commandement de l’Armée de l’air Ramon Colon-Lopez, leader non gradé de haut rang du commandement pour l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique. « Ils veulent l’autonomie, ils veulent la responsabilisation et ils veulent vraiment avoir accès à leur chef de la défense et aux informations pour qu’ils puissent mieux conseiller leurs officiers de haut grade. »
Même aujourd’hui, certains pays sont en tête dans le développement de leur corps de sous-officier. Le sergent Colon-Lopez déclare que le Botswana, le Ghana, le Malawi et le Sénégal ont des sous-officiers qui sont devenus conseillers principaux non gradés de leur chef de la défense.
Le Botswana en particulier fait des avancées avec ses sous-officiers. Les Forces de défense du Botswana (BDF) ont exprimé un intérêt pour intégrer les sous-officiers dans les rangs des équipes d’état-major, intégrer les femmes dans les forces armées et stopper les assauts sexuels, et ajuster l’âge de la retraite pour le personnel non gradé. Les BDF ont été capables d’obtenir des changements de la législation nationale qui haussent l’âge de la retraite et font avancer le projet de création d’un inspecteur général pour les assauts sexuels et autres crimes. En outre, chaque direction du siège de l’état-major des BDF a désormais un sous-officier exclusif.
Le sergent Colon-Lopez déclare que le Botswana est un bon exemple de modèle africain qui peut être utilisé pour inspirer d’autres pays du continent à renforcer leur corps de sous-officiers. L’approche permet aux armées africaines de chercher des solutions personnalisées sans qu’un modèle occidental ne leur soit imposé.
« Tous [les participants] à notre conférence voulaient trouver un moyen de devenir des soldats, des marins ou des aviateurs meilleurs et plus professionnels afin de former la génération suivante de… soldats, pour que ceux-ci puissent un jour prendre leur place », a-t-il déclaré.
LE MALAWI AGIT
L’une des conclusions de l’ALSEC d’Allemagne en 2017 est le fait que les pays participants souhaitent mieux collaborer sur l’éducation et la formation des sous-officiers. Lors de la prochaine conférence fixée pour octobre 2018, les participants parleront de l’établissement de « pôles d’excellence » dans toute l’Afrique où les participants des pays voisins pourront recevoir une base commune de formation pour assurer l’uniformité et l’intégration.
Des ateliers permettront aux participants de considérer les aptitudes de base dont ils ont besoin et d’identifier certaines installations qui existent déjà sur le continent et qui peuvent servir de centres de formation à un coût abordable, déclare le sergent Colon-Lopez.
L’académie des sous-officiers des Forces de défense du Malawi à Salima est un exemple de centre de formation de sous-officiers du continent. Le Malawi, première nation du continent à posséder un tel centre, a créé cette académie avec l’aide du personnel de l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique et la première promotion a reçu ses diplômes en avril 2014.
Les classes initiales enseignées à l’académie incluent l’égalité des chances, l’éthique, le harcèlement sexuel, les compétences informatiques de base, la logistique et la gestion des risques. Les formateurs américains ont choisi sept diplômés de la première promotion pour qu’ils deviennent formateurs de la promotion suivante, et finalement les diplômés du Malawi ont assuré la totalité de la formation.
M. Esterhuyse déclare que l’éducation du corps des officiers et la formation du corps des sous-officiers ne peuvent qu’améliorer le professionnalisme d’ensemble d’une armée. « Dès qu’il existe un corps de sous-officiers bien formés, beaucoup d’autres problèmes sont résolus dans l’armée, déclare-t-il. Puisque le corps des sous-officiers est bien formé, il y a des gens qui comprennent le besoin de cohésion, le besoin de réunir de petits groupes précisément pour la seule raison de créer une force armée cohésive. Il existe des sous-officiers qui comprennent l’importance de la formation rigoureuse, de la discipline, de l’équilibre entre la doctrine, la formation et la technologie, toutes les choses qui en fait font une différence sur le plan tactique ; elles peuvent être toutes adressées grâce à un corps de sous-officiers bien formés.
Pour renforcer une armée, pour renforcer son professionnalisme audacieux, on commence par le corps des sous-officiers. Cela ne fait aucun doute. »