PERSONNEL D’ADF
Le major-général Simon Motswana Barwabatsile est chef d’état-major de l’Armée de terre et commandant de la force conjointe pour les Forces de défense du Botswana (BDF). Il avait rejoint les BDF en mars 1989 et a gravi les échelons avec le grade de commandant d’unités blindées. En 2015, il a été promu brigadier en tant que commandant de groupe-brigade blindé. Il a été nommé major-général en septembre 2023 et a assumé ses commandements actuels dans les BDF à cette époque. Il a participé à l’opération humanitaire de 1993 en Somalie dirigée par les États-Unis, appelée Restore Hope, et il a participé à la mission de la Communauté de développement d’Afrique australe au Mozambique entre février et novembre 2022 en tant que commandant adjoint de la force, commandant par intérim de la force et chef de mission par intérim. Le général Barwabatsile a parlé à ADF à la conférence au sommet des Forces terrestres africaines organisée du 22 au 26 avril 2024 à Livingstone (Zambie). Cette interview a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.
ADF : Quelle est votre première priorité en tant que chef d’état-major de l’Armée de terre ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je crois que ce qui est important, tout d’abord, est d’investir dans les ressources humaines. Le capital humain est notre capacité clé. En termes d’éducation militaire professionnelle et de formation, nous devons investir dans celles-ci, développer toutes les aptitudes nécessaires qui concernent la capacité des forces terrestres : spécialistes, infanterie, blindés, artillerie, défense antiaérienne, puis les spécialisations telles que les ingénieurs, les capacités de reconnaissance. Nous devons les développer au niveau de pointe pour qu’ils puissent travailler conjointement.
Ensuite, développer les capacités des unités prêtes au combat, puis les équiper correctement en commençant par le soldat individuel, en particulier la protection de force individuelle parce que, comme vous le savez, l’environnement opérationnel contemporain est infesté de ressources létales, tout particulièrement celles qui concernent le terrorisme. Nous devons avoir la protection de force à la fois au niveau individuel et au niveau de l’unité.
ADF : Quelles mesures avez-vous prises jusqu’à présent pour poursuivre ces priorités ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je pense pouvoir dire que, grâce à mes prédécesseurs, ils ont déjà commencé à œuvrer dans certains de ces domaines, et c’est maintenant à moi de continuer leur travail. Alors même que nous parlons, nous avons actuellement des efforts entrepris pour la formation des spécialistes, aussi devons-nous perfectionner cela, puis passer au développement des équipes, des équipes prêtes au combat, des unités prêtes au combat, pouvant combattre efficacement ensemble.
ADF : Il y a plusieurs années, en tant que général de brigade, vous avez supervisé des opérations anti-braconnage au Botswana. Quelle est la situation actuelle du braconnage et des crimes liés à la faune sauvage au Botswana, et que font les BDF pour les combattre ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Dans tout le pays, nous avons des centres où sont situées des équipes de coordination inter-agences travaillant conjointement, partageant les informations dans les plus brefs délais possibles. Et nous n’avons pas seulement accompli cela dans le pays ; nous avons aussi développé la collaboration, la coopération et les relations avec les états voisins, au point où nous sommes capables de mettre en commun les informations facilement, dans les délais les plus brefs. En ce qui concerne le problème du braconnage, le temps est essentiel. Si vous entendez une intention d’aller dans les zones ciblées en temps voulu, vous pouvez intervenir. Et nous obtenons cela, en particulier auprès des pays voisins qui font face au même défi.
ADF : Vous avez été commandant adjoint de la mission de la Communauté de développement d’Afrique australe au Mozambique, appelée SAMIM. Qu’avez-vous appris dans ce rôle qui puisse vous aider aujourd’hui en tant que chef d’état-major de l’Armée de terre des BDF ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Puisque ce sont maintenant des questions d’opérations, je pense que c’est une bonne chose que je devienne commandant de la force conjointe alors même que j’assume le commandement de l’état-major de l’Armée de terre. Et j’ai été le chef d’état-major du commandant de la force conjointe en tant que général de brigade. J’ai participé à la préparation initiale et la projection des forces dans SAMIM. C’est la préparation qui était cruciale. Nous pouvons tous être d’accord sur le fait qu’il existe un besoin de mécaniser pour assurer que la protection de force soit garantie dans le théâtre. Avec toutes les forces que nous avons déployées, nous nous sommes assurés qu’elles avancent avec des véhicules protégés, et les véhicules protégés sont cruciaux dans cet effort.
Je pense que maintenant, ayant passé du temps dans le théâtre, j’ai bien noté le fait que la collaboration multinationale, la coopération, même avant d’aller dans le théâtre, est tout à fait critique. Nous devons trouver des moyens et des méthodes de formation constante, dans les exercices, par l’éducation. Nos soldats, nos forces terrestres, devraient travailler avec d’autres forces terrestres pour se préparer à la défense et la sécurité de notre région. Je pense que l’autre point que nous avons aussi constaté, c’est nos institutions d’éducation militaire professionnelle telles que les collèges d’état-major. Nous devons les développer en termes d’étudiants en échange, nous devons les développer en termes d’exercices, d’exercices conjoints, parce que lorsque nous parlons d’un collège d’état-major, l’officier qui en est issu est le planificateur clé. Lorsque vous parlez des majors, ce sont des planificateurs clés au niveau des unités de brigade et ils vont très certainement aller dans le théâtre. Ils ont besoin d’être préparés pour cet engagement multinational.
À l’avenir, la lacune de la technologie devient aussi apparente. Nous devons rendre le théâtre transparent en termes de ce que nous voyons, ce que nous détectons. Et nous devons investir dans la capacité de renseignement, surveillance et reconnaissance (le RSR). La menace que nous affrontons est élusive mais lorsqu’ils perdent le contact avec les communautés, nous devrions pouvoir les déceler et être capables de les prendre pour cible lorsqu’ils sortent. Et cela peut être fait uniquement avec un bon RSR et une bonne maîtrise de la technologie.
Bâtir sur la capacité de travailler dans les communautés en termes de coopération civilo-militaire, bâtir là-dessus. Nous devons travailler dur pour nous assurer d’être prêts à conduire des opérations civilo-militaires lorsque nous sommes déployés dans les opérations. Ils pourront ainsi nous considérer comme des partenaires et même nous donner des informations volontairement, sans devoir les solliciter, sur ce qui se passe au sein de la communauté en termes de menaces sur la sécurité.
ADF : Le Botswana est depuis de longues années une nation en paix, intérieurement et avec ses voisins. Quelles sont les pratiques ou les philosophies qui ont permis au Botswana de rester en paix pendant si longtemps dans une région souvent volatile ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je pense que c’est une question politique. Mais en tant que force armée, nous devons être aussi professionnels que possible dans la fourniture de la sécurité, ce qui est notre responsabilité souveraine et notre obligation en tant qu’institution militaire. La discipline et le professionnalisme doivent être les principes directeurs de nos forces. Je pense que la qualité de la sécurité dépend de celui qui la fournit.
ADF : En tant que commandant de l’Armée de terre des BDF, comment évaluez-vous le niveau de coopération de vos partenaires régionaux ? À quel degré cette coopération est-elle essentielle à la sécurité régionale ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je pense que le fait qu’ils aient convenu d’entreprendre la mission [de SAMIM] et le fait que le pays hôte ait convenu d’accepter la mission, démontrent par là-même qu’il y a coopération. Malheureusement, nous ne pouvons pas contribuer au même degré, parce que nous affrontons des défis différents. Une chose à noter, c’est que nous avons effectué la mission dans l’ombre de Covid-19, qui a endommagé durement nos économies, et pour moi toute contribution est suffisante. Il y a des pays qui ont contribué avec des forces. Il y en a qui ont contribué avec des ressources. Il y en a qui ont contribué seulement avec des officiers d’état-major, et non pas des forces en attente ou des forces formées, et il y en a qui ont contribué avec une assistance en matière de renseignement, et ceux qui ont contribué moralement. Je pense qu’ils ont tous contribué. Si vous considérez le nombre d’acteurs, c’est plus de 50 % des membres. Pour moi, c’est un succès pour une première mission de ce type.
ADF : Nous vivons dans un monde qui évolue sans cesse du point de vue technologique. Comment les BDF tirent-elles profit de la technologie militaire dans leur formation et pendant leur déploiement ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je pense que nous œuvrons dans ce sens. Notre effort vise à avoir une force opérationnelle modeste mais agile et efficace, et ceci peut seulement être accompli en maîtrisant la technologie. Il n’y pas d’autres façons de le faire et nous devons continuer à aller dans cette direction. Dans l’opération actuelle dont nous parlions, bien que nous ayons des troupes de combat, nous avions aussi la capacité RSR qui était un catalyseur et un multiplicateur de force parce qu’elle nous donnait les renseignements et la reconnaissance nécessaires, la détection nécessaire dont nous avions besoin. Ce sont quelques-uns des domaines que nous avons essayés de maîtriser avec la technologie, et je crois que nous continuerons à le faire, en particulier dans le domaine des drones/UAV.
ADF : Dans quelle mesure l’Armée de terre des BDF utilise-t-elle des drones, et cette utilisation a-t-elle enregistré des succès ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Nous employons les drones dans le cadre des responsabilités RSR. Là où nous les avons utilisés, cela a été avantageux. Mais nous devons bâtir davantage sur cette capacité. Elle est très limitée. Je pense que le théâtre du Cabo Delgado au Mozambique a démontré son besoin et pour nous précédemment, même avec nos antécédents anti-braconnage, ceci a montré la nécessité et le besoin de les avoir. Nous ne pouvons pas avoir des soldats partout, mais si vous avez la technologie, vous pouvez combler ces lacunes.
ADF : Qu’envisagez-vous pour l’avenir de l’Armée de terre des BDF ? Que voyez-vous au cours des quelques prochaines années pour votre force ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Les brigades sont fondamentales, elles sont à la base de l’armée de terre. Et ce sont celles qui ont été engagées que nous devons cristalliser et équiper. Nous ne pouvons pas les équiper complètement mais nous devrions les équiper au niveau de leurs capacités, et nous pouvons créer des capacités qui peuvent nécessiter des entreprises nationales ou multinationales. Nous devrions être capables de nous préparer pour cela.
ADF : Souhaitez-vous ajouter quelque chose d’autre ?
GÉNÉRAL BARWABATSILE : Je pense que ce que je peux ajouter, c’est simplement le besoin d’assurer que nous ayons du professionnalisme dans toutes ces sphères, toutes ces sphères au sein de l’armée de terre, et d’assurer la protection de la force. La protection de la force est cruciale parce que, étant donné l’expérience de la SAMIM, sans protection de la force en termes d’équipement que nous donnons à nos soldats, nous aurions pu perdre plus que ce que nous avons perdu. Puisqu’il y avait une protection de la force, nous avons réussi à sauver des vies.