Personnel d’ADF
Pour la majeure partie de la période suivant l’indépendance, les armées de l’air africaines n’étaient pas une priorité. La puissance aérienne, onéreuse et difficile à maintenir, était considérée comme un luxe qui n’était pas utile pour les réalités et les menaces uniques du continent. Avec des budgets limités et des structures de commandement dominées par les forces terrestres, les armées de l’air possèdent moins de 10 % du personnel en uniforme dans beaucoup de pays.
Cela change. À mesure que les pays font face à la menace des organisations extrémistes violentes, les aéronefs légers d’attaque s’avèrent fournir un multiplicateur de force qui donne un avantage aux forces armées. Dans les combats contre les groupes d’insurgés qui prospèrent dans les zones éloignées, les capacités de renseignement, surveillance et reconnaissance sont essentielles pour lancer des frappes ciblées. Pour les pays souhaitant transporter le personnel, l’équipement ou les fournitures d’assistance dans les régions en crise, le transport aérien lourd est la meilleure solution.
En 2022 et 2023, l’Afrique est l’une des deux régions du monde qui constatent une augmentation d’un point de pourcentage dans la taille de sa flotte continentale, avec un ajout de 41 aéronefs militaires. Les armées de l’air de grande taille et bien établies accroissent leur flotte de transport. L’Algérie a ajouté deux aéronefs de transport LM-100J, la Tunisie a passé commande pour huit appareils d’entraînement turbopropulseurs Beechcraft T-6C et l’Angola a commandé trois Airbus Defence and Space C295 pour la surveillance maritime et le transport. Entre-temps, l’Armée de l’air marocaine s’attend à réceptionner 25 aéronefs de chasse F-16 Block 72 entre 2025 et 2027.
La raison de ces investissements est le succès sur le terrain. Le major-général Abdul Khalifa Ibrahim, à l’époque commandant des forces de la Force multi-nationale mixte dans la région du lac Tchad, a résumé ainsi la situation lorsqu’il a déclaré que la puissance aérienne était « centrale » pour la capacité de ses soldats à vaincre les groupes extrémistes violents.
« Dans les guerres modernes, l’un des thèmes les plus importants est l’utilisation de la puissance aérienne, parce qu’elle fournit une portée supplémentaire, elle permet d’assurer une livraison dans des lieux que les forces terrestres ne peuvent pas atteindre facilement, a-t-il dit à ADF. La puissance aérienne est un multiplicateur de force d’une ampleur gigantesque. »
L’ISR offre des yeux dans le ciel
Alors que les armées de l’air combattent des insurrections actives dans certains des environnements les plus difficiles et isolés de la planète, la capacité de les traquer depuis les airs et de planifier une riposte rapide est cruciale. Le même principe s’applique aux efforts de lutte contre le trafic des stupéfiants, la piraterie, la pêche illégale et le braconnage de la faune sauvage.
Les plateformes de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR) ne sont pas seulement des aéronefs : ce sont des systèmes par lesquels des informations sont recueillies, traitées et transmises aux décideurs. Par conséquent, la capacité de recueillir des informations depuis les airs est seulement aussi précieuse que la capacité « de les traiter, les exploiter et les diffuser ».
La plupart des aéronefs ISR sont équipés d’une caméra de haute définition et d’un magnétoscope intégrés à un système de cartographie. Les aéronefs avec une capacité infrarouge peuvent traquer les véhicules ou les personnes pendant la nuit. Le Beechcraft 350ER King Air, le Cessna 208 Caravan et le Diamond DA42 en sont des modèles courants. La société sud-africaine Paramount Group a produit le Mwari à deux places, avec capacité ISR hybride et de soutien aérien rapproché. Il se qualifie d’aéronef robuste conçu pour les environnements austères et nécessitant un soutien logistique minime.
Il existe une vaste gamme d’options. Certains pays achètent des avions remis à neuf qui avaient été mis hors service par d’autres armées de l’air. D’autres sous-traitent la fonction de surveillance à des sociétés. D’autres encore découvrent que les véhicules aériens sans humain à bord offrent une solution économique.
« Pour les pays avec des ressources et des finances limitées pour ce rôle, un système onéreux complètement polyvalent n’est pas nécessaire, selon Times Aerospace. Aujourd’hui, il y a plusieurs options ISR non traditionnelles (NTISR) aéroportées en existence qui sont relativement économiques et peuvent accomplir la tâche. »
Léger et efficace
Les armées de l’air africaines s’éloignent des avions de chasse onéreux qui fournissent une puissance de tir écrasante mais sont surtout utiles dans les conflits entre états. Les pays investissent plutôt dans les petits aéronefs à voilure fixe ou tournante équipés d’une capacité d’attaque sous forme de canons ou de missiles air-sol
Ces aéronefs sont plus économiques, plus faciles à maintenir et mieux adaptés à la menace des organisations extrémistes violentes. L’un d’entre eux est l’Aero L-39, appareil d’entraînement ou doté d’une capacité d’attaque au sol, utilisé dans dix pays africains, selon Times Aerospace. D’autres pays ont choisi des aéronefs turbopropulseurs, notamment le très populaire A-29 Super Tucano.
Les aéronefs légers d’attaque ne sont plus considérés comme des substituts de deuxième classe pour les chasseurs onéreux. De nombreux pays les considèrent maintenant comme de meilleurs outils pour la guerre asymétrique.
« Bien que de nombreuses armées de l’air africaines aient priorisé l’achat des avions de chasse rapides, certaines ont découvert des appareils beaucoup plus utiles, que ce soit à cause des pratiques d’achat intelligentes, des accidents historiques ou des nécessités budgétaires », selon Times Aerospace.
Les pays qui développent des capacités ISR avec une flotte d’aéronefs d’attaque légers obtiennent les meilleurs résultats.
« Les armées de l’air africaines nécessitent des aéronefs d’attaque légers dont la maintenance et l’opération sont faciles, avec des coûts horaires de vol acceptables », écrit Stephen Burgess dans « La puissance aérienne en Afrique : un concept » publié dans Revista da UNIFA. « Si une capacité d’attaque est combinée à une capacité ISR sur une même plateforme, l’utilité est encore meilleure. Cette combinaison de fonctions ISR et de frappe sur le même fuselage accélère considérablement la chaîne de frappe, en permettant à un aéronef de cibler [une organisation extrémiste violente] presque immédiatement après l’avoir découverte. »
Le transport stratégique est une responsabilité partagée
L’Afrique représente le cinquième des terres émergées du monde et un grand nombre de ses pays font face aux défis liés à un vaste territoire peu peuplé avec une infrastructure routière sous-développée. En cas d’urgence, il est essentiel de transporter le personnel ou les fournitures rapidement aux lieux qui les nécessitent le plus. Le transport aérien stratégique est nécessaire pour ces efforts de maintien de la paix et ces réponses humanitaires.
Mais le continent est sujet à la carence du transport aérien stratégique. Seulement une poignée de pays possèdent les ressources nécessaires pour transporter rapidement les contingents de soldats et le matériel lourd sur de grandes distances, selon une analyse publiée par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
Les plus grosses plateformes, avec une charge utile maximale d’environ 75.000 kg, peuvent transporter suffisamment de matériel dans un théâtre d’opération pour soutenir une brigade complète. Les plateformes de transport aérien de taille intermédiaire avec une charge utile maximale entre 18.000 et 36.000 kg conviennent mieux au transport du matériel pour soutenir un ou deux bataillons à brève échéance. L’achat de ces avions, leur maintenance et la formation de leurs pilotes coûtent cher.
Puisque les capacités ne sont pas réparties uniformément sur le continent, les experts pensent que le besoin existe de coordonner ces efforts. Cela signifierait de partager les ressources ou de mettre en commun le financement pour accroître le pouvoir d’achat. Pour ce faire, il faut commencer par la transparence et les capacités de documentation dans chaque pays pour déterminer où se situent les points forts et les carences.
Une approche conjointe
Les régions du monde entier ont démontré que des succès sont obtenus avec la collaboration et la mise en commun des ressources aériennes dans les zones d’intérêt mutuel. L’Afrique, comme de nombreuses autres régions du monde, affronte des défis qui entravent la coopération, notamment un manque d’interopérabilité de l’équipement, des différences dans la formation et la structure de la force, des barrières linguistiques et un manque de confiance.
Dans « La puissance aérienne en Afrique : un concept » publié dans Revista da UNIFA, Stephen Burgess écrit qu’un bon point de départ pour la collaboration serait la création de centres de formation régionaux. Sous l’égide des communautés économiques régionales, les pays pourraient créer des programmes de formation des pilotes et offrir une participation à chaque pays de la région. Il pourrait exister des centres de formation similaires pour la maintenance et autres aptitudes. Cela permet de bâtir des liens partagés et une communauté d’experts parmi les aviateurs de la région.
À mesure que les partenariats entre les armées de l’air se développent, il pourrait exister des opportunités pour l’acquisition conjointe de nouveaux aéronefs, la standardisation du matériel, les formations conjointes et la mise en commun des données de renseignement, surveillance et reconnaissance liées à des menaces communes.
Il existe un certain mouvement dans cette direction. L’Union africaine va créer un Centre de commandement de mobilité aérienne pour l’Afrique, unité de transport aérien multinationale qui partagera les ressources continentales pour transporter le personnel et le matériel. La mise en commun du transport aérien stratégique exigera des doctrines et des procédures communes, ce qui pourrait servir de tremplin pour une coopération additionnelle.
« Nous devons mettre en œuvre des mécanismes pour optimiser l’emploi des ressources très limitées qui sont à notre disposition », déclare le brigadier Collen Mastercee Maruping des Force de défense du Botswana, commandant adjoint par intérim de la branche aérienne.