PERSONNEL D’ADF
Maintenant que la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (FRCAE) est complètement déployée et les rebelles du M23 se replient peu à peu du territoire qu’ils occupaient, un certain espoir est justifié dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Mais les experts sonnent l’alarme concernant une plus grande menace sécuritaire pesant sur la région, étant donné son passé tragique. La RDC, qui porte toujours les cicatrices des première et deuxième guerres du Congo de 1996 à 2003, était le foyer de ce que certains ont appelé la « guerre mondiale africaine ». Jusqu’à 6 millions de personnes ont trouvé la mort, dans les combats ou à cause des maladies et de la malnutrition.
La notion de « balkanisation » de l’Est de la RDC est apparue à la fin des années 90, au moment où le Rwanda et l’Ouganda ont envahi le pays appelé auparavant le Zaïre.
Ce terme est utilisé pour dénoncer la fragmentation d’une vaste région en régions ou états plus petits qui sont ouvertement hostiles les uns aux autres à cause des tribulations ethniques, religieuses, culturelles ou historiques.
Judith Verweijen, experte dans la militarisation de la RDC, écrit pour le magazine The Africa Report : « Les récits de balkanisation continuent à être employés parce qu’ils ont un fort attrait émotionnel et qu’ils sont donc garantis d’agiter les cœurs. Ils évoquent les sentiments profonds de l’appartenance ethnique. »
« Ils évoquent aussi les chocs de violence liés aux guerres congolaises et aux épisodes ultérieurs de conflit armé, où l’interférence militaire dans les pays voisins a joué un rôle crucial. »
En décembre, des dizaines de milliers de manifestants ont protesté à Kinshasa contre la division de l’Est de la RDC. Ils ont brandi des panneaux déclarant : « Non à la balkanisation. La RDC n’est pas à vendre. »
La FRCAE constituée de milliers de soldats du Burundi, du Kenya, de l’Ouganda et du Soudan du Sud souhaite calmer la violence dans l’Est de la RDC.
Mais la présence des forces étrangères alarme certains.
Dans une note du 16 février adressée au président congolais Félix Tshisekedi, les évêques catholiques du pays ont déclaré qu’ils sentent que « la population congolaise est prise au piège entre les guerres d’influence et la lutte pour le contrôle des ressources naturelles. »
« Ces événements dramatiques ne contribuent-ils pas à la mise en œuvre d’un plan de balkanisation pour notre pays ? »
Lorsqu’il s’est rendu à Kinshasa, capitale de la RDC, en mars dernier, le président français Emmanuel Macron a essayé de tempérer les possibilités de guerre.
« La RDC ne doit pas être le butin de la guerre, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Le pillage flagrant du pays doit s’arrêter. Pas de pillage, pas de balkanisation, pas de guerre. »
Dans un rapport de décembre sur l’Est de la RDC, les experts indépendants des Nations unies ont documenté la connexion directe du Rwanda avec le groupe de rebelles M23, qui est constitué essentiellement de Tutsis congolais qui ont recommencé à se battre en novembre 2022 après avoir été inactifs pendant dix ans.
Le Rwanda a nié maintes fois cette allégation.
La FRCAE a publié régulièrement des rapports sur son rôle dans la surveillance et la vérification du retrait des rebelles du M23. Elle a vérifié le retrait du M23 et le déploiement des contingents du Kenya et du Soudan du Sud dans la commune de Tongo sur le territoire de Rutshuru le 13 avril.
Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement de la RDC, a récemment reconnu les « appréhensions » concernant la force régionale, mais il a souligné que la FRCAE était déployée sur invitation du gouvernement congolais.
« Cela ne doit pas être considéré comme une balkanisation », a-t-il déclaré dans un briefing médiatique le 3 avril.