PERSONNEL D’ADF
Les menaces de sécurité se sont intensifiées graduellement depuis que l’armée du Niger a saisi le contrôle du gouvernement en juillet 2023. Alors que plusieurs groupes terroristes augmentent leurs attaques dans l’Ouest, les rebelles et les bandits de l’Est menacent aujourd’hui l’économie fragile du pays.
Les attaques contre un oléoduc crucial ont suscité le retrait d’une société pétrolière appartenant au gouvernement chinois, qui a quitté sa base d’opérations dans un champ de pétrole du désert oriental, dans la région de Diffa à plus de 1.700 km de la capitale de Niamey.
La China National Petroleum Corp. (CNPC) a déclaré que « la situation sécuritaire du site s’est détériorée » lorsque « des groupes terroristes » ont exécuté « un certain nombre d’attaques prenant pour cible des projets pétroliers » au mois de juin.
Selon l’Agence France-Presse, la CNPC a déclaré : « Tous les projets de construction sur le site d’Agadem sont suspendus et les employés du site ont été mis en congé jusqu’à ce que la situation sécuritaire s’améliore . »
La première attaque contre les forces de sécurité protégeant l’oléoduc a eu lieu le 12 juin à environ 10 km du village de Salkam dans la région de Dosso au Sud-Ouest du pays. Six soldats nigériens assurant la sécurité ont été tués par ce que l’armée a appelé des « bandits armés » dans le Sud. Un groupe rebelle anti-junte appelé Front patriotique de libération (FPL) a revendiqué l’attaque et déclaré qu’il avait aussi ciblé l’oléoduc dans la nuit du 16 juin « pour servir de premier avertissement à la junte de Niamey ».
Le FPL, qui demande la réintégration du président du Niger Mohamed Bazoum ainsi que l’annulation d’un prêt de 400 millions de dollars de la CNPC à la junte, menace aussi de détruire les routes entre le champ de pétrole et une raffinerie chinoise à Zinder.
Les dirigeants militaires du Niger ont confirmé le sabotage plusieurs jours après. Ils l’ont dénoncé comme un « acte terroriste perpétré par des individus malveillants ».
Le 18 juillet, le GSIM, groupe lié à Al-Qaïda, a enlevé trois employés chinois de la CNPC qui cherchaient de l’or près de la frontière avec le Burkina Faso, selon le magazine Africa Report.
Le gisement de pétrole d’Agadem a commencé à produire en 2011. Le pétrole brut est exporté par le plus long oléoduc d’Afrique, qui couvre une distance de 2.000 km et relie le Niger sans littoral aux ports atlantiques du Bénin voisin. Bien que cet oléoduc de 2,3 milliards de dollars soit critique pour les économies des deux pays, les relations entre le Bénin et le Niger se sont envenimées depuis le coup d’État. Conformément aux sanctions imposées par le bloc Cédéao d’Afrique de l’Ouest après le renversement du gouvernement démocratiquement élu du Niger par la junte, le Bénin a fermé ses frontières avec le Niger.
Depuis lors, le Bénin a rouvert son côté mais les dirigeants militaires nigériens ont refusé de rouvrir leur frontière « pour des raisons de sécurité » et ont coupé l’écoulement du pétrole dans l’oléoduc. On dit qu’ils cherchent à transporter l’huile du Niger par le Tchad et le Cameroun plutôt que par le Bénin.
Ryan Cummings, directeur de la société de sécurité Signal Risk qui se concentre sur l’Afrique, a déclaré à l’Associated Press : « C’est une situation complètement embrouillée et la seule manière de la résoudre est pour les deux administrations de s’engager directement et résoudre les problèmes. »
La fermeture de l’oléoduc coûte à la CNPC 9 millions de dollars par jour en moyenne, alors que le Niger perd 1,8 million de dollars par jour sous forme de revenus pétroliers, selon l’Africa Report. Les pertes économiques du Niger se produisent à un moment où les juntes militaires de la région ont déjà des difficultés liées aux implications financières de l’insécurité qu’elles ne maîtrisent pas.
L’économiste nigérien Henri Berenger N’Cho déclare sur France 24 : « Nous constatons une inflation généralisée et des retards pour exporter les matières premières, à cause de la fermeture des frontières. Nous faisons aussi face à une crise de liquidité et une détérioration du portefeuille du secteur bancaire, non seulement au Niger mais dans tous les états du Sahel. »
Les 400 millions de dollars versés par la CNPC au gouvernement militaire du Niger alors qu’il affrontait les sanction de la Cédéao était un acompte sur les ventes futures de pétrole d’Agadem et s’accompagnent d’un coût élevé : ils doivent être remboursés dans un délai de douze mois à un intérêt de 7 %. Les autorités nigériennes ont utilisé une partie du prêt pour payer les salaires des fonctionnaires et assurer la sécurité du pays, selon l’Africa Report.
Depuis le coup d’État, les dirigeants militaires du Niger ont des difficultés pour rembourser la dette et financer l’infrastructure, selon Ryan Cummings. Ce dernier ajoute que « la question de savoir s’ils ont les compétences fiscales requises pour continuer à payer les services publics demeure incertaine ».
« [Les chefs de la junte] doivent certainement faire plus attention pour gérer la situation financière du pays. »