PERSONNEL D’ADF
La Gambie intensifie ses efforts pour combattre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) qui tourmente l’Afrique de l’Ouest depuis des dizaines d’années.
En août, les autorités gambiennes et les représentants de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ont discuté des efforts pour mettre en œuvre l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du Port, établir un groupe technique de travail pour faire face à la pêche INN, et développer une stratégie nationale pour affronter le fléau.
L’accord a pour but d’interdire la pêche INN en adoptant et mettant en œuvre des mesures efficaces qui encouragent la conservation à long terme et l’utilisation durable de la faune marine. En février, le ministère des Pêcheries de Gambie a accueilli un cours de neuf jours pour améliorer les aptitudes des inspecteurs de pêche et du personnel marin dans les procédures d’inspection portuaire.
Depuis 2019, la Gambie est aussi associée à Sea Shepherd Global, organisation internationale sans but lucratif, pour combattre la pêche INN.
Pendant 24 heures au début mars, la Marine gambienne s’est déployée à partir d’un navire de Sea Shepherd et a détenu huit chalutiers industriels accusés de pêcher dans des eaux protégées, pêcher sans permis, utiliser des mailles de filet de trop petite taille et ne pas signaler correctement les prises. L’opération d’infiltration était basée sur plusieurs semaines de collecte de renseignements par le ministère de la Défense du pays.
Peter Hammarstedt, directeur des campagnes de Sea Shepherd, déclare sur le site web de l’organisation : « Sea Shepherd loue les actes du gouvernement gambien pour agir fermement contre les chalutiers industriels qui contournent les lois, pêchent dans les zones protégées et menacent les moyens de subsistance des communautés locales. »
Il dit que ces arrestations semblent avoir persuadé les chalutiers industriels de ne pas pénétrer dans les zones interdites.
Les pêcheurs artisanaux du pays se plaignent depuis longtemps des chalutiers industriels, principalement chinois, qui pêchent illégalement dans les zones interdites et coupent leurs filets de pêche en haute mer.
La Chine, qui régit la flotte de pêche en eaux distantes la plus vaste du monde, est depuis longtemps le pire contrevenant mondial de la pêche illégale, selon l’indice de risque de pêche INN (ex-indice de pêche INN). La présence de Pékin en Afrique de l’Ouest a transformé la région en épicentre mondial de la pêche illégale.
Environ 20 % des poissons illégalement pêchés dans le monde proviennent des eaux voisines de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Mauritanie, du Sénégal et de la Sierra Leone, selon un rapport de 2023 par l’organisme de presse Investigative Journalism Reportika.
Ibrahima Diatta, pêcheur gambien qui travaille à Sanyang depuis plus de vingt ans, déclare à Amnesty International : « Chaque mois, ils coupent nos filets. Ce sont les gros navires qui le font, nuit et jour. Ils pêchaient à 20 km [du rivage] au cours des années précédentes ; maintenant ils viennent à 5, 8 ou 10 km. »
« C’est difficile pour nous parce que nous pêchons jusqu’à 10 km, dit-il. Ils sont ici jour et nuit. Ils pêchent l’ethmalose, l’élops, le barracuda, la seiche, le calmar… ils pêchent de tout. Ils amènent le poisson à Dakar ou en Chine. »
La pêche INN en Gambie, et en particulier la pratique du chalut de fond, suscite d’importantes préoccupations écologiques. Le chalut de fond consiste à faire traîner un gros filet sur le fond marin en ramassant toute la faune marine. La pratique tue les poissons juvéniles, ce qui conduit au déclin des stocks de poissons et détruit aussi les écosystèmes cruciaux pour la survie de la faune marine.
La surexploitation a causé la baisse des stocks de poissons, en particulier l’ethmalose et la sardinelle, à des niveaux insoutenables, selon Amnesty International. De ce fait, les Gambiens du littoral manquent de nourriture alors que les moyens de subsistance d’un nombre de personnes estimé à 200.000 sont menacés. Morro Camara, pêcheur gambien de Sanyang, déclare que la diminution des stocks de poissons force les pêcheurs artisanaux à sortir plus loin en mer. Ceci coûte cher et c’est plus dangereux ; les pêcheurs retournent souvent avec une prise insuffisante.
Il dit à Amnesty International : « La dernière fois, je suis allé à 10 [km] pour pêcher, alors même que les gros chalutiers industriels viennent à 5 km. Nous devons leur signaler que nous sommes là pour éviter les accidents. Parfois, nous restons ici et nous les voyons. »