LE POINT DE VUE D’UN CAP-VERDIEN SUR AFRICA ENDEAVOR
CAPITAINE DOMINGOS TAVARES, FORCES ARMÉES DU CAP-VERT
La numérisation a transformé la vie en Afrique. L’Internet et les technologies mobiles sont désormais avec nous où que nous allions.
Nous comptons sur cette technologie pour tout, depuis les services bancaires mobiles jusqu’au contrôle des satellites utilisés pour surveiller les cultures et suivre les événements climatiques.
Dans la plupart des cas, cette intégration numérique a été positive. Mais les défis qu’elle pose sur le continent deviennent clairs également. Les criminels profitent des lacunes dans les lois sur la cybersécurité, et le crime traditionnel prend une dimension internationale avec l’utilisation du Web.
Les pays africains ont perdu au moins 2 milliards de dollars à cause des attaques cybernétiques en 2016, selon un rapport de la société technologique Serianu. Le continent était aussi un point de départ pour le cybercrime, notamment les fraudes par hameçonnage, les attaques par maliciel et d’autres crimes avec une portée mondiale.
Africa Endeavor est un symposium annuel pour leaders de haut rang, coparrainé par l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique et par un pays africain partenaire, et les participants sont des représentants de haut rang de plusieurs pays africains. Des représentants de 40 pays ont participé à Africa Endeavor 2017 (AE17), qui a eu lieu au Malawi. Il a souligné certaines carences importantes de cybersécurité que les professionnels de la sécurité du continent doivent affronter.
Mon pays du Cap-Vert a déjà commencé à faire face à la cybersécurité et je pense que nous pouvons aider les autres en formant un partenariat dans la lutte contre la cybercriminalité. L’étape la plus importante consiste à convaincre les responsables politiques de l’urgence de la cybersécurité et du besoin de créer des lois qui, si elles sont compatibles avec celles des partenaires internationaux, peuvent affronter efficacement le cybercrime.
Pendant AE17, nous avons appris que la cybersécurité commence souvent avec l’utilisateur, dont l’ignorance ou la négligence peut exposer toute sorte de données personnelles sur les plateformes numériques. Une présentation par des représentants des Pays-Bas a souligné l’importance de rester en alerte lorsqu’on utilise certains sites Web et l’importance d’avoir un mot de passe robuste et sécurisé.
La nature de la criminalité organisée transnationale, qui aujourd’hui a une composante de cybersécurité, a aussi été abordée à la conférence. Ces organisations criminelles adoptent les capacités du commandement et du contrôle cybernétiques pour conduire des opérations dans les domaines du la piraterie maritime, de la pêche illégale et du trafic des personnes, des animaux et des biens. La communication et la coopération encouragées par Africa Endeavor, dont le but est d’analyser et de relever les défis d’interopérabilité, peuvent jouer un rôle fondamental pour fermer ces réseaux.
Depuis le début des années 2000, le Cap-Vert a étendu l’accès à l’Internet à toutes ses neuf îles et il est désormais connecté à deux câbles transatlantiques à fibre optique. Le plan à long terme consiste à créer une « cyber-île » où le Cap-Vert peut être un leader dans les services, notamment la maintenance des logiciels et le développement et l’externalisation pour les sociétés multinationales.
Cet avenir prometteur nécessitera des protections cybernétiques fortes.
En 2016, le Cap-Vert a approuvé la Stratégie nationale pour la cybersécurité, qui clarifie que la cybersécurité est la clé du développement du pays. L’objectif principal de la stratégie consiste à protéger le pays contre les menaces cybernétiques et la cybercriminalité ; elle le fait en attribuant des responsabilités à différents acteurs nationaux et internationaux.
La supposition selon laquelle la cybersécurité est à la base du développement a été continuellement renforcée depuis l’adoption de cette stratégie en 2016. Le pays dépend fortement des technologies de communication et ses vulnérabilités proviennent de plus en plus de cette dépendance. Nous avons une structure de gouvernance électronique, une forte pénétration de l’Internet (environ 70 pour cent de la population) et une société qui enchevêtre de plus en plus les communications personnelles et d’affaires.
La Stratégie nationale du Cap-Vert a été développée pour répondre aux enjeux de la cybersécurité pour notre population civile et pour les institutions publiques et privées. Elle indique fermement que nous ne permettrons pas au Cap-Vert de devenir un sanctuaire pour les cybercriminels attirés vers les pays où les cybercrimes ne sont pas poursuivis par la loi.
Le pays vise à la coopération avec l’Union africaine et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, avec le soutien des partenaires tels que les États-Unis. Un objectif majeur consiste à créer un centre national de la cybersécurité qui accueillera une équipe de réponse informatique d’urgence responsable pour tous les secteurs, notamment la défense nationale.
Le cyberespace est un espace ouvert dans lequel le crime et le criminel ne sont pas nécessairement situés au même endroit, et les cibles peuvent être une infrastructure civile, militaire ou paramilitaire. Peu de cibles sont hors de portée. Il est donc essentiel que les forces armées soient capables d’affronter les menaces cybernétiques qui compromettent la sécurité. Il est aussi essentiel que ces informations soient partagées entre les pays parce que la coopération dans le secteur numérique est vitale. AE17 a fourni un forum pour aborder les préoccupations concernant la sécurité nationale et régionale en Afrique ; il reste une fondation solide sur laquelle on peut bâtir de meilleures capacités d’intégration et d’interopérabilité pour adresser les menaces basées sur l’Internet, les carences de la cybersécurité et la nature en évolution constante des activités criminelles d’aujourd’hui