PERSONNEL D’ADF
Après plus de dix ans de conflits violents au Sahel, le commerce du trafic des armes à feu, dans lequel l’offre est tout à fait devancée par la demande, est florissant.
Bamako, capitale du Mali où vivaient 4,2 millions d’habitants en 2022, est l’un des centres principaux du commerce des armes illégales.
Oluwole Ojewale, coordinateur régional d’Afrique centrale pour l’Institut d’études de sécurité basé en Afrique du Sud, a conduit récemment une étude pour examiner les causes du trafic d’armes à Bamako.
Dans un article du 18 février pour le magazine The Conversation Africa, il écrit : « Les armes sont trafiquées sur la route transsaharienne, qui passe par la Libye, l’Algérie, le Niger et Ménaka [dans l’Est du] Mali. Les armes finissent pas atteindre Bamako et d’autres lieux de conflit en Afrique de l’Ouest par des réseaux organisés. »
L’abondance des armes à feu a aidé à intensifier la violence en 2022, laquelle a atteint les plus hauts niveaux jamais enregistrés au Burkina Faso et au Mali par le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data). Le nombre de décès signalés et dus à la violence politique a augmenté de 150 % au Mali, comparé à 2021.
Les branches officielles d’al-Qaïda et de l’État islamique sont responsables en grande mesure pour la demande des armes dans la région. Ces armes finissent dans les mains des séparatistes touaregs, des milices d’autodéfense et des bandits.
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « un grand nombre de plateformes de trafic d’armes au Sahel se trouvent aux frontières ou sur les axes de transport, là où de multiples activités criminelles ont lieu. Les marchés illégaux, souvent cachés mais très visibles dans les communes et les villages des couloirs stratégiques, ne sont pas gênés par la présence des autorités. »
La Libye est depuis 2019 une source de fusils d’assaut de style AK nouvellement fabriqués. L’ONUDC déclare qu’ils sont facilement disponibles dans les marchés noirs du Nord du Mali.
« Les acheteurs dans les régions maliennes de Gao, Tombouctou et Ménaka peuvent acquérir des fusils d’assaut AK pour 750 dollars et des cartouches pour 70 cents l’unité, depuis les pistolets artisanaux locaux jusqu’aux mitrailleuses françaises et turques de contrebande », déclare l’organisme dans un rapport d’évaluation de la menace de 2022 intitulé « Le trafic des armes à feu au Sahel ».
Ojewale dit qu’une grande quantité d’armes illégales à Bamako sont fabriquées dans des ateliers illégaux de la ville.
« Près de 80 % des armes qui ont été saisies proviennent de ces ateliers artisanaux, selon un document officiel que j’ai vu à Bamako, écrit-il. La géographie accidentée de Bamako aide à dissimuler ces usines qui sont situées dans les caves, derrière les collines et dans les ravins. »
Ojewale décrit une ville dont la taille a plus que doublé entre 2000 et 2015, et qui est remplie de bâtiments abandonnés et de constructions inachevées où les criminels stockent et trafiquent les armes.
« Les bidonvilles tentaculaires émergent rapidement de la ville et deviennent des paysages de troubles prolongés, de conflit civil, d’extrémisme violent et d’insurrection urbaine. Ces quatre menaces provoquent le chômage de masse, le trafic des stupéfiants et la contrebande des armes dans la ville. »
La croissance rapide de Bamako attire ceux qui recherchent du travail, mais leur nombre devance la création des nouveaux emplois. Au Mali, 73 % des travailleurs participent à l’économie informelle et le chômage des jeunes atteint 32 %. Le taux national de pauvreté au Mali est passé de 42,5 % en 2019 à 44,8 %.
Ojewale déclare que ses recherches l’ont conduit à penser que la pauvreté et l’accès limité aux ressources constituent un terrain fertile pour le recrutement des groupes extrémistes. Il fait appel aux autorités maliennes, aux acteurs de la société civile et aux résidents de Bamako pour qu’ils emploient une approche intégrée.
« Les autorités bamakoises doivent encourager le contrôle policier proactif des bandes urbaines et des autres groupes criminels locaux qui encouragent la production et l’utilisation locales des armes, écrit-il dans The Conversation. Tous les armuriers devraient être officiellement enregistrés pour que l’on puisse suivre l’ampleur, le modèle et l’approvisionnement de la production d’armes. »
« La police doit aussi bâtir des relations avec les communautés locales. Ceci encouragera le partage des informations et la coopération. »