UNE ÉCONOMIE OUEST-AFRICAINE EN PLEIN ESSOR EST CONFRONTÉE À DES MENACES MARITIMES
LE GOLFE DE GUINÉE se trouve à un moment critique de son histoire. Les promesses de la croissance économique et le danger de la criminalité maritime poussent la région dans des directions opposées. Et tel un navire assailli par une tempête, ce n’est qu’avec des marins expérimentés à la barre que l’on pourra aider la région à naviguer dans les eaux troubles.
Tout d’abord, les bonnes nouvelles : Les économies de l’Afrique de l’Ouest sont en plein essor, et le golfe de Guinée fait partie intégrante de cette croissance. Il s’agit d’une voie maritime majeure pour le transport du pétrole à travers le monde. Le trafic de conteneurs est en hausse. Le climat tempéré et prévisible du golfe est idéal pour le commerce, la pêche et l’accostage. Il offre une voie de navigation relativement courte entre l’Afrique et l’Amérique du Sud. Et l’un des pays du golfe, le Nigeria, est la plus importante économie du continent.
Mais il y a également des problèmes. Le golfe a le triste honneur d’enregistrer davantage d’attaques de pirates signalées que toute autre région du monde, éclipsant les attaques perpétrées par les pirates somaliens dans le golfe d’Aden. Dans un rapport paru en 2013, les vols commis par des pirates dans le golfe coûtent à la région entre 565 millions et 2 milliards de dollars chaque année.
Les attaques signalées ne sont peut-être que le sommet de l’iceberg. Le Bureau maritime international et Oceans Beyond Piracy indiquent qu’environ deux tiers des attaques de pirates au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest ne sont pas signalées. D’autre part, les enlèvements et les versements de rançons sont parfois tenus secrets. Globalement, OBP estime que les gouvernements et le secteur de la navigation marchande dépensent jusqu’à 983 millions de dollars pour combattre la piraterie maritime dans la région chaque année.
TRAFIC PORTUAIRE
Les économies africaines sont en croissance, et le golfe de Guinée est en position favorable pour être le point d’entrée du continent. Le produit intérieur brut des pays du golfe a augmenté à un taux moyen annuel de 7 pour cent entre 2012 et 2015. L’activité portuaire connaît une croissance encore plus élevée. Le trafic de conteneurs dans les ports de l’Afrique de l’Ouest s’est accru de 14 pour cent par an depuis 1995. Il s’agit de la plus forte croissance de toute région de l’Afrique subsaharienne, selon un article publié par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
Le commerce maritime devrait assurément poursuivre son expansion dans les prochaines années. Bolloré, le géant français du transport, élargit son terminal à Lomé, au Togo, et le port ghanéen de Tema entreprend une expansion de 1,5 milliard de dollars. Les deux projets devraient être achevés d’ici à 2017. D’autres expansions sont planifiées en Côte d’Ivoire, en République du Congo, au Nigeria et au Sénégal. D’ici à 2020, au total, neuf projets planifiés donneront aux ports ouest-africains la capacité d’accueillir environ 11,5 millions de conteneurs de transport supplémentaires, indique la société de conseil Drewry Shipping Consultants.
PROJECTIONS EN VOLUME 2013 – 2018
PÉTROLE
En Afrique de l’Ouest, le secteur pétrolier est en plein essor. La région représente environ un tiers des nouvelles découvertes de pétrole à l’échelle mondiale, avec les dernières découvertes de gisements pétroliers au large des côtes du Ghana, du Liberia et de la Sierra Leone. En tout, les réserves de pétrole au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest sont estimées à 3,2 milliards de barils, selon le U.S. Geological Survey. Toutefois, dans cette région on navigue en eau trouble. Le détournement illégal de pétrole a atteint les proportions d’une épidémie au Nigeria et ailleurs. Cette pratique dangereuse, qui souvent consiste pour les criminels à percer un pipeline et à collecter le pétrole dans un seau, provoque la perte d’environ 100.000 barils de pétrole par jour au Nigeria, un coût de près de 6 millions de dollars, selon la Marine nigériane. Certaines estimations arrivent à un total plus élevé. Le détournement illégal de pétrole provoque également des fuites qui polluent l’environnement et des explosions qui peuvent faire beaucoup de victimes.
PÊCHE ILLÉGALE
POUR CHAQUE PRISE DE 14 POISSONS 4 SONT
VOLÉS COÛT TOTAL de LA PÊCHE ILLÉGALE
350 MILLIONS DE DOLLARS PAR AN
La pêche est vitale pour les économies de nombreux pays de l’Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, de 25 à 30 pour cent des exportations du pays proviennent des pêcheries. Au Ghana, environ 7 pour cent de la population active est directement employée par le secteur de la pêche, d’après un rapport de l’Union européenne (UE). Pour de nombreuses personnes, c’est un mode de vie qui est resté pratiquement identique depuis des siècles. Pirogues, filets et voiles confectionnés à la main sont toujours largement utilisés. Toutefois, ce mode de vie est menacé. De gros chalutiers étrangers sans permis adéquats ramassent de grandes quantités de poissons dans les eaux de l’Afrique de l’Ouest. Selon l’UE, la pêche illégale, non déclarée et non réglementée dans le golfe de Guinée coûte aux États côtiers 350 millions de dollars par an. On estime que le nombre total de prises dans cette région est de 40 pour cent supérieur à ce qui est légalement déclaré. Non seulement cette pratique épuise une ressource naturelle précieuse, mais elle coûte également des emplois et aggrave le ressentiment des pêcheurs des communautés côtières. Dans d’autres parties du monde, les pêcheurs au chômage se sont tournés vers la piraterie comme moyen de joindre les deux bouts.
FLOTTES DE LA MARINE/DES GARDE-CÔTES
En réponse aux menaces émergentes et en reconnaissance de l’importance du commerce dans le golfe, de nombreux pays côtiers renforcent leurs marines et leurs garde-côtes. Historiquement, la sécurité maritime était considérée, au regard de son financement et de la perception de son importance, comme secondaire par rapport à d’autres besoins en matière de sécurité en Afrique. Ce n’est plus le cas. La nouvelle situation a été mise en évidence en février 2015 lors de la mise en service par la Marine nigériane de quatre nouveaux navires de guerre, le plus grand nombre de navires jamais mis en service en même temps. L’Angola entreprend une expansion rapide de sa marine afin de protéger ses ressources pétrolières offshore.
Et pourtant, nombre des marines et gardes-côtes des pays du golfe de Guinée sont sous-équipés pour les patrouilles et les poursuites de grande ampleur, ce qui laisse les ports vulnérables. Bien que neuf des pays du golfe projettent d’acquérir davantage de patrouilleurs, et des plus gros, ces plans sont souvent à des échéances de plusieurs années.
ENLÈVEMENTS/DÉTOURNEMENTS
En 2012, le golfe de Guinée a dépassé la côte de la Somalie pour devenir la région du monde subissant le plus grand nombre d’attaques de pirates. En 2014, 1.035 marins ont subi des attaques et 170 ont été détenus ou ont été pris en otages. La plupart des attaques de pirates en 2014 se sont davantage produites en haute mer, dans les eaux internationales, ce qui indique que des réseaux plus élaborés de pirates sont à l’œuvre. Plus de la moitié des attaques impliquaient des armes. Parmi ceux qui sont soupçonnés de se livrer à la piraterie, on trouve des gangs nigérians, des « initiés » au sein de l’industrie pétrolière, des agents de sécurité corrompus et des réseaux criminels organisés constitués en Europe de l’Est et en Asie. Les actes de piraterie dans le golfe représentent 19 pour cent de tous les actes criminels maritimes enregistrés dans le monde.
Les entreprises de la marine marchande du monde entier en ont pris conscience. Les assureurs ont désigné les eaux territoriales du Nigeria, du Togo et du Bénin comme une « zone de risque de guerre », ce qui renchérit le coût des assurances.