MOBILISATION DES ARMÉES CONTRE UN NOUVEL ENNEMI
SOLDATS, POLICIERS ET CIVILS METTENT LEURS FORCES EN COMMUN POUR ARRÊTER LA PROPAGATION DE L’UNE DES ÉPIDÉMIES LES PLUS MORTELLES DE LA TERRE
Emile Ouamouno, âgé de deux ans, vivait dans sa maison, semblable à tant d’autres dans son pays natal, la Guinée. Son petit village de forêt tropicale de Meliandou était situé à proximité du Liberia et de la Sierra Leone. Comme la plupart des familles de la région, la sienne trouvait sa nourriture dans les plantes et les animaux de cet endroit.
Les chauves-souris frugivores figurent parmi les sources d’alimentation les abondantes et appréciées. Plusieurs variétés sont propres à la région. La famille du petit garçon en avait chassé deux types — l’hypsignathe monstrueux (chauve-souris à tête de marteau) et l’épomophore de Franquet — fin novembre ou début décembre 2013. Sa mère a pu faire griller ces mammifères volants ou les avoir cuisinés dans une soupe. Emile a pu jouer autour d’elle alors qu’elle préparait un repas.
Il est possible que, par curiosité enfantine, il ait touché l’une des chauves-souris, enfonçant son petit doigt potelé le long du dos touffu ou des ailes coriaces de l’animal. Il s’est peut-être ensuite touché la bouche, comme le font les enfants. Peut-être n’en a-t-il pas fallu davantage.
Le 2 décembre 2013, Emile est tombé malade, faisant de la fièvre, ayant des selles noires et pris de vomissements. Quatre jours plus tard, il était mort.
La mère du petit garçon est morte le 13 décembre 2013. Sa sœur, âgée de 4 ans, Philomène, est tombée malade le 25 décembre 2013. Elle aussi est morte quatre jours après. La grand-mère des enfants est morte le 1er janvier 2014, et une infirmière ainsi qu’une sage-femme du village sont mortes le 2 février 2014, quelques jours seulement après être tombées malades.
La sœur de la grand-mère ainsi qu’une autre personne du village de Dawa ont assisté aux funérailles de la grand-mère. Elles sont mortes toutes les deux. Une proche parente de la sage-femme, qui s’occupait de sa famille, est morte dans le village de Dandou Pombo. D’après CNN, dans les quatre mois suivant la mort d’Emile, 14 résidents de Meliandou sont morts.
Ce qui avait probablement commencé avec une petite chauve-souris frugivore et un petit garçon allait devenir un féroce tueur transfrontalier, parallèlement à sa progression vers les pays limitrophes, le Liberia et la Sierra Leone. Le virus, qui ressemble à un lacet de chaussure entortillé lorsqu’on le regarde avec un microscope à fort grossissement, resserrait son étau sur une région qui ne se doutait de rien. Ebola avait été déclenché.
EBOLA, QU’EST-CE QUE C’EST?
La maladie à virus Ebola (appelée aussi fièvre hémorragique à virus Ebola) est une infection virale hautement létale provenant de quatre souches virales connues pour faire des ravages chez les humains. En tant que menace pour l’homme, il apparaît que ce virus est relativement récent. Le premier cas recensé est apparu dans l’ancien Zaïre, désormais République démocratique du Congo, en 1976. Cette maladie tire son nom de sa proximité avec le fleuve Ebola.
Depuis lors, Ebola a émergé dans plusieurs pays africains au fil des ans, ne tuant jamais plus de 280 personnes au cours d’une seule épidémie. Jusqu’à maintenant.
La période d’incubation de la maladie peut aller jusqu’à 21 jours après qu’une personne y est exposée. Les symptômes incluent généralement la fièvre, des vomissements, de la diarrhée, de graves maux de tête, des douleurs musculaires et abdominales, et l’hémorragie. Certaines personnes finissent par en guérir, mais Ebola est si meurtrier qu’il a tué pratiquement neuf personnes infectées sur dix.
Il se propage par un contact rapproché faisant intervenir des fluides corporels. On estime que les coutumes funéraires, dans lesquelles les personnes endeuillées nettoient et touchent les corps, ont contribué à la propagation d’Ebola en Afrique de l’Ouest.
L’épidémie qui a commencé en Guinée et s’est propagée au Liberia et en Sierra Leone est la plus importante de l’histoire connue. Bien qu’il soit possible qu’Ebola ait fait des victimes avant 1976, il n’existe aucun épisode antérieur recensé de l’épidémie.
On sait que le virus est présent chez plusieurs animaux, notamment les grands singes, les singes et les antilopes, mais son hôte naturel est probablement la chauve-souris frugivore. Cinq types de chauves-souris frugivores se trouvent communément en Afrique de l’Ouest. Les chauves-souris et autres animaux infectés sont souvent consommés. Cette pratique a été citée de nombreuses fois comme étant la cause probable de cette affection chez l’homme.
RÉPONDRE À UNE PANDÉMIE TUEUSE
L’Afrique n’est pas épargnée par les maladies. Le continent abrite la « ceinture de la méningite », qui s’étend depuis l’Érythrée vers l’ouest, jusqu’au Sénégal. Le paludisme est un problème dans la plus grande partie du continent, et les épidémies de choléra y sont courantes, en particulier durant la saison des pluies. Les pandémies de grippe sont des menaces permanentes en Afrique et au-delà. Mais avec Ebola, c’est différent. Les épidémies ne sont pas particulièrement courantes. La maladie vit à l’ombre de jungles denses et de villages reculés. Si un homme, dans un village isolé, manipule ou mange un chimpanzé mort, par exemple, il peut contracter la maladie et même la propager à des amis et à des membres de sa famille. Toutefois, le taux de mortalité élevé a pour conséquence qu’Ebola peut s’éteindre avant de se répandre.
Dans l’épidémie ouest-africaine, la proximité de centres densément peuplés tels que Monrovia, au Liberia, a permis que la maladie se propage plus rapidement que les capacités de réaction du personnel médical. Les hôpitaux et les centres de soins ont eu tôt fait d’être débordés.
La peur associée à la maladie a également eu un effet en cascade aux conséquences létales. Les personnes atteintes de maladies pouvant être traitées, telles que la pneumonie, la diarrhée et le paludisme ont évité les hôpitaux de crainte de contracter Ebola. Parfois, des professionnels de santé, inquiets, refoulent des malades par peur de la maladie. Les deux attitudes peuvent intensifier la propagation d’Ebola et aboutir au décès de patients, alors que cela pourrait être évité.
« Si vous vous cognez l’orteil maintenant à Monrovia, vous allez avoir des difficultés à vous faire soigner, donc imaginez si vous avez une crise cardique ou si vous êtes atteint de paludisme », a déclaré Sheldon Yett, le représentant du Liberia auprès du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Washington Post en septembre 2014. « Cela entraîne une menace considérable pour les enfants et leurs familles. »
La crise liée à Ebola a également détourné l’attention normalement accordée à certaines maladies guérissables telles que la polio. La Guinée, le Liberia et la Sierra Leone n’ont pas participé à une récente campagne de vaccination contre la polio organisée par 18 pays, selon NPR, la radio publique des États-Unis. D’autres campagnes de vaccination des enfants, par exemple pour les oreillons, sont abandonnées en cours de route.
Ellen Johnson Sirleaf, la présidente du Liberia, a déclaré à The Associated Press en août 2014 qu’il fallait réagir à cette épidémie avec des « mesures exceptionnelles pour la survie même de notre État et pour la protection de la vie de nos populations ».
« L’ignorance, la pauvreté, ainsi que les pratiques religieuses et culturelles enracinées continuent d’exacerber la propagation de la maladie, en particulier dans les comtés », a expliqué la présidente Johnson Sirleaf.
UNE COMMUNICATION EFFICACE EST LA CLÉ
Parmi les modes initiaux de propagation d’Ebola en Afrique de l’Ouest, il y avait les rites funéraires et d’enterrement au cours desquels les personnes en deuil touchaient et parfois lavaient les corps de ceux qui avaient succombé à la maladie. Ce contact physique rapproché avec les corps infectés était l’un des modes primordiaux de transmission.
Dans certaines communautés, la réticence à abandonner les corps aux autorités sanitaires a conduit à des affrontements et a instauré la méfiance à une phase cruciale de l’épidémie, à un moment où il était impératif de contrôler sa propagation. En outre, certains de ces mêmes groupes ont très bien pu s’exposer eux-mêmes au virus par le biais de la consommation de la viande de brousse, provenant d’animaux sauvages de la forêt.
Le Dr Mark J. Walters, vétérinaire et professeur de journalisme à l’Université de Floride du Sud de Saint-Pétersbourg aux États-Unis, a indiqué qu’il pouvait être difficile pour les soldats et les responsables de la santé publique de communiquer d’importantes informations médicales aux populations civiles fidèles à des traditions immémoriales. Pourtant, cette communication est cruciale.
« Je pense que l’une des méthodes universelles qui fonctionnent est la notion de l’incorporation d’informations scientifiques dans un récit ou une parabole», explique Mark Walters. « L’élément primordial est ici le récit, plutôt que l’information intrinsèque. Je pense qu’en tant qu’humains nous sommes totalement réceptifs aux récits. C’est ce que nous comprenons, ce que nous nous racontons, et toute cette idée de communication scientifique est plutôt une chose nouvelle, qui relève du domaine de l’acquis — elle n’est pas inhérente à nos modes de pensée. »
Il explique que les brochures contenant de simples « livres d’images » pourraient être efficaces pour l’illustration des symptômes et les précautions à prendre par les civils.
Un artiste de Monrovia, au Liberia, a réalisé des peintures murales montrant de saisissantes images de personnes et de visages illustrant tous les symptômes d’Ebola. Des milliers de personnes sont passées devant les peintures murales chaque jour, à pied ou en véhicule. « Cet artiste a eu exactement la bonne idée », observe Mark Walters.
LES ARMÉES OUEST-AFRICAINES RÉAGISSENT
Ebola est une maladie effrayante. Sa létalité et l’ignorance de nombreuses populations civiles à son sujet peuvent rapidement engendrer les troubles et le désordre civils. C’est ce qui s’est produit pendant l’épidémie ouest-africaine. Certaines personnes croient que les responsables gouvernementaux ont fabriqué cette épidémie, dans le cadre d’un stratagème visant à obtenir des millions de dollars d’aide financière occidentale. D’autres habitants ont acquis la certitude que s’ils se rendaient dans les centres de traitement pour Ebola, ils tomberaient malades et pourraient même mourir. Certains patients, infectés par Ebola, ont quitté les hôpitaux et ont essayé de retourner chez eux, ramenant de la sorte la maladie hautement contagieuse dans les centres de population.
Il est rapidement devenu manifeste qu’il était essentiel que les militaires s’impliquent. « Pour que les soins soient prodigués efficacement, il est crucial qu’il y ait un contrôle strict, une supervision stricte, et une bonne chaîne de commandement », a déclaré à NPR Sophie Delaunay, directrice exécutive de Médecins Sans Frontières, à la mi-septembre 2014. « C’est la clé. Et c’est pourquoi nous attachons une grande importance au rôle de l’armée dans cette intervention, et qu’en réalité nous souhaiterions qu’il y ait une mobilisation bien plus importante des ressources et du personnel militaires, parce que les armées sont bien mieux équipées que toutes les autres organisations non gouvernementales pour mettre en place d’un bout à l’autre du processus ce type de supervision très stricte et effective. »
À ce moment-là, les armées ouest-africaines se mobilisaient déjà autour d’initiatives visant à combattre et à contenir la propagation d’Ebola. En août 2014, on a fait appel aux soldats libériens pour empêcher les populations venant des zones périphériques de se rendre à Monrovia. Le pays est devenu l’épicentre de l’épidémie, avec le plus grand nombre de cas. L’accès aux hôpitaux et au personnel médical étant devenu très difficile à obtenir, les patients d’Ebola sont parfois morts dans les rues ou sont restés affalés aux portes des hôpitaux de traitement, faute de lits disponibles. Dans la capitale, les taxis sont devenus l’un des modes primordiaux de transmission de la maladie, parce que les patients infectés les ont utilisés pour se rendre dans les centres de soins.
Si la propagation d’Ebola s’est prolongée, c’est également en raison de l’insuffisance des ressources sanitaires, conjuguée à d’autres facteurs.
« Dès qu’un nouveau centre de traitement d’Ebola s’ouvre, il se remplit immédiatement et déborde de patients, phénomène qui illustre l’ampleur du nombre de cas à traiter, auparavant invisible », a indiqué l’Organisation mondiale de la Santé à la BBC en septembre 2014. « Lorsque l’on refoule des patients, ils n’ont guère d’autre choix que de retourner dans leurs communautés et dans leurs logis, où ils infectent inévitablement les autres. »
En Sierra Leone, l’un des trois pays ouest-africains luttant contre la maladie, les Forces armées de la République de Sierra Leone (RSLAF) ont organisé l’Opération Octopus (pieuvre). Au début du mois d’août 2014, 54 membres du service de santé des RSLAF figuraient parmi le contingent de 750 militaires déployés dans les districts de Kailahun et de Kenema en soutien du ministère de la Santé et de l’Assainissement et de la police sierra-léonaise dans la lutte contre Ebola, selon le capitaine Yayah Sidi Brima des RSLAF.
Le capitaine Brima a relaté que le général de brigade Brima Sesay, des RSLAF, a déclaré que cette intervention militaire non armée inclurait la sécurisation des épicentres de la maladie, la mise en place d’un cordon sanitaire autour de certaines zones et d’hôpitaux gouvernementaux, ainsi que l’établissement de postes de contrôle et de patrouilles mobiles.
En octobre 2014, 65 membres des RSLAF ont été formés par l’organisation non gouvernementale irlandaise GOAL dans les villes sierra-léonaises de Freetown, Makeni et Bo, pour qu’à leur tour ils puissent former 1.630 autres soldats des RSLAF déployés dans tout le pays pour aider le ministère de la Santé et de l’Assainissement à lutter contre Ebola.
Le capitaine Brima a indiqué que la formation enseignerait aux membres des RSLAF la manière de se protéger eux-mêmes et de protéger leurs communautés contre Ebola.
La Sierra Leone a également imposé un confinement de trois jours, du 19 au 21 septembre 2014, dans l’espoir de mettre fin à la propagation de la maladie. Le confinement a été accueilli avec scepticisme par les professionnels de santé, qui affirment que de telles tactiques « finissent par inciter les gens à vivre dans la clandestinité et par nuire à la confiance nécessaire entre la population et les professionnels de santé », a déclaré Médecins Sans Frontières au Washington Post. « Ceci entraîne la dissimulation de cas potentiels et finit par propager la maladie encore davantage. »
Les États-Unis ont déployé plus de 3.000 militaires à Monrovia pour construire des unités de traitement d’Ebola (ETU). Chaque ETU fournira de 50 à 100 lits dans toute la ville ainsi que vers le nord et vers le sud. Les responsables ont prévu que la mise en place des ETU serait achevée avant la fin décembre 2014.
L’UNION AFRICAINE RÉAGIT
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a autorisé en août 2014 le déploiement d’une mission humanitaire conjointe civilo-militaire en réponse à l’épidémie d’Ebola.
La mission de soutien de l’Union africaine à la lutte contre l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (ASEOWA) a déployé des volontaires civils et militaires de l’ensemble du continent. Le personnel de la mission comprend des médecins, des infirmiers ainsi que d’autres travailleurs médicaux et paramédicaux. L’opération, d’un coût de 35 millions de dollars, devait être engagée pendant six mois, avec rotation mensuelle des bénévoles. Cette initiative devait compléter le travail effectué par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis et d’autres agences.
La mission était la première de ce type engagée par l’UA. Initialement, 30 bénévoles ont rejoint le général de division ougandais Julius Oketta, chef de mission de l’ASEOWA, au Liberia. (Voir l’interview avec le général de division Oketta à la page 30). Le général Oketta a une vaste expérience de la gestion des situations d’urgence dans son pays natal, où il est directeur du Centre national de la coordination et des opérations en situation d’urgence.
Les 30 premiers bénévoles ont participé à des séances d’information préalables au déploiement, au siège de l’UA à Addis-Abeba, en Éthiopie, avant leur départ en septembre 2014 pour l’Afrique de l’Ouest. Dans leurs rangs se trouvaient des épidémiologistes, des cliniciens, des spécialistes de la santé publique et des travailleurs des communications de la République démocratique du Congo, de l’Éthiopie, du Nigeria, du Rwanda et de l’Ouganda.
Selon l’UA, l’ASEOWA offre « l’expertise technique, les ressources, le soutien politique et financier » à l’assistance humanitaire, et est en mesure de coordonner ce soutien et « d’appuyer la sensibilisation du public ainsi que des mesures de prévention dans toute l’Afrique et en particulier dans la région affectée. »
Il était prévu l’envoi d’un deuxième groupe de bénévoles en Sierra Leone avec l’élargissement de l’opération.
« Vous êtes tout à fait uniques, en ce sens que dans votre mission, vous serez déployés sous l’étendard de l’Union africaine », a déclaré aux bénévoles, avant leur départ pour le Liberia, le Dr Mustapha Sidiki Kaloko, le commissaire de l’UA pour les affaires sociales. « C’est le moment pour l’Afrique de montrer qu’elle est solidaire des pays affectés. »
Ebola Chronologie
Nombre de MALADES/DÉCÈS
- 1976: SOUDAN 284/151, ZAÏRE 318/280
- 1977: ZAÏRE 1/1
- 1979: SOUDAN 34/22
- 1994: Gabon 52/31, Côte d’Ivoire 1/0
- 1995: RDC 315/250
- 1996: AFRIQUE DU SUD 2/1, Gabon 37/21
- 1997: Gabon 60/45
- 2000: OUGANDA 425/224
- 2001: Congo 57/53, Gabon 65/53
- 2002: Congo 143/128
- 2003: Congo 143/128
- 2004: SOUDAN 17/7
- 2007: RDC 264/187, OUGANDA 149/37
- 2008: RDC 32/15
- 2011: OUGANDA 1/1
- 2012: RDC 36/13, OUGANDA 11/4, OUGANDA 6/3
- 2013: Congo 35/29
- 2014: RDC 66/49
- AFRIQUE DE L’OUEST* 17,942/6,388
COMMENT EMPÊCHER LA CONTRACTION ET LA PROPAGATION D’EBOLA
Ebola est une fièvre hémorragique virale, qui fait partie d’un groupe de virus qui infectent plusieurs systèmes organiques dans le corps humain et provoquent souvent des saignements. Il existe cinq souches du virus, et il est avéré que quatre d’entre eux infectent les personnes. L’épidémie de l’Afrique de l’Ouest provient de la souche Ebola Zaïre, la plus commune et la plus létale à ce jour.
COMMENT EBOLA SE PROPAGE
Le virus se propage par contact avec les fluides corporels d’une personne infectée. On estime que la transmission n’est possible que si une personne infectée en exhibe les symptômes. Toutefois, une fois que cela se produit, le sang, la sueur, la salive, les selles, le vomi, l’urine, le lait maternel et le sperme d’une personne infectée peuvent propager la maladie si le fluide pénètre dans une lésion ouverte ou dans une partie du corps recouverte d’une muqueuse telle que les yeux, le nez et la bouche.
D’après les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, d’autres modes de transmission incluent des objets tels que les aiguilles et seringues contaminées par le virus, et les animaux infectés. La manutention et l’ingestion d’animaux sauvages chassés pour la nourriture, dont la viande est couramment appelée viande de brousse, peuvent propager la maladie si l’animal est infecté. Il est avéré que les chauves-souris, les singes, les chimpanzés et les porcs sont porteurs du virus Ebola.
Les moustiques et d’autres insectes ne transmettent pas Ebola, et aucun élément d’observation ne semble indiquer que la maladie puisse être propagée par l’air ambiant.
Une personne qui se rétablit d’Ebola peut encore être contagieuse à travers son sperme pendant une période allant jusqu’à trois mois. Pour cette raison, Il est recommandé aux personnes qui se rétablissent d’Ebola de s’abstenir d’avoir des rapports sexuels pendant trois mois ou d’utiliser des préservatifs pendant cette période.
COMMENT ÉVITER EBOLA
L’Organisation mondiale de la Santé préconise les étapes suivantes pour éviter de contracter Ebola :
- Ne pas toucher de personnes malades qui présentent les symptômes d’Ebola, à savoir la fièvre, la diarrhée, les vomissements, les céphalées et parfois les saignements abondants.
- Ne pas toucher les cadavres de patients chez lesquels l’infection par Ebola est suspectée ou confirmée.
- Se laver les mains régulièrement avec de l’eau et du savon.
Les experts indiquent également que les gens doivent éviter tout contact avec les chauves-souris et les primates non humains, ou bien avec le sang, les fluides et la viande crue préparée à partir de ces animaux.
Si vous allez dans une zone où Ebola est prévalent, surveillez votre santé pendant 21 jours et cherchez à obtenir immédiatement des soins médicaux si vous développez les symptômes d’Ebola.
Un laboratoire ougandais
UN OUTIL PRÉCIEUX DANS LA LUTTE CONTRE LES MALADIES MORTELLES
Depuis 2000, deux souches de la maladie mortelle — le virus Soudan et le virus Bundibugyo — ont frappé l’Ouganda cinq fois en tout, faisant au total 269 victimes, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC).
D’autres maladies infectent par ailleurs fréquemment les Ougandais. Parmi elles, la fièvre jaune, le VIH/Sida, la fièvre de la Vallée du Rift et le virus de Marburg, une fièvre hémorragique virale similaire à Ebola. Depuis des années, l’Ouganda dispose d’un outil essentiel en vue d’étudier de telles maladies et d’y répondre : l’Institut de recherche virologique de l’Ouganda (UVRI) à Entebbe.
La Fondation Rockefeller a créé l’UVRI en 1936, qui était à l’époque l’Institut de recherche pour la fièvre jaune. En 1950, il est devenu l’Institut de recherche virologique est-africain. Il a été rebaptisé UVRI 27 ans plus tard. Telles sont quelques-unes des étapes marquantes franchies depuis sa création :
- Isolement des virus chikungunya et West Nile à l’Institut en 1937. Le chikungunya provoque de la fièvre, des douleurs articulaires et parfois des céphalées, des douleurs musculaires, des inflammations aux articulations et une éruption cutanée. Le virus West Nile, également propagé par les moustiques, provoque parfois de la fièvre et d’autres symptômes.
- Découverte de la fièvre Bwamba, transmise à l’homme par les moustiques, dans les années 1940. Cette maladie, souvent confondue avec le paludisme, provoque de la fièvre, des céphalées, des douleurs lombaires et d’autres symptômes.
- Isolement en 1942 du virus Semliki Forest, une autre maladie véhiculée par un moustique. Le virus provoque des symptômes bénins, parmi lesquels des céphalées, de la fièvre, des douleurs musculaires et des inflammations aux articulations.
- Isolement du virus O’nyong’nyong en 1959. Son nom signifie « affaiblissement des articulations » et il est similaire au chikungunya.
- En 1997, le CDC a établi un centre à l’UVRI.
- En 1999, l’UVRI a collaboré à l’essai clinique du premier vaccin du VIH en Afrique.
- L’initiative internationale pour un vaccin contre le Sida a commencé à collaborer avec l’UVRI dans le cadre de la recherche d’un vaccin contre le VIH/Sida en 2000.
L’UVRI permet également à l’Ouganda de bénéficier d’avantages particuliers lorsque se produit une épidémie d’Ebola.
« Historiquement, l’Ouganda a très bien pris en charge ces cas », a indiqué à l’IRIN Trevor Shoemaker, un épidémiologiste travaillant à la Branche pathogènes viraux spéciaux du CDC en Ouganda. « S’il y a un cas suspecté d’Ebola, les responsables locaux de la santé suivent un processus destiné à l’investigation et au signalement d’un échantillon suspect par le biais du DHIS 2 [le système d’informations sur la santé du district]. »
En Ouganda, un membre de l’équipe de santé d’un village ou un professionnel de santé au niveau du district notifie aux responsables de district les cas suspectés d’Ebola. S’il est avéré que le patient répond aux critères d’un tel cas, il est emmené dans un centre médical, on lui fait une prise de sang et il est mis en isolement jusqu’à l’achèvement des analyses de laboratoire.
L’échantillon est enregistré et envoyé à l’UVRI et au CDC pour être analysé. Le temps nécessaire à la prise d’un échantillon, à son analyse et à la transmission de ses résultats est de 24 à 48 heures. Dans le passé, et dans d’autres endroits dépourvus de tels centres, de telles tâches pouvaient prendre des semaines.
«Ceci permet le déploiement d’une équipe d’intervention dans le district [affecté] pour engager rapidement une intervention d’urgence », a expliqué Trevor Shoemaker. « À lui seul, ce facteur temps peut considérablement réduire le nombre total de cas, parce que vous pouvez rapidement identifier de nouveaux cas et surveiller les contacts. »
Asuman Lukwago, secrétaire permanent auprès du ministère ougandais de la Santé, a déclaré à l’IRIN que cette capacité apporte de la tranquillité d’esprit et sauve des vies. « Auparavant, nous devions envoyer ces spécimens à Atlanta [aux États-Unis] et ce processus pouvait prendre environ de deux à trois semaines, période pendant laquelle nous étions sur les charbons ardents, et ceci pouvait donner le temps à l’épidémie de se transmettre. En revanche, à présent, nous pouvons rapidement donner une confirmation, et par conséquent alerter le public, et tout le monde devient prudent. »
Si Ebola frappe, les responsables ougandais collaborent avec l’Organisation mondiale de la Santé, le CDC, Médecins sans frontières, la Croix-Rouge ougandaise, et d’autres organisations non gouvernementales pour fournir une assistance de laboratoire et organiser une campagne de communications, déclare Issa Makumbi, du ministère de la Santé. Un groupe de travail national coordonne les équipes de santé au niveau du pays et au niveau du village, et les responsables politiques s’emploient à informer le public.
Le laboratoire du CDC à Entebbe a aidé l’Ouganda à identifier huit épidémies de fièvre hémorragique au cours des quatre dernières années. L’Ouganda est en mesure d’effectuer les mêmes types d’investigation diagnostique réalisés en Afrique de l’Ouest plus rapidement et à un stade plus précoce. Par ailleurs, comme le précise Trevor Shoemaker, parce qu’Ebola et les maladies similaires ne sont pas des événements récents en Ouganda, les civils sont davantage susceptibles de chercher à obtenir des soins médicaux, ce qui permet une intervention globale plus rapide.
« Nous aussi, nous avons paniqué durant la première épidémie en 2000, dont l’un de nos médecins a été victime », a rappelé Asuman Lukwago à l’IRIN. « Tout le monde considérait qu’Ebola était une maladie mystérieuse. Toutefois, depuis lors, nous avons observé que nous sommes toujours exposés à être frappés par Ebola. Aussi, chaque fois que nous sommes en présence d’un cas suspect, nous sommes bien préparés à prendre en charge le pire scénario. Cela a donc atténué l’intensité d’une situation de crise. »
Le DHIS 2 fait un compte-rendu des cas suspects, envoie des courriels et des alertes SMS, et utilise la radio et la télévision pour diffuser le message au sujet des épidémies.
« Si une épidémie d’Ebola se produit dans toute partie de l’Ouganda, la plupart des personnes disposant de téléphones pourront être informées en une heure ou deux par le biais des alertes SMS », a ajouté Asuman Lukwago. « Nous aussi, nous communiquons par la radio et la télévision, dont dispose une majorité de la population. Avant la fin de la journée, pratiquement chaque Ougandais est au courant d’une épidémie d’Ebola. »