Des séquoias géants surplombent le terrain du parc national d’Aberdare dans la région centrale du Kenya. Le parc héberge une gamme d’espèces animales, notamment les antilopes, les buffles, les éléphants, ainsi que des espèces menacées telles que les rhinocéros noirs, les bongos des montagnes, les colobes noirs et blancs et les chats dorés d’Afrique.
Ce parc de 767 km carrés possède des landes, des montagnes et des forêts tropicales. C’est aussi un point sensible pour le braconnage de la faune sauvage et l’abattage illégal des arbres. Récemment, un groupe d’hommes en uniforme et une femme, accompagnés de gardes forestiers armés, traversaient silencieusement des broussailles envahies par les grandes orties de la forêt. Wilson Gioko, chef du groupe, avait repéré un amas de bouse fraîche et murmura : « Halte. »
Bientôt, le groupe entendit un bruit de trompette provenant de l’intérieur de la forêt, ce qui confirma les soupçons de M. Gioko sur la présence d’éléphants sauvages.
« Nous ne devons pas les déranger », a-t-il dit selon un reportage d’Al Jazeera.
M. Gioko et son équipe font partie de l’unité de surveillance conjointe de l’Aberdare (AJSU), qui patrouille le parc et cherche des preuves de braconnage et d’abattage illégal. Les membres de cette unité sont pour la plupart des ex-braconniers ou des ex-bûcherons illégaux.
L’unité a été créée en 2010 par le Kenya Wildlife Service (KWS) et Rhino Ark, une organisation non gouvernementale kényane. Elle retire les pièges mis en place par les braconniers, gère les incendies de brousse, saisit les animaux et les plantes braconnés, conduit des recensements de faune sauvage et aide à arrêter les criminels.
L’unité, toujours accompagnée de gardes forestiers du Kenya Wildlife Service et du Kenya Forest Service (KFS), révèle aux conservationnistes les tactiques, les chemins et les outils employés dans les activités de braconnage.
Adam Mwangi, gestionnaire de la communauté Rhino Ark, déclare à l’organisation sans but lucratif FairPlanet : « Les braconniers réformés font partie intégrante de l’équipe parce qu’ils connaissent bien [le] terrain accidenté et la nature éloignée de la forêt d’Aberdare. Ils ont déjà des connaissances antérieures du comportement des espèces sauvages dans la forêt d’Aberdare et dans le parc national, et ils connaissent déjà les bandes engagées dans les activités illégales, notamment l’heure et le lieu de leurs activités. »
John Mugo, âgé de 50 ans, est l’un des braconniers réformés de l’unité. Il se souvient de plusieurs affrontements antérieurs avec la police, le KFS et le KWS. Il dit qu’il avait été menotté trois fois lorsqu’il avait été pris en flagrant délit de poser des pièges sur les arbres de la forêt. Ces pièges avaient des lances, certaines munis de poison mortel, qui tuaient instantanément les animaux.
M. Mugo a déclaré au journal kényan Nation en 2022 : « Un jour, je suis revenu pour voir ce qui avait été piégé et j’ai trouvé un rhinocéros noir qui était mort. C’est alors que j’ai renoncé à mon activité de braconnier. »
Pour l’unité, une journée typique commence à environ 5 heures du matin. Une équipe de soutien aérien transmet à l’unité les coordonnées des points sensibles de braconnage et d’abattage soupçonnés par GPS. L’unité surveille alors ces zones sur le terrain avec les gardes forestiers. À la tombée de la nuit, l’unité installe un campement ; elle couvre environ 700 km de forêt chaque mois.
Selon FairPlanet, la communauté à la périphérie du parc est confrontée depuis des années par les conflits entre les humains et la faune sauvage. Ceci a conduit à la destruction des récoltes et au massacre des animaux en guise de représailles. L’unité surveille aussi une barrière de 400 km placée dans la forêt pour gérer ce problème.
Christian Lambrechts, directeur exécutif de Rhino Ark, a déclaré à Al Jazeera que l’embauche des membres de la communauté ayant des antécédents de crime contre la faune sauvage était une décision stratégique, pas seulement à cause de leurs informations privilégiées mais aussi pour aider à promouvoir des attitudes anti-braconnage dans la communauté.
M. Mugo dit que son travail a « transformé » la façon dont « beaucoup de gens » de son village considèrent le braconnage et l’abattage illégal.
« Ils comprennent maintenant les avantages de préserver l’environnement », dit-il au journal Nation.
Depuis la création de l’AJSU, les activités illégales ont diminué d’environ 80 % dans la forêt, alors que les poursuites judiciaires pour des crimes liés à la faune sauvage et la forêt enregistrent un taux de succès de 90 %, selon FairPlanet.
Toutefois, l’unité affronte des défis alors que les bûcherons et les braconniers inventent de nouvelles méthodes sophistiquées pour poursuivre leurs activités. En réponse, l’AJSU a commencé à entreprendre des opérations sous couvert pour prendre au dépourvu les braconniers, et a établi des cellules de collecte des renseignements.