RÉCIT ET PHOTOS DE REUTERS
Au milieu de matériel musical étalé sur une planche à repasser, le disc-jockey Evans Mireku Kissi fait onduler ses baguettes en jouant ses morceaux devant quelques spectateurs dans une rue d’Accra. La foule de la capitale guinéenne le regarde mélanger les rythmes et les danses autour de son stand durant le spectacle.
Outre sa musique, sa tenue un peu étrange – une chemise et une cravate rentrées dans son short sous un gilet, des chaussettes lui arrivant à mi-cuisse, des richelieus et un bonnet – attire également l’attention.
Evans Mireku Kissi, également surnommé Steloo, fait partie d’un groupe d’artistes, de musiciens et de stylistes d’Accra dont l’apparence décalée fait tourner les têtes dans des rues où la plupart des hommes portent des costumes sobres ou bien des chemises en tissu aux imprimés traditionnels.
« Les gens disent ‘C’est quoi ce que vous portez ?’ Ils ont une drôle de façon de regarder [mes vêtements] », observe cet artiste âgé de 30 ans. « Mais d’un autre côté j’aime le fait que cela génère des émotions contradictoires dans la tête des gens ».
Les hommes et les femmes du groupe disent qu’ils veulent remettre en question les notions traditionnelles de mode africaine, et qu’ils vont sur les médias sociaux pour partager leurs tenues créatives.
Âgés de 19 à 38 ans, ils assortissent vestes ajustées, tee-shirts imprimés, jeans pattes d’eph et robes vintage pour créer des tenues décalées, voire excentriques, que l’ont voit plus souvent à Londres qu’à Accra.
On peut régulièrement voir Evans Mireku Kissi poser pour des séances photo à travers la ville, vêtu de tenues aux couleurs vives, le plus souvent accessoirisées de lunettes de soleil et d’un bonnet de toile très ajusté. Ces portraits et selfies stylés, souvent téléchargés en ligne, ont fait de lui une célébrité locale, ses tenues et sa musique attirant les foules à ses fêtes.
« Je me suis trouvé en tant qu’artiste », affirme-t-il.
Evans Mireku Kissi et ses amis se retrouvent régulièrement dans un studio d’art pour échanger des idées. Ils disent admirer les « Sapeurs de Kinshasa », qui ont transformé la mode en une forme d’art raffinée à l’époque du Zaïre de Mobutu Sese Seko. Toutefois, leur style unique en son genre suscite également les critiques des habitants plus conservateurs.
« On m’a dit que je n’allais pas pouvoir trouver de mari », confie l’artiste Sena Ahadji, qui auparavant arborait une coupe mohawk. « On me traitait de tous les noms dans l’autobus ».
Le soutien des autres membres du groupe l’a aidée à surmonter ces commentaires négatifs.
« Je ressens beaucoup moins de pression qu’auparavant », explique-t-elle. « Je suis moi. Je suis Africaine. Ce n’est pas l’étoffe qui fait de moi une Africaine. Ce n’est pas ma chevelure qui fait de moi une Africaine, mais je sais qui je suis ».