SOLLICITER LE SOUTIEN DES CITOYENS, ET LES RÉCOMPENSER, PEUT FAIRE AVANCER LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
PERSONNEL D’ADF
Lorsque les élections nationales somaliennes eurent lieu en février 2017, les forces du gouvernement et de l’Union africaine prirent des mesures pour prévenir la violence visant à ruiner un transfert de pouvoir pacifique. Le vote des membres du parlement pour le président, qui était prévu dans une académie de police de Mogadiscio, a été relocalisé par les responsables dans un hangar d’avion à l’aéroport international Aden Adde.
Les mesures de sécurité ont inclus l’interdiction des vols en provenance ou à destination de l’aéroport, l’arrêt de la circulation et la création d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la ville, selon le reportage de la BBC. Pourtant, des militants d’al-Shebab ont tiré des obus de mortier qui ont atterri à proximité du site de l’élection.
En fin de compte, l’élection s’est déroulée paisiblement et un nouveau président est entré en fonction. En plus des mesures publiques de sécurité, d’autres événements importants se sont produits en coulisse. Dans un cas, un seul coup de téléphone a peut-être sauvé des centaines de vies.
Une femme a composé le 990 sur son téléphone pour signaler que des hommes vivant à proximité agissaient de façon suspecte. Les hommes de la maison ne parlaient pas aux voisins et ne quittaient pas la maison pendant la journée. Son appel a abouti à une ligne spéciale de dénonciation établie en 2016 par la NISA (Agence nationale de renseignement et de sécurité) somalienne pour permettre au public de signaler les activités suspectes. Résultat : les autorités ont arrêté 12 membres d’al-Shebab qui prévoyaient une attaque à l’aide d’engins explosifs improvisés montés sur véhicule et de gilets suicides.
« Le programme a eu beaucoup de succès », déclare Ismail D. Osman, ancien premier directeur adjoint de NISA. « Nous avons reçu pendant cette période de huit ou neuf mois près de 5.000 appels. » Au début, les responsables recevaient 20 appels par jour, mais parfois ils ont reçu jusqu’à 500 appels par jour.
La ligne de dénonciation de la NISA, qui était active à partir de 2016 et jusqu’en 2017, était seulement un des éléments d’un programme de récompenses visant à améliorer la sécurité de la Somalie. En plus de la ligne de dénonciation, la Somalie a un programme pour les transfuges. Dans ce programme, les militants d’al-Shebab peuvent accepter l’amnistie du gouvernement et participer à un programme de deux ans dans des installations sécurisées, où ils seront formés pour faire à nouveau partie de la société dans le cadre du programme national gouvernemental pour le traitement et la gestion des combattants désengagés.
« Une partie de la récompense consiste à les instruire, à les nourrir, à les réhabiliter et à leur donner une certaine formation technique pour qu’ils puissent s’intégrer dans la société et travailler, que ce soit comme soudeur, mécanicien ou quelque chose comme ça, déclare M. Osman. Lorsqu’ils partent du centre, nous leur donnons un peu d’argent de poche qui leur permettra essentiellement de vivre pendant quelques mois. Mais avant tout, leur récompense est la sécurité. »
PLUSIEURS PROGRAMMES TÉLÉPHONIQUES
Les programmes de récompense dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent peuvent prendre plusieurs formes, même celle d’une opération simple avec numéro gratuit.
En Somalie, la ligne de dénonciation 990 offrait de petites récompenses monétaires aux gens qui avaient des informations exploitables et qui voulaient se manifester. M. Osman déclare que le programme offrait entre 50 et 100 dollars environ pour des informations utiles. Il déclare qu’environ la moitié de ceux qui fournissaient des informations par téléphone ne se présentaient pas parce qu’il pourrait être dangereux d’être vu en train de collaborer avec le gouvernement.
Les programmes de récompenses concernant la lutte contre le terrorisme existent aussi, dans diverses phases de développement, au Kenya, en Libye, en Mauritanie et au Niger.
Le Niger prévoit un programme de récompenses par téléphone similaire à celui utilisé en Somalie, et la Libye a commencé à établir son propre programme de récompenses. Le programme du Niger est le résultat d’une initiative lancée lors de l’Exercice Flintlock il y a quelques années, qui avait suscité plus de 1.000 appels pendant la première semaine. Les autorités locales essaient toujours de créer un système officiel.
Les Forces armées de Mauritanie ont aussi une ligne nationale de dénonciation dont les appels sont dirigés vers un quartier général centralisé. Les autorités locales ont annoncé le programme mais ont choisi de ne pas offrir de récompense. Les civils souhaitaient déjà fournir des informations du fait de leur opposition au terrorisme.
Le service de la police nationale du Kenya est sur le point d’établir un centre d’appels national à Nairobi. Les responsables rénovent des bureaux et achètent des équipements informatiques. Puis des employés seront formés sur la façon d’utiliser les équipements, y compris un service informatique basé sur le cloud. Une fois prêt, une campagne nationale de publicité indiquera que les gens peuvent appeler un numéro téléphonique gratuit pour dénoncer les activités terroristes. Les appels seront dirigés vers un centre de la police à Nairobi.
La Force de défense du peuple ougandais a distribué des téléphones portables aux commandants et aux chefs d’unité. Ceci rend possible toute une série de lignes de dénonciation miniatures lorsque les officiers fournissent les numéros de téléphone aux villageois et aux civils pour qu’ils les appellent s’ils ont des informations. Les téléphones peuvent être parfois éteints du moment que la messagerie vocale reste activée. Les commandants peuvent écouter leurs messages de temps à autre pour évaluer les informations.
RECRUTEMENT DES CIVILS POUR PROTÉGER LES FORCES
Les programmes ne sont pas limités aux centres d’appels, et il n’est pas non plus nécessaire qu’ils se concentrent exclusivement sur les opérations de lutte contre le terrorisme. Un programme de protection des forces visant la sécurisation des forces à la recherche de Joseph Kony, chef de la LRA (Armée de résistance du Seigneur), a pris fin en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, dans le Soudan du Sud et dans l’Ouganda au printemps 2017.
Même si elle n’est plus active, l’opération Kony offre un modèle simple mais efficace pour solliciter l’aide des civils. Des soldats des forces spéciales étaient stationnés dans divers avant-postes ruraux des quatre pays, et il était donc impossible d’avoir une seule ligne téléphonique ou un seul centre d’appels. Au lieu de cela, les groupes qui diffusaient déjà des informations sur les activités de la LRA ont installé de nouvelles tours de radio FM et ont augmenté la portée des tours existantes.
En outre, un grand nombre de petites villes et de villages ont des centres communautaires tels qu’un petit pavillon ou un panneau d’affichage où des informations peuvent être placées sur les extrémistes recherchés, sur ceux à qui on peut parler pour fournir des renseignements, et sur le type de récompense qui peut être offert pour des tuyaux utiles. Tous ceux qui avaient des informations rendaient en général visite à un ancien du village pour partager ces informations, et le leader communautaire contactait l’un des avant-postes militaires engagés dans la recherche de M. Kony. Une fois que les informations étaient recueillies et validées, l’informateur pouvait être payé.
Les récompenses n’étaient pas limitées à l’argent comptant. Les autorités militaires pouvaient offrir des récompenses en nature, telles que des fournitures d’école, des fournitures médicales et même du bétail. Ce type de récompense peut aider les forces armées et les forces de police à conquérir le cœur et l’esprit des membres des communautés qu’elles servent tout en empêchant les adversaires de fournir ces nécessités.
Le processus souligne aussi la valeur de l’entretien de relations personnelles de confiance avec les leaders communautaires, qui assure la crédibilité et la légitimité aux yeux de ceux que les forces de sécurité essaient de protéger.