PERSONNEL D’ADF
Hakim Owiny avait été élevé dans les camps pour déplacés internes du Nord de l’Ouganda dans les années 1980. Les conflits armés étaient tout autour de lui.
Les gens souffraient de partout mais l’aiguillon de la désinformation a traumatisé sa mémoire. Les rumeurs qui se propageaient disaient que les gens des camps étaient violents et ces caractérisations mensongères incitaient les hausses supplémentaires de violence, de division et de trouble.
Aujourd’hui, M. Owiny a 37 ans et enseigne l’éducation civique. Il travaille dans la communauté du district de Lamwo pour enseigner aux jeunes les bienfaits du dialogue inclusif et les dangers de la désinformation.
Il déclare à la Young African Leaders Initiative : « La désinformation est l’une des armes létales camouflées les plus destructrices pour les gens qui vivent dans l’ombre du conflit et de l’instabilité politique. Lorsque les personnes sont sujettes à un état perpétuel d’inquiétude sur leur vie, cela crée un terrain fertile pour le développement de la mésinformation et la désinformation. »
« [La désinformation] est un cancer qui détruit notre capacité à confronter la vérité. Elle implante la haine en nous, ce qui peut facilement susciter des comportements conflictuels et devient un obstacle pour bâtir des communautés inclusives. »
La désinformation continue à sévir au sein d’un panorama médiatique qui se développe rapidement sur le continent. Les experts tels que Vanessa Manessong, qui travaille avec l’organisme sans but lucratif Code for Africa spécialisé dans le journalisme de la technologie et des données, soulignent les dommages qu’elle provoque pour les perspectives et l’engagement des jeunes.
« Aujourd’hui, les jeunes de 14 à 24 ans ont une forte présence sur les réseaux sociaux ; ils sont donc davantage exposés aux risques de désinformation », a-t-elle déclaré le 18 janvier lors d’un panel de discussion en ligne hébergé par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA).
« Ils sont des cibles idéales pour les activités de recrutement des groupes extrémistes par des campagnes de désinformation qui cherchent à attirer les jeunes vulnérables et à les radicaliser. »
Le journaliste Kunle Adebajo, qui travaille pour HumAngle Media basé à Abuja (Nigeria), a documenté les grandes activités en ligne des groupes extrémistes violents tels que Boko haram et la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique.
« Nous avons étudié comment ils emploient les langues locales et comment ils mélangent différentes langues pour échapper à la modération du contenu sur diverses plateformes », a-t-il dit lors du panel de discussion. « Nous avons réalisé que le fact-checking de la désinformation ou des affirmations individuelles n’est pas suffisant. »
« Parfois, vous voyez seulement un commentaire dans un plus vaste réseau de désinformation. Lorsque vous l’attaquez, le monstre aux sept têtes existe toujours. »
Les groupes extrémistes sont actifs sur les plateformes des réseaux sociaux. Ils emploient Facebook, Telegram, WhatsApp et TikTok pour radicaliser et recruter.
« Ils les utilisent pour faire des sermons, a dit M. Adebajo. Ils partagent aussi des livres électroniques très violents et radicaux sur ces plateformes. Et ils utilisent des robots, en particulier sur Telegram, pour automatiser certains processus de radicalisation. »
Adebajo dit que HumAngle a aussi examiné les efforts de désinformation de la Russie en Afrique.
« Ils utilisent des forums locaux pour propager leur propagande. Nous avons vu comment ils achètent des groupes de Facebook ou ils achètent des organisation médiatiques de bonne réputation pour propager diverses formes de désinformation. Ils ont aussi parrainé et mobilisé des manifestation ici au Nigeria. »
Les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle (IA) générative, ont facilité plus que jamais la création de la désinformation. Elles peuvent tromper les gens, y compris les journalistes, et les persuader de partager encore plus le contenu.
« Les groupes extrémistes du Sahel partagent des messages violents en utilisant des vidéos et des images manipulées, déclare M. Manessong. Ils emploient l’IA pour les produire et ils deviennent de plus en plus sophistiqués. Il devient de plus en plus difficile de les contrecarrer. »
Au Ghana, Harriet Ofori travaille avec l’organisme sans but lucratif Penplusbytes pour mener des campagnes de sensibilisation publique, former les journalistes et enseigner le médiatique. En 2023, plus de 2.000 personnes ont participé aux ateliers.
Mme Ofori a déclaré lors du webinaire du CESA : « La désinformation est comme une maladie qui ne va pas bientôt disparaître. Elle continue à évoluer, et il est donc très important que nous soyons vaccinés. »